De l'Est parisien aux quartiers de Shoreditch à Londres ou Brooklyn à New York, la nouvelle génération de chefs installés dans les quartiers qui montent en périphérie des centres-ville plus huppés, est fêtée à Paris à partir de vendredi.

Une trentaine de chefs participent à des festivités culinaires organisées par le guide du Fooding jusqu'à dimanche pour son 15e anniversaire placé sous le thème de «la revanche des faubourgs».

Des quartiers populaires qui ont connu un phénomène d'embourgeoisement et sont devenus ces quinze dernières années le théâtre d'une cuisine «hyper vivante, en recherche», souligne Alexandre Cammas, fondateur du Fooding, n'hésitant pas à parler de «révolution culturelle».

«Dans ces restaurants, il n'y a pas de nappes, pas de grand service, parfois même pas d'entrée et de plat, ça peut être des tapas, un menu dégustation, il n'y a pas forcément de choix. Leur point commun, c'est d'avoir pris leurs distances avec le superflu, d'essayer de faire des choses bonnes, sans faire grimper l'addition», décrit-il.

Comme Tatiana Levha, une femme-chef de 30 ans, aux manettes depuis 2014 du Servan, dans le XIe arrondissement de Paris, sacré «meilleur bistrot» par le Fooding. Aidée de sa soeur, responsable de la salle, elle propose une cuisine créative et accessible dans un ancien café, aux baies vitrées donnant sur la rue et carrelage en mosaïque.

La jeune femme, qui a installé son restaurant dans ce quartier où elle habite depuis douze ans, reconnaît qu'il «y a moins de passage qu'à Saint-Germain-des-Prés». Mais ces quartiers, plus populaires, «sont encore assez abordables quand on est jeunes, ça nous permet d'être autonomes, d'êtres libres».

En outre, «il y a une clientèle ici très sympathique, de gens qui viennent nous voir exprès parce qu'il y a beaucoup de choses qui s'ouvrent, beaucoup de jeunes qui s'installent», souligne ce chef aux origines philippines, passé par les cuisines d'Alain Passard et de Pascal Barbot.

Trois jours de festivités

Pour le «festin festif» organisé par le Fooding samedi aux Puces de Saint-Ouen, Tatiana propose des coques au piment et basilic thaï, plat qu'elle a l'habitude de servir à l'apéritif.

De vendredi à dimanche, les trois jours de festivités parisiennes attirent aussi des chefs venus notamment de Brooklyn et du Queens à New York (Noah Bernamoff, Hugue Dufour), de Saint-Gilles à Bruxelles (Nicolas Scheidt), de Mitte à Berlin (Dat Vuong), de Shoreditch à Londres (James Lowe). L'anniversaire sera mis en musique par Camille, H-Burns, ou encore la Londonienne Denai Moore.

Pour le Fooding, qui capte depuis 15 ans «le goût de l'époque» et défend une gastronomie accessible et novatrice, les arrondissements du nord et de l'Est parisien ont au fil des années pris de plus en plus d'importance dans les palmarès, constate Alexandre Cammas.

«Ces quartiers attirent au départ des jeunes qui n'ont pas énormément d'argent, ce sont des quartiers où l'on boit, où l'on fait la fête», rappelle-t-il. «Et puis ces jeunes s'installent, achètent un appartement, ont des enfants, ils ne peuvent plus sortir très tard, il y a la baby-sitter, ils ne sont plus dans le clubbing. Du coup pour ces jeunes qui ne veulent pas vieillir, le restaurant devient le dernier point de contact avec un esprit jeune!», souligne le critique gastronomique. «À New York, à Los Angeles, on constate exactement le même phénomène».

Le résultat dans l'assiette? «Une cuisine qui est paradoxalement à la fois mondialisée et localisée. Le dénominateur commun, c'est de travailler le produit le plus local possible».

«Ce n'est pas une cuisine bourgeoise. Est-ce que c'est de la cuisine française? C'est impossible à dire, énormément de chefs étrangers ont ouvert des restaurants à Paris», souligne-t-il.