Une figure importante de la gastronomie française à Montréal s'est éteinte tout récemment. Jacques Landurie, propriétaire du restaurant Les Halles, est décédé le 26 mai à l'âge de 82 ans. Le restaurant mythique, ouvert de 1971 à 2005, a contribué à faire de Montréal une destination gastronomique.

L'institution de la rue Crescent avait une solide réputation au savoir-faire impeccable, présentant une table raffinée, importée de France et adaptée au Nouveau Monde. Sa renommée s'est rapidement étendue outre-frontières. «Durant les Jeux olympiques de 1976, il a accueilli de nombreux chefs d'État et membres de la royauté, se remémore sa fille, Sibylle, qui y travaillait cet été-là. Il y avait autant de gardes du corps que d'employés dans le restaurant!»

Néanmoins, Jacques Landurie traitait tous ses clients sur le même pied, assure-t-elle. «Un jour, les Rolling Stones sont arrivés pour manger presque à la fermeture. Il leur a expliqué qu'il devait d'abord demander aux employés s'ils étaient d'accord pour rester plus tard.» Ils ont tous accepté, bien entendu!

Passionné par son métier, M. Landurie ne comptait pas ses heures. Il aimait par-dessus tout le contact avec sa clientèle. Avec ses employés, il était un patron exigeant. «C'était un commandant en chef, illustre Dominique Crevoisier, le dernier chef de l'établissement. Par contre, il y avait toujours des défis et des remises en question. Nous essayions d'être avant-gardistes tout en continuant d'offrir les plats de base qui ont fait la réputation du restaurant.»

Né à Paris, Jacques Landurie a quitté la France pour le Québec en 1951 après des études à l'École hôtelière de Thonon-les-Bains. Il venait effectuer un stage d'un an, mais il est tombé amoureux de la province... et d'Ita, qui est devenue sa femme. Ils se sont rencontrés au Ritz-Carlton, où ils travaillaient tous les deux.

Par la suite, M. Landurie a travaillé dans différents établissements, dont le Manoir St-Castin, l'Alpine Inn et À la Crêpe Bretonne. Il a ouvert Les Halles en 1971 avec son partenaire Jean-Pierre Beauquier. L'établissement embauchait une cinquantaine de personnes, dont plusieurs ont été présentes jusqu'à sa fermeture. De 1979 à 1986, il a également été propriétaire du restaurant La petite Halle sur la rue Bishop, lequel comptait une vingtaine d'employés.

M. Landurie s'est aussi engagé auprès de la Fondation Gérard-Delage et de l'Association des restaurateurs du Québec, dont il a été président de 1985 à 1987. «Il passait tous ses lundis de congé à l'association, se souvient François Meunier, vice-président aux affaires publiques et gouvernementales. À l'époque, l'organisation avait besoin d'une structure plus solide et il a contribué à son renouveau.»

Par ailleurs, le restaurateur a été honoré à plusieurs reprises. En 1989, il a été décoré du grade de chevalier du Mérite agricole de France. Quatre ans plus tard, il a reçu un diplôme honoris causa de l'Institut de tourisme et d'hôtellerie du Québec. Enfin, en 2003, il a été le second Canadien admis au Temple de la renommée de la Distinguished Restaurants of North America.

Les dernières années des Halles ont été difficiles pour lui. Durant les années où la gastronomie française était à l'honneur, les clients se ruaient vers les institutions offrant ces bonnes tables. Surtout les touristes qui aimaient se sentir bichonnés par des serveurs attentifs et des chefs talentueux.

Après les événements du 11 septembre 2001, le tourisme s'est étiolé, et l'industrie de la restauration s'en est ressentie. Plusieurs institutions ont fermé, dont Les Halles.

La famille recevra parents et amis pour une célébration à l'automne (les détails seront annoncés ultérieurement).