La création de lignes de bus destinées uniquement aux travailleurs palestiniens suscite la controverse dans l'opinion publique et divise la classe politique israélienne. Conséquence de ces tensions, deux bus ont déjà été incendiés.

En Israël, certains les ont déjà rebaptisés les «bus de l'apartheid». Mis en place sous le contrôle de la société israélienne de transport Afikim, des bus destinés uniquement aux Palestiniens permettent, depuis lundi, de relier le point de passage d'Eyal, en Cisjordanie, à Tel-Aviv, où se rendent quotidiennement de nombreux travailleurs arabes.

Si elle fait débat, la création de ces lignes est résolument assumée par le gouvernement israélien. Pendant des mois, le ministère des Transports a en effet fait face aux demandes pressantes des représentants des colonies et aux nombreuses doléances de leurs habitants.

Selon certains colons, la promiscuité dans les transports entre membres des deux communautés aurait comme conséquence directe une augmentation des tensions. «Je peux les comprendre, lance Yoav Greenberg, étudiant à Tel-Aviv. Dans un contexte aussi tendu, il est normal de vouloir se mélanger le moins possible. C'est une manière simple d'éviter que cela dégénère», souligne-t-il.

Mesure préventive pour certains, les bus spéciaux représentent pour beaucoup d'autres un dispositif artificiel et inefficace.

«Je trouve ça inadmissible, s'indigne Tal Segev, commerçant à Tel-Aviv. Il est illusoire et naïf de penser qu'en séparant chaque jour un peu plus Palestiniens et Israéliens, on arrange réellement les choses. Moins il y aura de points de contact entre les peuples, plus la situation deviendra difficile.»

Une opinion largement partagée par la députée Zehava Gal-On, du parti de gauche Meretz. Dans une lettre publiée par le quotidien Maariv, elle a appelé le ministre des Transports à annuler rapidement sa décision. «Les autobus ségrégés qui fonctionnent sur une base ethnique étaient chose commune dans les régimes racistes. Il est inacceptable que cela existe dans un pays démocratique», écrit-elle.

Et les représentants de la gauche israélienne ne sont pas les seuls à manifester leur colère. Dans la nuit de lundi à hier, deux bus ont été brûlés près du village arabe de Kfar Qassem.

L'État se justifie

Depuis l'événement et devant les critiques, les autorités israéliennes tentent de jouer la carte de l'apaisement. Elles tentent de se justifier et de rendre plus audibles leurs arguments en faveur de la séparation.

«Les nouvelles lignes vont limiter le surpeuplement dans les bus qui résulte de l'augmentation du nombre de permis de travail accordés aux Palestiniens, autorisés à travailler en Israël, et vont permettre d'améliorer la qualité des services, pour le bien des Israéliens comme des Palestiniens», a ainsi déclaré le ministère des Transports.

Autre raison invoquée: «Les nouvelles lignes de bus sont destinées aux travailleurs palestiniens entrant en Israël par le passage d'Eyal, afin de remplacer les opérateurs pirates qui transportent les travailleurs à des prix exorbitants.»

Le Ministère a également réaffirmé que les Palestiniens seraient toujours libres d'utiliser les lignes de bus habituelles. Un argument qui ne convainc ni les organisations de défense des droits de l'homme ni les Israéliens hostiles à la mesure. «Il ne faut pas se leurrer, reprend Tal Segev. Ils essaient simplement de gagner du temps en affirmant que les Palestiniens pourront continuer à utiliser ces bus. Je suis sûr que cela ne sera bientôt plus possible du tout», conclut-il amèrement.

En attendant de nouveaux changements, la décision sans précédent du gouvernement israélien devrait bouleverser durablement la vie quotidienne des dizaines de milliers de Palestiniens qui se rendent chaque jour en Israël pour travailler.