La campagne électorale est terminée. Et les restaurateurs de la colline parlementaire poussent un soupir de soulagement, car ils retrouvent enfin une clientèle d'habitués : les députés, les ministres, les lobbyistes, le personnel politique et les journalistes. Qu'il s'agisse des 5 à 7 après la rencontre hebdomadaire des caucus, à l'heure du lunch ou encore pour discuter de dossiers plus sérieux, la classe politique a fait de certains restaurants de véritables quartiers généraux. Tournée.

HY'S

Considérée comme une institution, cette « maison du steak » a accueilli des politiciens de toutes allégeances politiques. Pendant de nombreuses semaines, l'établissement a toutefois souffert, puisque l'ensemble des politiciens faisait campagne ailleurs au pays. « Je suis bien contente que cette longue campagne soit terminée », a lancé la gérante de l'établissement, Mercedes Gordon, lorsque La Presse est venue la rencontrer à son restaurant.

Quand la Chambre siège, l'endroit est plus occupé, tout comme les soirs de grandes annonces et de budget. Même ceux qui ont quitté la vie politique y viennent lorsqu'ils sont à Ottawa. C'est le cas des anciens premiers ministres Jean Chrétien, Joe Clark et Kim Campbell. L'actuel premier ministre Justin Trudeau y venait aussi... avant sa prestation de serment. Il faudrait souligner toutefois que l'établissement fermera ses portes en février. Une mésentente sur les modalités du bail entre le restaurateur et le propriétaire de l'immeuble expliquerait cette décision. 

170, rue Queen

BRIXTON

C'est un secret de Polichinelle, le Brixton, à la fois bar sportif et pub irlandais, est souvent pris d'assaut par les députés du Nouveau Parti démocratique (NPD), surtout à l'heure de l'apéro, après la rencontre des députés qui a généralement lieu le mercredi. « Thomas Mulcair était ici la semaine dernière, a raconté la propriétaire du Brixton, Annie Zhang, tout en s'affairant derrière le grand bar de bois. Jack Layton et Olivia Chow y avaient aussi leurs habitudes. » Elle nous montre d'ailleurs fièrement sur le menu le Jack's Fried Pepperoni, une entrée de pepperonis frits nommée en l'honneur de l'ancien chef du NPD Jack Layton, mort en 2011. Ce dernier affectionnait particulièrement ce plat. Il reste maintenant à voir si, avec une équipe réduite, les néo-démocrates continueront de remplir cet endroit où les hamburgers sont rois. Chose certaine, ils y ont laissé leur trace. Les portraits de Jack Layton et de Thomas Mulcair sont accrochés au mur.

210, rue Sparks

FAIRMONT CHÂTEAU LAURIER

Presque situé dans la cour du parlement, le Château Laurier fait partie du paysage parlementaire depuis plus de 100 ans. Voilà qui peut expliquer pourquoi la classe politique le fréquente assidûment. Pour le lunch, c'est au Wilfrid's que ça se passe. Les chaises rembourrées, l'ambiance intimiste et la vue sur le parlement sont autant d'éléments qui incitent les élus et leurs collaborateurs à s'y donner rendez-vous. Tout en nous faisant faire le tour de l'endroit, la responsable des communications du Château Laurier, Deneen Perrin, explique à La Presse que les employés de l'établissement ont appris à être discrets lorsqu'ils servent des politiciens. Ici, pas d'égoportraits. Les soirs, vers 17 h, c'est au Zoé's Lounge que certains parlementaires se retrouvent. L'éclairage tamisé, les fauteuils, le piano à queue, tout ce décor a certainement vu bien des dossiers importants se régler.

1, rue Rideau

D'ARCY McGEE'S

Un autre classique. Lors de notre passage - jour de la formation du premier cabinet du gouvernement Trudeau -, l'endroit était plein. « L'événement d'aujourd'hui a amené beaucoup de monde en ville », a répondu la serveuse lorsqu'on lui a demandé si une telle foule était habituelle. Voilà un autre endroit qui vibre au rythme des horaires de la Chambre des communes. Ce pub est par ailleurs réputé pour être le repaire des libéraux. Situé dans la rue Sparks, à deux pas du parlement, le D'Arcy McGee's, qui compte le fish & chips parmi ses spécialités, n'attire toutefois pas seulement des politiciens cravatés. Une jeune clientèle le fréquente aussi. En venant y siroter une bière, elle vient peut-être également tenter d'y apprendre le b.a.-ba de la politique.

44, rue Sparks

LE MÉTROPOLITAIN

Ici, les politiciens viennent manger des huîtres, l'une des spécialités de la maison, confirme Sarah Chown, gérante du restaurant, également situé à deux pas du parlement. « Nous sommes certainement l'endroit le plus fréquenté par la classe politique à Ottawa », dit-elle. Lorsque les Communes siègent, le resto est souvent pris d'assaut tous les soirs de semaine entre 16 h et 19 h. De nombreuses fêtes de parti ont également lieu entre les murs du Métropolitain.

700, rue Sussex

QU'EN DISENT LES ANCIENS DÉPUTÉS ?

Les politiciens passent, mais les habitudes restent. À l'époque où ils siégeaient aux Commnues, Liza Frulla, ancienne ministre du Patrimoine sous le gouvernement libéral de Paul Martin, et Richard Marceau, ex-député bloquiste, fréquentaient eux aussi à l'occasion les mêmes endroits que leurs successeurs.

Liza Frulla

Pour l'actuelle directrice de l'Institut de tourisme et d'hôtellerie, la fermeture du Hy's est une mauvaise nouvelle. « J'ai tellement de peine, lance-t-elle spontanément. C'est "old fashion", mais ça fait du bien. C'est comme Le Louis-Hébert à Québec. J'étais une fidèle du Hy's avec Jean Lapierre [ancien ministre des Transports]. »

Et le mercredi, c'était au Mamma Teresa qu'elle se rendait avec le sénateur Dennis Dawson et d'autres collègues libéraux. « J'essayais de ne pas trop m'éloigner du parlement », se rappelle-t-elle. Voilà pourquoi elle fréquentait aussi le Château Laurier sur une base régulière. C'est d'ailleurs là qu'elle séjournait lorsqu'elle était à Ottawa. Elle connaît donc très bien le restaurant et le bar de l'endroit. L'ancienne ministre appréciait particulièrement le service aux chambres qui lui permettait de prendre une bouchée tout en continuant de travailler.

Richard Marceau

Député bloquiste entre 1997 et 2006, Richard Marceau l'avoue lui-même : s'il ne menait pas une vie monastique, il n'était pas non plus de toutes les fêtes. « Quand j'étais député, les bloquistes [députés et personnel] préféraient le côté québécois », se souvient-il. Exit le D'Arcy McGee's, c'était plutôt Aux 4 jeudis, à Gatineau, que les troupes sortaient.

PHOTO FOURNIE PAR LE RESTAURANT

Même ceux qui ont quitté la vie politique viennent s’attabler à cette maison du steak lorsqu’ils sont de passage à Ottawa.