Le singe cosmonaute iranien en a vu de toutes les couleurs la fin de semaine dernière. Le vol et même l'existence du singe ont été mis en doute, et l'animal a inspiré une blague d'un goût douteux au sénateur républicain John McCain.

«Ce n'est évidemment pas le même singe sur les photos d'avant et après le vol», explique le physicien Yousaf Butt, qui suit les programmes nucléaire, balistique et spatial iraniens à l'Institut d'études internationales de Monterey, en Californie. «Mais l'explication de l'Agence spatiale iranienne, c'est-à-dire qu'une erreur a été commise lors de la distribution des photos, est plausible. Ce qui me chicote le plus, c'est que les États-Unis n'ont pas confirmé le vol. Il est possible qu'ils ne divulguent pas tout ce qu'ils savent, mais ce serait inhabituel.»

L'Iran a indiqué à l'Associated Press que trois singes sont préparés pour chaque lancement et que le choix du cobaye est fait à la dernière minute, ce qui explique l'erreur.

Jonathan McDowell, astronome de Harvard qui surveille les lancements de fusée, a affirmé aux médias que, selon lui, la photo du singe avant le lancement était celle d'un singe qui a péri au cours d'un voyage spatial qui a mal tourné, en 2011.

Pas en orbite

John Logsdon, politologue spécialiste de l'espace à l'Université Georgetown de Washington, qui a notamment fait partie de la commission d'enquête sur la destruction de la navette Columbia, a confié à La Presse que ses «sources» lui ont confirmé que le vol a bel et bien eu lieu.

La capsule habitée n'est toutefois pas allée en orbite, mais a atteint l'altitude de 120 km. C'est 20 km de plus que la limite de l'espace, selon la Fédération aéronautique internationale, mais 150 km de moins qu'une orbite stable. Les touristes spatiaux qui s'envoleront - peut-être dès cette année - avec Virgin Galactic dépasseront tout juste les 100 km.

Ce vol suborbital est donc d'une utilité limitée pour la mise au point de missiles balistiques, a indiqué au New York Times une experte de l'Union of Concerned Scientists. En effet, la chaleur que doit supporter une capsule retombant sur Terre après avoir atteint 120 km est 40 fois moins importante qu'un missile intercontinental atteignant une altitude orbitale.

L'Iran n'a jamais admis l'échec de sa première fusée habitée (par un singe) en 2011, mais a réussi en 2010 un vol suborbital dont l'équipage était composé d'un rat, de deux tortues et d'un ver de terre. Trois satellites ont été envoyés en orbite depuis 2009. Le lancement de trois autres ainsi qu'une mission humaine ont été annoncés hier.

M. Logsdon et M. Butt confirment que le programme spatial iranien est bien réel, avec des buts avant tout patriotiques, comme l'a affirmé en décembre dernier un rapport du Service de recherche du Congrès américain. «Leurs satellites sont fonctionnels, contrairement à celui que la Corée du Nord a réussi à placer en orbite l'an dernier, dit M. Logsdon. Mais ils pourraient avoir les mêmes informations sans programme spatial. Quand le président Mahmoud Ahmadinejad a dit hier qu'il aimerait être le premier astronaute iranien, il s'associe à une réussite technologique populaire en Iran, qui donne l'impression que c'est un pays avancé sur le plan technologique.»

Hier, sur Twitter, le sénateur John McCain a écrit qu'il pensait que M. Ahmadinejad avait fait partie d'un vol habité la semaine dernière. À la suite de plusieurs critiques et d'accusations de racisme, il a ajouté que le fait de comparer le président iranien à un singe était une «blague».

La sonde martienne Curiosity devrait commencer cette semaine à forer le sol de la planète rouge, a annoncé la NASA. C'est la première fois qu'on examinera le sous-sol de Mars, où on pourrait trouver des traces de vie microbienne. Plusieurs organisations scientifiques ont réclamé la semaine dernière que la prochaine sonde martienne de la NASA, annoncée en décembre et prévue pour 2020, rapporte vers la Terre des échantillons de sol martien.