Un bébé palestinien a été brûlé vif et ses parents et son frère grièvement blessés vendredi lorsque des extrémistes israéliens ont incendié leur maison en Cisjordanie occupée, faisant craindre un nouveau cycle de violences.

Le Premier ministre israélien Benyamin Nétanyahou a aussitôt dénoncé un «acte de terrorisme en tout point», et ordonné les forces de sécurité «d'arrêter les meurtriers et de les traduire en justice». Des engagements qu'il a réitérés lors d'un rare appel téléphonique au président palestinien Mahmoud Abbas.

En soirée, ce dernier a toutefois dit «douter qu'Israël mette en oeuvre une véritable justice» dans cette affaire, accusant l'État hébreu d'être «le responsable direct» de la mort d'Ali Dawabcheh, 18 mois, en raison de «l'impunité» qu'il accorde aux «colons» que les Palestiniens ont accusé de ce crime.

M. Abbas a annoncé que les Palestiniens déposeraient samedi un nouveau dossier pour «crime de guerre» devant la Cour pénale internationale, tandis que des groupes palestiniens menaçaient de «riposter» et que des milliers de manifestants réclamaient «vengeance» en Cisjordanie et dans la bande de Gaza, où un Palestinien de 27 ans a été tué et un autre blessé par des tirs israéliens une source médicale palestinienne.

Une porte-parole de l'armée a indiqué à l'AFP que «deux suspects s'étaient approchés de la barrière de sécurité» qui sépare Gaza de l'État hébreu et que l'un d'eux, qui avait continué à avancer malgré des avertissements, avait été visé aux «membres inférieurs».

Vendredi à l'aube, des hommes masqués, présentés par les Palestiniens comme des colons, ont jeté des cocktails Molotov par les fenêtres ouvertes de deux maisons, dont celle des Dawabcheh, dans le village de Douma près de Naplouse dans le nord de la Cisjordanie, selon des sources palestiniennes et israéliennes. Ils ont ensuite pris la fuite dans une colonie voisine, d'après la radio israélienne.

Le bébé a péri dans l'attaque, alors que sa mère Riham, 26 ans, son père Saad et son frère Ahmed, 4 ans, se débattaient entre la vie et la mort dans un hôpital israélien, selon des médecins. Un quatrième blessé, une fillette selon certaines sources, était également hospitalisée.

Fait exceptionnel, M. Nétanyahou et le président israélien Reuven Rivlin leur ont rendu visite à l'hôpital dans l'après-midi.

PHOTO MAJDI MOHAMMED, AP

Débris carbonisés

À Douma, il ne restait plus de la maison des Dawabcheh que les murs en béton, l'intérieur n'étant qu'un vaste tas de débris carbonisés. Ici ou là, restaient des photos de la famille, dont celles du bébé, rongées par les flammes, ainsi que quelques affaires dont un biberon.

À l'extérieur, des graffitis en hébreu barraient encore les murs. «Vengeance» et «Le prix à payer», proclamaient-ils, deux jours après que les autorités israéliennes eurent détruit deux maisons en construction dans une colonie plus au sud.

Des milliers de Palestiniens, dont le premier ministre Rami Hamdallah, ont participé vendredi aux funérailles du bébé, «héros martyr» dont le corps enveloppé dans un drapeau palestinien a été porté à bout de bras.

Depuis des années, des activistes de l'extrême droite israélienne ou des colons se livrent, sous le label du «prix à payer», à des agressions et des actes de vandalisme contre des Palestiniens et des Arabes israéliens, des lieux de culte musulmans et chrétiens, ou même des soldats israéliens. La très grande majorité de ces agressions sont restées impunies.

Mais l'attaque de vendredi a suscité une émotion particulièrement vive avec des appels israéliens sur les réseaux sociaux à manifester samedi contre la violence.

Le ministre israélien de la Défense Moshé Yaalon a même qualifié les assaillants de «terroristes juifs».

«Véritable épidémie»

Les condamnations israéliennes n'ont néanmoins pas convaincu la direction palestinienne. «On ne peut dissocier cette attaque barbare» d'un «gouvernement qui représente une coalition pour la colonisation et l'apartheid», a dit Saëb Erakat, numéro deux de l'Organisation de libération de la Palestine (OLP).

Selon la Paix Maintenant, une ONG israélienne anticolonisation, ces «agressions de la part des colons sont devenues une véritable épidémie», notamment du fait de «l'indulgence dont fait preuve le gouvernement envers les violences antipalestiniennes et les discours de haine».

En mai, l'organisation israélienne Yesh Din estimait que 85,3% des plaintes de Palestiniens après des attaques de colons étaient classées sans suite et que seulement 7,4% des plaintes conduisaient à des poursuites, dont un tiers débouchait sur une condamnation.

Le mouvement islamiste Hamas, bête noire d'Israël, a promis «une punition à la hauteur de ce crime» qui «fait des soldats de l'occupant et des colons des cibles légitimes partout».

Alors que Washington a dénoncé une «brutale attaque terroriste», le secrétaire général de l'ONU l'a qualifiée d'«acte terroriste».

Cité par son porte-parole, Ban Ki-moon a aussi critiqué le gouvernement israélien pour «l'incapacité persistante à faire cesser l'impunité» dont bénéficient les colons qui s'attaquent aux Palestiniens.

L'Union européenne a appelé «à la pleine responsabilité, l'application efficace de la loi et à la tolérance zéro pour les violences des colons», tandis que Paris s'est dit «indigné» par «cet acte ignoble».

L'Union européenne a appelé «à la pleine responsabilité, l'application efficace de la loi et à la tolérance zéro pour les violences des colons», tandis que Paris s'est dit «indigné» par «cet acte ignoble».

PHOTO ABED OMAR QUSINI, REUTERS

Washington condamne «une brutale attaque terroriste»

Les États-Unis ont «condamné avec la plus grande force» vendredi «la brutale attaque terroriste» en Cisjordanie occupée.

«Nous saluons l'ordre donné par le premier ministre (Israélien Benyamin) Nétanyahou aux forces de sécurité d'avoir recours à tous les moyens à leur disposition pour interpeller les meurtriers pour ce qu'il a appelé un acte terroriste et pour les traduire en justice», a écrit le département d'État dans un communiqué particulièrement courroucé.

Redoutant un nouveau cycle de violences entre Israël et les Palestiniens, la diplomatie américaine a également «pressé toutes les parties de maintenir le calme et d'éviter de faire monter les tensions à la suite de cet incident tragique».

Les relations entre les États-Unis et leur indéfectible allié israélien se sont énormément refroidies depuis plus d'un an, avec l'échec du dialogue direct entre Palestiniens et Israël en avril 2014 ainsi qu'avec l'accord scellé entre les grandes puissances et l'Iran sur le nucléaire.

Washington critique ainsi de plus en plus souvent la colonisation israélienne dans les Territoires palestiniens même si les États-Unis ne remettent pas en cause leur alliance militaire avec l'État hébreu et leur appui diplomatique.