D'entrée de jeu, je vous prie de m'excuser. Je vais parler de vins importés en petites quantités.

C'est un cercle vicieux: tant que les consommateurs n'en demandent pas, il n'y en aura pas davantage. Mais pour les demander, il faut les connaître et pouvoir les acheter... Ce sont des vins mal compris qui valent la peine d'être découverts.

Si je dis Allemagne, vous êtes nombreux à penser vins sucrés plutôt ordinaires. Et vous n'avez pas tout à fait tort. Le vin allemand qui se vend le plus au Québec est encore un liebfraumilch: un vin plutôt industriel, sans définition ou caractère, douceâtre et insipide.

C'est au milieu du XXe siècle que l'Allemagne s'est fait connaître à l'étranger avec les liebfraumilch. En 1980, ils représentaient 60% de ses exportations. Les marques comme Blue Nun ou Black Tower ont initié de nombreux consommateurs au vin.

Plusieurs autres pays viticoles ont connu des jours moins glorieux à la même époque. Il n'y a qu'à se rappeler les bouteilles de Chianti emballées de paille. Mais ils ont depuis rehaussé la qualité et redoré leur image. Le virage qualitatif s'est aussi fait en Allemagne, mais l'image du liebfraumilch lui colle à la peau. Et pourtant!

Avec les vignobles les plus septentrionaux d'Europe, l'Allemagne se situe à la limite de la viticulture. Peu de gens oseraient y planter de la vigne aujourd'hui; c'est tout simplement trop risqué. Mais on dit souvent que les plus grands vins sont issus de terroirs extrêmes, où il n'y a aucune garantie que les raisins arrivent à maturité, où la vigne se bat pour survivre, où chaque année est un pari. C'est dans ces conditions très uniques que l'Allemagne produit des vins qui le sont tout autant.

Le cépage riesling y est roi et compte à lui seul pour près du quart des surfaces cultivées. Ce cépage a une grande capacité à s'imprégner des terroirs sur lesquels il est cultivé. Difficile donc de lui coller un profil type. Il donne des vins délicatement aromatiques, tout en finesse, qui allient légèreté et puissance comme peu d'autres y parviennent. Et une puissance qui est toute en matière, en texture, et non en alcool.

Les vins de riesling ont tous une acidité bien présente, qui leur confère un caractère aérien, donnant l'impression que le vin danse sur la langue, et qui prolonge les saveurs en de longues finales. Très souvent les mots me manquent pour décrire les grands vins allemands. Ils ont ce quelque chose d'insaisissable qui les rend d'autant plus fascinants.

On les associe d'emblée à des vins sucrés. Et ce n'est pas faux. Mais attention: tous les vins demi-secs ne sont pas de la trempe d'un vulgaire liebfraumilch! De plus en plus de rieslings secs sont produits à partir des meilleurs crus d'Allemagne. Mais les vins demi-secs, ceux qui affichent les termes «kabinett», «spätlese» et «auslese», sans la mention «trocken», qui veut dire «sec», sont des vins qui font preuve d'un équilibre remarquable entre sucre et acidité.

Ce sont aussi des vins très polyvalents à table. Ils sont tout indiqués pour une cuisine épicée ou parfumée, telle la cuisine thaïe (les épices fortes et les saveurs sucrées dans un plat diminuent notre perception de sucre dans un vin). Mais ils accompagnent aussi à merveille des poissons et des fruits de mer cuisinés aux agrumes et aux herbes fraîches (romarin, coriandre, basilic), des plats salés qui incorporent des ingrédients sucrés comme un rôti de porc farci aux abricots, un jambon à l'ananas ou des pétoncles poêlés sur purée de chou-fleur et de pomme. Leur faible teneur en alcool en fait des vins lestes et très digestes.

Et pour tous ceux d'entre vous qui se demandent quels vins mettre en cave, sachez que les rieslings allemands sont sans conteste parmi les plus grands vins de garde qui soient. Privilégiez les rieslings «spätlese» et «auslese», issus des meilleurs sites, qui pourront évoluer gracieusement pendant 10, 20 voire 30 ans et plus.

Bon à savoir

• Plus le taux d'alcool est bas, plus le vin risque d'être sucré (un vin à 8% d'alcool sera définitivement au moins demi-sec; un vin à 13% sera sec).

• Les termes «kabinett», «spätlese» et «auslese» dénotent, en ordre croissant, la maturité du raisin à la vendange. Un vin kabinett sera toujours plus léger qu'un vin auslese.

• À moins d'être accompagné de la mention «trocken» (sec), ils seront demi-sec à demi-doux.