«Appelez-moi Caitlyn» et tout le monde ou presque, en quelques heures, l'a appelée Caitlyn. La couverture-choc de l'ex-Bruce Jenner devenu femme sexy sur Vanity Fair, est un souffle bienvenu pour la communauté transgenre aux États-Unis, en butte aux discriminations.

«Ce n'est peut-être pas un tournant historique, mais c'est certainement une étape utile», a affirmé à l'AFP Mara Keisling, directrice du Centre national pour l'égalité des transgenres (NCTE), à propos du «coming out» officiel de la nouvelle ''Caitlyn Jenner''.

Ex-décathlonien médaillé olympique en 1976, ex-beau-père de la vedette de TV-réalité Kim Kardashian, l'ex-Bruce Jenner dont la lente transformation en femme a défrayé la chronique pendant des semaines, a demandé d'être désormais «appelée Caitlyn», en posant pour Vanity Fair publié lundi.

Rapidement, artistes, hommes politiques ou simples citoyens Américains ont salué le courage ou la beauté de la vedette, en utilisant souvent sans hésitation, tout comme les médias annonçant la nouvelle, le prénom féminin et la grammaire qui va avec.

«Il faut du courage pour partager votre histoire», a tweeté le président américain Barack Obama alors que des personnalités, à l'instar de l'actrice Mia Farrow, évoquaient Caitlyn en remarquant combien «elle était belle».

«C'est un grand moment d'éducation du public», a estimé Mme Keisling qui retient que, ainsi, les médias se sont intéressés aux transgenres de leurs régions.

«Il y a environ un million de transgenres dans le pays, on ne sait pas exactement combien, et tout le monde ne peut pas raconter son histoire. Si l'une conduit à beaucoup d'autres, c'est formidable», a-t-elle dit.

Discriminations à l'emploi

La «visibilité compte», a renchéri Human Rights Campaign, la plus grande organisation américaine de défense des droits LGBT qui a publié lundi un sondage montrant que les personnes ayant un transgenre parmi leurs proches sont plus susceptibles, et de loin, d'avoir une opinion favorable sur cette communauté.

La cause du mouvement a bondi ces dernières années dans le pays en étant affichée dans des séries TV comme Transparent ou Glee, avec l'actrice transgenre Laverne Cox de la série Orange is the new Black qui a fait en mai 2014 la couverture du magazine Time.

Plus récemment, et plus près de l'Américain moyen, un personnage noir et transgenre est apparu dans la série The Bold and The Beautiful.

En 2009, quand Chaz Bono -- ex-Chastity, fille des chanteurs Sonny et Cher -- est devenu homme, «c'était plus difficile de faire comprendre aux médias qu'il fallait utiliser un nouveau nom et pronom», dit Nick Adams, responsable de Glaad, association pro-LGBT.

«On a fait du chemin en six ans, mais les transgenres font encore face à d'énormes obstacles», a-t-il relevé.

Selon lui, on peut être licencié simplement parce qu'on est transgenre dans une trentaine d'États sur les 50 du pays et on ne peut pas l'être ouvertement dans l'armée.

Chelsea Manning, l'ancienne taupe de WikiLeaks alors appelée Bradley Manning, se battait encore en avril dernier pour pouvoir porter les cheveux longs dans la prison militaire où elle est enfermée.

L'actrice Laverne Cox a pointé du doigt le fait que «tous les transgenres ne bénéficient pas des privilèges que nous avons, Caitlyn et moi».

«C'est d'eux que nous devons continuer à parler, pour qu'ils aient accès à la santé, à l'emploi, au logement, à des rues sûres», a-t-elle dit sur Tumblr.

Car, autant les homosexuels ont pris une place de plus en plus marquée dans la société avec la légalisation du mariage gai qui n'en finit plus de s'étendre, autant les transgenres subissent des inégalités.

Selon un sondage de 2011 du NCTE, huit transgenres sur dix ont été victimes de mauvais traitement ou de discrimination à l'emploi, contre quatre homosexuels sur dix.

Selon le Williams Institute et la Fondation pour la prévention du suicide, en 2014, leur taux de tentatives de suicide était de 41%, contre 4,6% pour la moyenne nationale et un jeune sur deux de ce groupe faisait l'objet de violences à l'école.

Selon les organisations progressistes Map et Cap, un transgenre est quatre fois plus susceptible de vivre dans la pauvreté avec moins de 10 000 dollars par an (15% d'entre eux sont dans ce cas).

Et de 2008 à 2014, les transgenres ont fait l'objet de 108 homicides aux États-Unis et 1731 dans le monde (dont 689 au Brésil), selon le Trans Murder Monitoring project basé à Berlin.