Le gouvernement du Québec met fin cette semaine à un débat qui fait rage depuis des années chez les producteurs de cidre de glace. Il vient de signer une nouvelle réglementation qui autorise le pressage des pommes hors de la ferme. Québec impose cependant une condition : la traçabilité du produit.

Le Domaine Pinnacle et la Face Cachée de la pomme, les deux plus importants producteurs de cidre de la province, réclamaient depuis longtemps le droit de presser leurs pommes à l'extérieur de leur domaine. Ce pressage, dit «à forfait», leur permet de louer des installations industrielles et ainsi, de presser un grand nombre de fruits dans un court de laps de temps. La méthode permet d'accélérer leur production.

Or, les Cidriculteurs artisans du Québec (CAQ), un regroupement d'une quarantaine de petits producteurs, s'opposaient farouchement à cette méthode. Ils craignaient que le pressage à forfait nuise à la notoriété de leur produit.

Québec a enfin trouvé un compromis. Le pressage «à forfait» sera autorisé, mais les producteurs devront assurer une traçabilité de leurs cidres entre les pommes récoltées dans leurs champs jusqu'à la mise en bouteille.

Le président de l'Association des producteurs de cidre de glace et propriétaire de la Face cachée de la pomme, François Pouliot se réjouit de cette conclusion.

«Ça fait cinq ans que l'on se bat pour faire modifier cette clause», dit-il.

Il est de plus rassuré que Québec impose un contrôle strict de la production.

«On entend toujours du ouï-dire comme quoi des producteurs achètent des concentrés de pommes de Pologne ou d'ailleurs, ajoute-t-il. La traçabilité va mettre fin à ces rumeurs.»

Seuls les détenteurs de permis de fabricant (un permis plus industriel) pourront presser hors de leur ferme. Ce permis, que possèdent le Domaine Pinnacle et la Face Cachée de la pomme, ne leur permet cependant pas de vendre cette production à leur domaine.

Les nouvelles règles entreront en vigueur le 3 janvier prochain. Le Conseil des appellations réservées et des termes valorisants (CARTV) procèdera par la suite à la mise en place d'une indication géographique protégée (IGP) pour le cidre de glace.

Le cidre de feu réglementé

Anouschka Bouchard jubile. L'actionnaire de la cidrerie UNION LIBRE à Dunham espérait depuis des mois la signature de cette nouvelle réglementation. Car elle inclut également une définition du cidre de feu, un des produits phares de son domaine.

Le cidre de feu a été inventé au Québec dans les années 90. Par opposition au cidre de glace qui utilise le froid pour concentrer les arômes de la pomme, le cidre de feu utilise la chaleur. Le jus de pommes est ainsi bouilli. Après cette étape, il ne reste que 20% du liquide initial. Le liquide est ensuite fermenté, puis vieilli avant d'être embouteillé.

«Ça va révolutionner notre travail, dit Mme Bouchard. On reconnaît enfin le cidre de feu. On pourra maintenant l'écrire sur nos bouteilles.»

Sans réglementation officielle, les producteurs de cidre de feu ne pouvaient en effet utiliser cette appellation. Ils devaient plutôt inscrire la mention «cidre apéritif» sur leurs bouteilles.

La nouvelle définition du cidre de feu exige désormais que la teneur en sucre résiduel de la boisson soit d'au moins 80 g de sucre par litre et que le taux d'alcool soit compris entre 9 et 15 %. Les cidres de feu fortifiés, dans lesquels on a ajouté de l'alcool pour arrêter la fermentation, sont quant à eux exclus de cette appellation.

La cidrerie UNION LIBRE est l'une des rares à produire du cidre de feu. Mais plus pour longtemps, soutient Anouschka Bouchard.

«Plusieurs cidriculteurs attendaient la reconnaissance du produit pour commercialiser leurs cidres, précise-t-elle. Une dizaine de producteurs lanceront dès 2013 leurs cidres de feu.»