Les Montréalais commencent tout juste à s'habituer aux camions de cuisine de rue que déjà, d'autres commerces roulants font leur apparition : les fashion trucks. S'ils roulent depuis quelques années aux États-Unis, notamment sur la côte Ouest, ils commencent tout juste à sillonner les rues de Montréal. Voici quelques-unes de ces initiatives d'ici, ainsi que celles d'ailleurs dont elles se sont inspirées.

Le camion des «Montréalaises»

Elle arrive au volant de son pimpant camion indigo, frappé du logo de La Montréalaise atelier. Pour la deuxième année, la designer Sabrina Barilà va de festival en festival dans son joli camion de mode, à la rencontre de sa clientèle.

La créatrice de la griffe La Montréalaise a bûché pendant un an sur son projet avant qu'il ne devienne réalité. Elle s'est entourée du collectif Le retour du perroquet, qui l'a aidée à trouver son camion - un ancien véhicule de Postes Canada -, à le remettre en état puis à l'aménager. Avec son plancher de contreplaqué, ses étagères blanches, son néon à la fenêtre, son grand miroir et ses jolies plantes, le camion séduit à tout coup les «Montréalaises» qui s'aventurent à l'intérieur.

Pour Sabrina Barilà, sa boutique mobile est avant tout l'occasion de rencontrer et définir son public cible. «Ma clientèle, elle est très claire : ce sont de jeunes filles de 18 à 30 ans», affirme la designer, qui croit que ses vêtements viennent chercher la fibre d'appartenance de ses clientes à leur ville. «Ça ne fait pas "chandail souvenir", ça fait "chandail d'identité", précise-t-elle. Les gens s'identifient beaucoup au produit et c'est ça que je voulais : quelque chose de facile que tout le monde aimerait.»

Où croiser La Montréalaise?

Les gens commencent à bien connaître le camion à force de le voir dans divers événements, parfois aux côtés de ses cousins les food trucks. On pourra apercevoir le camion bleu dans les marchés de nuit du bar Alexandraplatz, le dernier samedi des mois d'été, ainsi qu'au Festival Mode et Design en août.

Pour assister à tous ces événements, encore faut-il s'y rendre et y garer le mastodonte. Pas trop difficile à manoeuvrer, quand on est toute menue comme Sabrina Barilà ? La principale intéressée répond qu'elle commence à s'y habituer, même si elle n'aime pas beaucoup le bruit tonitruant du moteur. Toutefois, elle ne part jamais sans son porte-bonheur : un petit autocollant de grizzly, déguisé en Superman qui bombe le torse, collé sur le klaxon par des artistes du festival Mural l'année dernière. De blague passagère, le grizzly est devenu son «totem» et lui donne du courage au moment de démarrer. «Chaque fois que j'embarque derrière le volant, je prends la même attitude que lui sur la route, et je n'ai plus peur !»

Photo André Pichette, La Presse

Pour Sabrina Barilà, sa boutique mobile est avant tout l'occasion de rencontrer et définir son public cible.

Nømad, celle qui roule

Elle est pétillante, débordante d'énergie et elle roule à 100 milles à l'heure, au propre comme au figuré. Nana Sananikone est le visage derrière le camion de mode Nømad, qui entame son deuxième été dans les festivals et événements extérieurs.

Nous la rencontrons dans l'allée de sa maison d'Ahuntsic, où elle gare son camion turquoise entre deux événements. L'immense porte coulissante dévoile des rangées de vêtements sagement alignés sur des supports, ainsi qu'une vaste sélection de sacs, bijoux et accessoires rangés sur des étagères. Dans un coin, un rideau camoufle une petite cabine d'essayage.

Celle qui évolue depuis 18 ans en design de mode choisit elle-même les morceaux qui se tailleront une place dans son camion. Elle collabore uniquement avec des designers québécois : Valérie Dumaine, Josiane Perron, Norwegian Wood, Supayana, Jeane & Jax... Elle choisit les pièces en fonction de chaque événement et de la faune qui le fréquente. La marchandise restante est entreposée dans son sous-sol, devenu en quelque sorte son arrière-boutique.

