L'immunothérapie ciblée, qui a marqué un tournant dans le traitement anticancéreux avec des succès impressionnants contre le mélanome avancé, une tumeur agressive de la peau, cible désormais d'autres cancers difficiles à traiter.

Les résultats de plusieurs essais cliniques présentés au premier jour de la conférence annuelle de l'American Society of Clinical Oncology (Asco) réunie ce week-end à Chicago, montrent ainsi des effets thérapeutiques supérieurs à ceux des traitements conventionnels comme la chimiothérapie contre des cancers métastatiques du foie, de la tête et du cou ainsi que contre la forme la plus répandue de tumeur du poumon dite «non à petites cellules».

L'immunothérapie consiste à déverrouiller le système immunitaire pour qu'il attaque le cancer. Les tumeurs exploitent certaines faiblesses des cellules immunitaires, les lymphocytes T, pour empêcher qu'elles ne les attaquent en les désarmant ou en devenant en quelque sorte invisibles.

«Le champ de l'immunothérapie ciblée devient de plus en plus emballant chaque année», a lancé vendredi Lynn Schuchter, une spécialiste de l'Asco en présentant quatre essais cliniques.

«Les immunothérapies ne seront plus vues seulement comme des percées contre le mélanome», mais «efficaces contre d'autres cancers pour lesquels quasiment aucune autre thérapie ne fonctionne», a-t-elle souligné.

Ainsi un petit essai clinique de phase 1 avec 42 patients atteints d'un cancer avancé du foie, présenté vendredi à l'Asco, montre une réduction de plus de 30% de la tumeur chez 42% des participants avec l'anticorps nivolumab (Opdivo) du laboratoire américain Bristol-Myers-Squibb, comparativement à 2% dans le groupe témoin traité par chimiothérapie conventionnelle.

«Bien qu'il faudra vérifier ces résultats dans des essais plus étendus, c'est le signe que (...) cette immunothérapie jouera un rôle dans le traitement du cancer du foie», qui fait plus de 600.000 morts par an dans le monde, a commenté Anthony El-Khoueiry, professeur de médecine à l'université de Californie du Sud à Los Angeles, qui a mené cette étude.

Nette réduction de la tumeur

Soulignant que l'anticorps nivolumab était sans risque pour les malades, il a jugé «prometteuses» les données préliminaires de l'étude en termes de survie.

Le nivolumab neutralise une protéine appelée PD-1 se trouvant sur les lymphocytes T et exploitée par les cellules cancéreuses pour se rendre invisible au système immunitaire.

Un autre essai clinique avec l'anticorps pembrolizumab (Keytruda) du laboratoire américain Merck, qui cible également la protéine PD-1, s'est avéré prometteur contre des cancers de la tête et du cou.

Sur 132 malades, 57% ont eu une réduction de leur tumeur qui a été très nette pour près de 25% du groupe. Chez certains malades, la tumeur a complètement disparu.

«L'efficacité de cet anticorps semble être deux fois plus grande que la thérapie ciblée cetuximab qui bloque la croissance de la tumeur», a expliqué Tanguy Seiwert, professeur de médecine à l'université de Chicago, coauteur de l'étude.

«Nous avons de grands espoirs que l'immunothérapie va bouleverser la manière dont nous traitons les cancers de la tête et du cou», a-t-il jugé. Il a indiqué que deux essais cliniques de phase 3 étaient en cours pour évaluer le traitement par pembrolizumab, en le comparant au traitement standard chez des patients ayant un cancer métastatique récurent de la tête et du cou.

En outre, l'anticorps nivolumab a prolongé la vie de malades atteints de la forme de cancer du poumon la plus étendue.

Parmi 582 malades atteints d'un cancer pulmonaire avancé non à petites cellules qui étaient traités avec l'anticorps nivolumab, 19,2% ont vu leur tumeur se réduire, contre 12,4% dans le groupe témoin traité par chimiothérapie, avec un gain de survie de plus de 30%, voire le double pour certains.

«C'est le premier essai clinique de phase 3 montrant que l'immunothérapie est efficace contre ce cancer du poumon», a souligné le Dr Luis Paz-Ares, professeur de médecine à l'hôpital universitaire de Madrid, qui a mené cette étude.

«Il y a encore cinq ans, on pensait généralement que c'était impossible d'avoir une immunothérapie efficace contre ce cancer», a rappelé Gregory Masters, un cancérologue de l'Asco.

Des chercheurs ont également présenté vendredi une petite étude clinique qui a permis d'identifier le premier marqueur génomique appelé MMR (mismatch repair deficiency) permettant de prédire l'efficacité de l'anticorps pembrolizumab (Keytruda).

Par exemple, 62% des malades avec un cancer colorectal chez qui ce marqueur est présent ont enregistré une réduction de leur tumeur. Il n'y a eu aucune réponse chez ceux qui en étaient dépourvus.