Caroline Néron est partout. En une des magazines féminins et des journaux à potins. En vedette de l'émission de télévision spéciale mariage du Banquier de Julie Snyder, à la fin du mois. En vitrine dans les centres commerciaux. Portrait d'une personnalité qui a réussi sa conversion du show-business aux affaires.

Il y a un peu plus de 10 ans, la carrière artistique de Caroline Néron piquait du nez. Aussi, la sortie de sa première ligne de bijoux a-t-elle été accompagnée d'un certain scepticisme. Quoi? La blonde interprète de Colle-toi à moi devenait femme d'affaires? Déjouant les pronostics les plus cyniques, Caroline Néron a prouvé, en une décennie, qu'elle avait plus qu'un flair pour les affaires: un talent.

C'est une Caroline Néron pimpante qui accueille quelques blogueuses et journalistes de mode, en ce matin d'été ensoleillé, dans les nouveaux bureaux de son entreprise, rue Beaumont, à Montréal. Sur les murs, les photos de ses campagnes publicitaires, qui ne mettent en scène qu'une seule vedette, Caroline Néron elle-même.

S'il fallait mesurer le chemin parcouru par l'ancienne actrice, on pourrait citer quelques chiffres.

Cinq: le nombre de fois où son entreprise a déménagé. Démarrée dans la cuisine de son condo, l'entreprise Néron inc. est passée par un sous-sol de NDG, le Plateau, Griffintown, avant d'atterrir dans cet ancien quartier industriel, tout près de Marconi-Alexandra.

20 000: le nombre de pieds carrés de ses nouveaux bureaux.

Deux: le nombre d'années avant que ces bureaux deviennent trop étroits, prévoit en riant Caroline Néron. «Connaissant mes objectifs, d'après moi, dans deux ans, on va se dire que c'est trop serré», dit-elle, allant droit au but.

Du succès dans ses affaires 

Voix rauque, idées franches, Caroline Néron n'a pas l'habitude de tourner autour du pot ou de jouer la fausse modestie quand elle parle de ses affaires.

Aussi parle-t-elle de ses «produits» en assumant clairement l'aspect commercial au coeur de sa démarche.

«Les artistes ont tendance à se dire qu'ils ne sont pas bons dans les affaires. Ils voient ça comme une qualité, mais dans les faits, tu vends tout, que tu sois psychologue, avocat, boulanger, la vente sera toujours là. Tu as besoin de ça et il faut le comprendre», croit-elle.

Les designers de mode montréalais nous ont habitués, dans bien des cas, à parler de leurs créations d'un point de vue très artistique, justement. Caroline Néron y va, elle, d'un discours plus simple, et disons-le, plus direct quand elle présente les objets phares de ses collections automne-hiver (actuellement en magasin).

D'une montre, elle dit: «On fait de la qualité pour pas cher, c'est même surprenant.» De la taille d'un sac à main, elle explique que «c'est une nouvelle affaire [que font] toutes les brands». Pour expliquer la présence d'un détail de tortue, elle dira: «Je ne sais pas pourquoi, je me suis mise à triper sur les tortues.»

Son inspiration a des origines diverses et variées. Et il en faut: Caroline Néron signe 140 bijoux pour femmes par saison, plus une soixantaine pour hommes, sans compter une trentaine de sacs à main, un parfum, des lunettes. De la production à grande échelle, incontestablement: l'entreprise revendique plus de 160 employés au Québec.

«L'inspiration, c'est pas un problème, au contraire, s'amuse Caroline Néron. L'inspiration, c'est tous les jours de ma vie. Si tu avais porté des bijoux ce matin, j'aurais pu m'en inspirer! J'aime regarder ce que les autres portent.»

Engouement populaire 

Évidemment, les succès de Caroline Néron font grincer des dents.

«Elle n'est pas joaillière, elle ne produit rien ici, elle fait un produit jetable qui a bien percé son domaine, mais les gens qui aiment les bijoux n'achètent pas ça», nous glisse ainsi un bijoutier-joaillier qui refuse d'être nommé.

Mais que vaut ce déficit de crédibilité face à l'engouement certain des clientes?

Car Caroline Néron est sa meilleure vendeuse. Son succès parle pour elle. Caroline Néron est à la tête d'une entreprise qui a 80 points de vente, elle se classe dans le peloton de tête de la liste du top 100 des entrepreneurs et se prépare à ouvrir sa première boutique à Edmonton en janvier.

Blonde et plantureuse, elle reste encore une cible facile de vacheries en tous genres  - on se souvient notamment de son passage, l'an dernier, sur le plateau de Tout le monde en parle, et de la carte à la méchanceté gratuite que lui avait remise Dany Turcotte et sur laquelle il était écrit: «J'aurais voulu t'offrir un petit bijou. J'ai cherché partout. Je suis même allé sur carolineneron.com, mais je n'ai rien trouvé de beau.» Mais elle a été habituée à ramer à contre-courant.