Nana a acheté son camion, un ancien véhicule de FedEx, sur Kijiji. «C'est mon chum qui a tout retapé l'intérieur, dit-elle. Puis, on l'a fait peinturer.» Ses deux grands enfants (elle a aussi un petit de 2 ans) viennent parfois l'aider. «C'est quasiment une entreprise familiale ! C'est un beau projet.»

Forte de son expérience de l'année dernière, elle a développé des techniques adaptées à chaque occasion. Lorsqu'il vente trop, elle bloque les roues de ses supports à linge pour éviter qu'ils ne s'enfuient ; si on annonce de la pluie, elle évite de sortir les coussins ; en cas de grande chaleur, elle allume son ventilateur. «Les gens me disent : "Wow, tu es bien équipée !" Je réponds qu'à la deuxième saison, on apprend vite, on n'a pas le choix.»

«La météo, ça joue des tours, poursuit-elle. Ça peut être ton pire ennemi comme ton meilleur allié. J'aime mieux booker mes événements à la dernière minute quand c'est possible.» Les frais de participation étant parfois élevés, la rentabilité ne sera pas au rendez-vous s'il pleut les trois quarts du temps... ou même s'il fait trop beau !

Nana Sananikone manoeuvre son véhicule avec une aisance surprenante pour quelqu'un qui conduit depuis seulement quelques années. Mais ne lui demandez pas de reculer son camion, elle n'y arrive tout simplement pas. «Moi, j'avance, je peux tourner à droite, à gauche. Mais reculer ? Oh non !», rigole-t-elle. Elle demande alors un coup de main à ceux qui se trouvent autour. «Les gens sont sympathiques, ils m'aident, on en rit.»

En plus des festivals et marchés extérieurs, elle se rend aussi dans les fêtes privées et à domicile, pour pouvoir continuer ses activités à longueur d'année. «Nos étés sont tellement courts ! À partir du mois d'octobre, il fait trop froid et ce n'est plus agréable comme expérience de magasinage, dit-elle. Alors je rentre mes supports à l'intérieur, chez les gens.»

Où croiser nømad?

Nømad sera au premier PoutineFest montréalais, dans le Vieux-Port, du 3 au 5 juillet. Et comme elle aime aussi sortir de la ville, elle ira au Festival d'été de Mont-Saint-Hilaire du 27 juin au 1er juillet. L'année dernière, son camion s'est rendu à Rosemère, Drummondville et même Gatineau. Aujourd'hui le Québec, demain le monde ?

Photo Martin Chamberland, La Presse

Nana Sananikone collabore uniquement avec des designers québécois.

D'autres initiatives colorées

D'autres projets bouillonnent en ce moment à Montréal. En voici deux : la boutique mobile Coven, qui verra le jour sous peu, et le camion OldWIG, qui s'est fait faire une beauté au festival Mural!

Coven

Pour un camion de mode qui n'a pas encore vu le jour, il fait beaucoup jaser.

Coven est le projet de fin d'études de cinq finissantes de l'École supérieure de mode de l'UQAM. Leur session finie, elles n'ont pas voulu abandonner leur bébé et ont décidé de poursuivre l'aventure. «On a vraiment créé un buzz et on a eu de belles retombées», explique Dominique Fontecilla, chargée événementielle du projet. Leur boutique mobile, baptisée Coven, devrait être présente dans les événements montréalais dès le début juillet, estiment les cofondatrices.

Au mois d'avril, elles ont réussi à amasser plus de 5000 $ dans une campagne de financement sur Kickstarter. La somme a aidé à acquérir le camion, un ancien véhicule de Purolator qui sera transformé en boutique roulante.

