Devant la salle bondée, en complet-cravate noir et chemise blanche, Alexandre Despatie avait l'air en contrôle. Sa soeur Anouk, pour qui sa gorge s'est nouée, sentait sa nervosité: «Il avait l'air d'un garçon qui faisait un exposé oral à l'école...»

La veille, sa mère Christiane l'avait eu au téléphone. Elle entendait les sanglots qu'il ravalait. Sa décision était claire et irrévocable. Il fallait quand même l'annoncer.

«Après 22 ans de carrière dans le plongeon, il est temps pour moi de passer à une autre étape de ma vie», a simplement déclaré Despatie, mardi après-midi à Montréal. Une annonce dont tout le monde se doutait, mais dont il avait soigneusement réussi à préserver le secret.

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Vingt-deux ans de carrière pour un retraité qui aura 28 ans samedi.

Micheline, sa grand-mère maternelle, était là avant même le début. Un ballon dans le dos, le petit Alexandre s'élançait dans la piscine familiale à Laval. Mamie a eu l'idée de le noter «comme aux Olympiques».

«Quand je ne lui donnais pas des 10, il était fâché», a-t-elle raconté après la conférence de presse. «Il me faisait des bombes dans l'eau! Je l'ai toujours dit: Alexandre, il est parfait, mais c'est pas un gars reposant!»

À 79 ans, Mamie ne pensait pas qu'elle serait là le jour où son petit-fils annoncerait sa retraite. «J'ai aussi arrêté plus tôt que je pensais!» lui a lancé Alexandre.

Il caressait l'idée de tirer sa révérence le mois prochain aux Mondiaux de Barcelone, là où il est devenu champion du monde pour la première fois, il y a 10 ans. Son genou gauche en a décidé autrement. Après une première opération pour soigner une bursite et une tendinite, une infection l'a obligé à retourner sous le bistouri un mois plus tard. Ce fut le coup de grâce.

Au lendemain des Jeux olympiques de Londres, où il a fini 11e, Despatie s'était juré de ne jamais revivre une épreuve où il ne sentait pas pouvoir se battre pour l'or. Littéralement scalpé par le tremplin lors d'un accident à l'entraînement en Espagne, il avait été projeté dans une course contre la montre dont il ne maîtrisait pas les paramètres. «Le moment où je plongeais en compétition est le seul où je me sentais au bon endroit», a-t-il rappelé au sujet de cette période la plus difficile de sa carrière.

Après une longue réflexion, il a su que le temps était venu de se ranger. «C'est vraiment comme si un poids s'est enlevé de mes épaules», a raconté Despatie au sujet de la journée précise où il a pris sa décision. «Comme une lumière, dans ma tête, dans mon coeur, qui a dit: c'est terminé, c'est correct.»

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LA CARRIÈRE D'ALEXANDRE DESPATIE EN BREF

1998: Alors qu'il n'a que 13 ans, Alexandre Despatie se fait remarquer pour la première fois sur la scène internationale en remportant une médaille d'or aux Jeux du Commonwealth, à Kuala Lumpur en Malaisie.

2000: À 15 ans, Alexandre Despatie participe à ses premiers Jeux olympiques à Sydney. Il est alors le plus jeune membre de toute la délégation canadienne. Il terminera quatrième au tremplin de 10 m.

2004: Despatie devient le premier Canadien à remporter une médaille olympique en plongeon lorsqu'il décroche l'argent au tremplin de 3 m, lors des Jeux d'Athènes.

2005: En remportant l'or au tremplin de 1 m et de 3 m lors des Championnats du monde de la FINA à Montréal, Despatie devient le premier plongeur à être champion du monde dans les trois catégories de plongeon (1 m, 3 m et 10 m). Il avait été couronné grand gagnant du 10 m deux ans plus tôt, à Barcelone.

2008: Après s'être remis d'une fracture au pied droit, le plongeur québécois revient en force lors des Jeux olympiques de Pékin et met la main sur la médaille d'argent au tremplin de 3 m.

2012: Six semaines après avoir subi une grave blessure à la tête en heurtant le tremplin lors d'un plongeon, Alexandre Despatie est de retour sur pieds à temps pour les Jeux de Londres. Malheureusement, il rate son dernier saut en carrière et ne peut faire mieux qu'une 11e place en finale.

- Jean-Philippe Arcand