«Quand t'es présidente de ta compagnie, que tu as un bagage, mais qu'on ne t'a jamais vue faire des affaires, c'est sûr que tu as un jugement au départ, constate Caroline Néron. Être une femme, est-ce que cela m'a nui? Sûrement. Mais cela ne m'a jamais empêchée de foncer.»

Oser

S'il se dégage quelque chose de Caroline Néron, c'est sans doute son aptitude à défoncer des portes et à ne pas se laisser démoraliser par les difficultés.

«Oser, pour moi, c'est la base, dit celle qui a réservé son premier appel pour son entreprise de bijoux à Peter Simons, le président de la Maison Simons. Encore aujourd'hui, j'ai des moments d'insécurité. Mais j'essaie de me primer et de me référer à toutes les petites victoires que j'ai eues [à mes débuts].»

Caroline Néron fonde son entreprise en 2004. Presque par hasard, se souvient celle qui rêve depuis sa plus tendre enfance d'une carrière sous les projecteurs et avait alors cumulé les rôles au petit et grand écran.

«La réalité du métier est venue me chercher, se souvient-elle. J'ai jamais manqué de travail, mais j'ai vu des artistes se faire domper et je me suis dit: ''C'est pas vrai que je vais être à la merci des réalisateurs et des producteurs.'' J'aime trop travailler pour être en mode attente. Je me suis dit: ''Si tu le sais que t'as un bon instinct et que tu es une bonne femme d'affaires, pourquoi tu te lances pas dans quelque chose que tu aimes?''»

«Comme se vendre soi-même, c'est difficile, je me suis dit: ''Je vais vendre un produit que j'aime''», affirme Caroline Néron.

Ainsi se lance-t-elle dans le bijou, sans aucune connaissance. Elle conçoit sa première collection avec une créatrice de bijoux. L'association ne fonctionne pas et tourne court. Mais Caroline Néron aura eu le temps d'apprendre.

«Tu sais, tout s'apprend. Il faut de l'intérêt. Quand tu as de l'intérêt pour quelque chose, tu peux tout réaliser.»

En 10 ans, Caroline Néron a souvent fait preuve de culot. Sa dernière audace, c'est son association avec la boutique de mariage haut de gamme de New York Kleinfeld. C'est en y magasinant sa robe de mariée - elle s'est unie cet été à Réal Bouclin, président d'un groupe d'hébergement pour personnes âgées, le Réseau Sélection - qu'elle a noué des liens pour y vendre des bijoux.

Bref, Caroline Néron avance, et elle avance vite. Mais elle a encore beaucoup, beaucoup d'idées, d'envies, et surtout, de territoires à conquérir.

«Je suis beaucoup en développement international, dit-elle. Pour l'avenir, j'aimerais développer les États-Unis, l'Europe, l'Orient. Mais surtout avoir des boutiques à l'international, et ramener mon fashion show. Je veux revenir [dans les défilés de mode], et je me dis que la prochaine fois, je reviens en grand.»

Faire les choses en grand. Comme un pied de nez à celles et ceux qui auraient douté d'elle et de ses talents d'entrepreneure.

Caroline Néron en quelques dates

1973

Naissance à Boucherville.

1995

Démarre sa carrière de comédienne au petit écran. Elle apparaît dans Cover Me, Diva et plusieurs longs métrages, dont Eternal et L'Âge des ténèbres de Denys Arcand.

2004

Lance son entreprise de bijoux.

2009

Naissance de sa fille et ouverture de son premier comptoir au Carrefour Laval.

2012

Consacrée Entrepreneure de l'année au concours Prix Femmes d'affaires du Québec.

2014

Le magazine Profit 500 classe son entreprise au cinquième rang des entreprises en croissance au Canada, et en tête de liste au Québec. Elle a 21 boutiques au Québec et une soixantaine de distributeurs en Europe et en Asie.

2015

Les bijoux Caroline Néron sont vendus à la boutique de mariage Kleinfeld de New York.

2016

Ouverture d'une boutique Caroline Néron au West-Edmonton Mall.

La femme qui entreprend

Caroline Néron n'est pas la première personnalité québécoise à utiliser son image pour vendre des produits dérivés, comme des parfums. Parlez-en à Mahée Paiement.

Mais elle est sans conteste la seule à avoir su construire une entreprise de grande ampleur, aux performances économiques certaines, autour de son image.

Pourtant, ce n'est pas uniquement en s'appuyant sur ses fans qu'elle a développé son entreprise.

«Elle a un sens du marketing et de la publicité, c'est sa grande force. Elle pense comme une femme d'affaires», explique Arnaud Granata, vice-président et directeur du contenu des éditions Infopresse.

Ainsi, les bijouteries Caroline Néron occupent un segment précis dans le commerce de détail. Offerts en centres commerciaux, ces produits à des prix relativement modérés misent sur une approche clientèle accessible, ouverte. Les magasins n'intimident pas les clients, mais empruntent l'imagerie et la mise en marché au monde du luxe.

«Il y a une expérience de magasinage de luxe, mais à des prix au-dessous. Elle vend des bijoux un peu à la façon dont Starbucks vend du café: comme un produit de luxe, croit M. Granata. Un cadeau Caroline Néron, ça veut dire quelque chose.»