Les filles ont déjà conclu des ententes avec 13 marques locales, de jolis noms de la mode montréalaise : les maillots de Mimi Hammer, les mouchoirs en tissu de TSHU, les bijoux faits de déchets recyclés de Cinderella Garbage, les vêtements sérigraphiés de Féline Dion, les savons et chandelles de Carriage 44... Pour ne nommer que celles-là. «D'autres marques continuent de nous approcher pour en faire partie», précise Dominique Fontecilla.

Où croiser Coven?

Le camion sera au Festival Mode et Design en août, mais courra surtout les événements à petite échelle comme les fêtes de quartier, le Marché des possibles... «Puisque notre concept est de promouvoir des marques locales émergentes, les gros événements ne sont pas notre priorité, dit Dominique Fontecilla. C'est l'idée d'être rassemblés dans une place publique avec d'autres gens, d'autres food trucks qui nous a inspirées.» Le nom de leur boutique mobile n'a d'ailleurs pas été choisi au hasard : le mot «coven» signifiait, au Moyen Âge, «rassemblement».

Mais même si l'expression ne date pas d'hier, le camion, lui, s'adapte à un nouveau mode de vie et à une autre façon de magasiner. «C'est une méthode de consommation innovatrice, où nous allons directement vers le consommateur», conclut Dominique Fontecilla.

OldWIG

OldWIG, qui organise des ventes de vêtements et de décorations vintage, a aussi succombé à la fièvre et vient de s'acheter un camion ! OldWIG pourra ainsi aller de festivals en événements pour présenter quelques-uns de ses exposants les plus populaires, dont Coolkoala, LesOubliettes et Anaïs Montréal. Le véhicule, un ancien camion Purolator, était complètement blanc au moment de l'acquisition et s'est fait peindre par les artistes d'A'shop au festival Mural.

Photo Édouard Plante-Fréchette, La Presse

OldWIG ira de festivals en événements pour présenter quelques-uns de ses exposants les plus populaires.

Ils roulent ailleurs

Pour les Californiens, les fashion trucks n'ont rien de nouveau. Le phénomène prend de l'ampleur depuis quelques années, ainsi qu'ailleurs aux États-Unis et même à Toronto. Voici quelques exemples colorés.

AUX ÉTATS-UNIS

Le Fashion Truck

Où : Los Angeles, Californie

Couleur : rose

Qui : Stacey Jischke-Steffe et Jeanine Romo

Depuis quand : 2011

Quoi : des vêtements et des accessoires de designers émergents

Selvedge Dry Goods

Où : Los Angeles

Couleur : turquoise

Qui : Monique Cruz

Depuis quand : 2013

Quoi : vêtements, bijoux et accessoires (même des accessoires de mariée !) vintage et «eco-friendly»

The Fashion Mobile

Où : Stillwater, Minnesota

Couleur : turquoise aussi (teinte recherchée pour les camions de mode !)

Qui : Teresa Grim et son mari, David Grim

Depuis quand : 2012 ; premier fashion truck dans cet État

Quoi : vêtements et accessoires ; le camion se déplace aussi dans les fêtes pour du magasinage à la maison

The Styleliner

Où : New York

Couleur : difficile à définir, mais puisqu'il s'agit d'un ancien camion de livraison de sacs de chips, il est particulièrement long (20 pieds)

Qui : Joey Wölffer

Depuis quand : 2010

Quoi : une sélection limitée de morceaux choisis soigneusement par la fondatrice

AU CANADA

Fashion Truck Canada

Où : Toronto, mais il fait des tournées aux quatre coins du pays

Couleur : grise

Qui : Emily Dobbie et Ashley Barber

Depuis quand : 2014

Quoi : vêtements et accessoires ; l'une des cofondatrices est propriétaire de la boutique Vocado, à Toronto

Pour trouver les autres...

Il existe un site baptisé «The Fashion Truck Finder», qui recense les camions de mode de rue. On peut chercher par nom, par État, par produit, par événement... La plupart sont situés aux États-Unis, mais on en trouve quelques-uns au Canada également.