Imaginez un match de hockey extérieur disputé en pleine tempête, sur une patinoire qui n'est pas déneigée. C'est un peu dans ce genre de conditions que doivent jouer les amateurs de cricket au Québec.

Angus Bell a voulu remédier à la situation. C'est pourquoi cet Écossais d'origine, qui aime le cricket au point d'avoir écrit un livre sur le sujet, inaugurera le 18 septembre le Ministère du cricket (et autres sports orphelins).

Le complexe, une initiative entièrement privée de Bell et de sa conjointe Candy Crowin, est situé dans le secteur du Marché central, dans Ahuntsic-Cartierville. M. Bell n'a pas voulu dévoiler combien lui a coûté le projet. «On a mis une maison là- dessus», précise-t-il.

«Quand je suis arrivé d'Écosse, la première chose que j'ai cherchée à Montréal, c'était du cricket. Et c'était assez clair qu'il n'y avait pas d'installations, a expliqué Bell, rencontré hier midi. J'ai été chanceux de grandir en Grande-Bretagne, on avait des installations intérieures et extérieures. J'étais déterminé à changer ça ici. J'ai développé un des trois meilleurs terrains extérieurs au pays, à Otterburn Park. Je voulais aussi le faire pour l'intérieur, et pour d'autres sports.»

C'est donc un toit pour le cricket, mais aussi pour une panoplie d'autres sports qui se pratiquent sur gazon. Lors de la visite de La Presse, les bandes de gazon synthétique, encore enroulées, étaient visibles au fond du bâtiment industriel. Les ouvriers s'activaient. Le 18 septembre, c'est dans à peine trois semaines. Le site sera-t-il pleinement fonctionnel lors de l'inauguration?

«On l'espère! Mais ça devrait, oui. Les filets et le gazon, ça s'installe rapidement.»

Installations inexistantes

Il n'est pas exagéré de parler d'un déficit d'installations dans la région de Montréal. Sur le site internet de Cricket Québec, seulement trois terrains sont répertoriés, dont deux dans le parc de l'Aqueduc. Le troisième est également situé dans le sud-ouest de Montréal.

Dans Parc-Extension, aux abords de l'aréna Howie-Morenz, on retrouve une cage de frappeurs de cricket, un projet également moussé par Bell. Lors du passage de La Presse, hier midi, deux jeunes s'y amusaient. «Si vous revenez vers 17h, il y aura plein de monde», a assuré l'un d'eux.

Les habitués du parc Jarry voient souvent, les week-ends d'été, des matchs de ce mystérieux sport. Une installation de base est même visible. Mais rien pour satisfaire les connaisseurs...

«C'est un désastre, déplore Bell au sujet des terrains extérieurs. Dans nos parcs, le gazon n'est jamais coupé plus court que trois pouces, et c'est même rare que ce soit moins que cinq pouces. Dès que l'herbe dépasse un pouce, plusieurs personnes ne peuvent pas jouer, c'est presque impossible de frapper la balle dans le gazon! C'est comme d'essayer de jouer au hockey quand il y a trois pouces de neige sur la glace. Bonne chance!»

Dans son futur complexe, Bell souhaite accueillir des matchs de cricket. Des cages de frappeurs seront aussi aménagées; elles serviront à la fois pour son sport préféré et pour le baseball.

Un pari

Une entreprise peut-elle fonctionner en ciblant des sports qu'il qualifie lui-même de «sans domicile fixe»? «Chaque business a un risque», admet-il.

Mais Bell souhaite notamment profiter de la proximité de son complexe avec Parc-Extension pour faire fonctionner son entreprise. Lors du recensement de 2006, le quartier comptait 7450 immigrants d'Asie méridionale, qui comprend l'Inde, le Pakistan et le Bangladesh.

«En ce moment, il y a environ 1000 joueurs de cricket actifs à Montréal, estime-t-il. C'est très limité, parce qu'il n'y a pas d'installations. Mais seulement dans Parc-Extension, il y a plus de 10 000 personnes qui suivent le cricket. Maintenant, leurs enfants pourront jouer.

«Quand tu vois des antennes satellites dans Parc-Extension, ça veut dire deux choses: Bollywood et le cricket», ajoute-t-il.

Le pari est risqué, mais Bell est visiblement bon vendeur. La candidate libérale dans Ahuntsic-Cartierville, Mélanie Joly, a accepté l'invitation pour assister à l'inauguration du centre, a confirmé son attaché de presse, François Fournier. Elle frappera même la première balle de cricket!

Un tournoi de cricket intérieur regroupant les universités McGill, Concordia, Carleton et de Montréal est également prévu pour le 19 septembre.

Et à l'Impact de Montréal, le directeur des écoles de soccer, Nicolas Gaillard, confirme qu'une entente est en place pour y louer des terrains de soccer l'automne et l'hiver prochains.

Angus Bell souhaite évidemment que son entreprise soit rentable. Mais l'homme de 35 ans aimerait aussi, par la bande, que le cricket en ressorte gagnant. «C'est ma passion, mon obsession.»

Photo Olivier Jean, La Presse

Angus Bell