L'affaire Bettencourt, qui fait la manchette depuis des années en France, a finalement connu son dénouement juridique hier devant un tribunal de Bordeaux après de nombreux rebondissements.

Plusieurs anciens collaborateurs et amis de la riche héritière de L'Oréal, Liliane Bettencourt, ont été trouvés coupables d'avoir abusé, sur une période de plusieurs années, de sa faiblesse psychologique croissante pour s'approprier indûment une partie de sa fortune.

Le volet politique de l'affaire a cependant tourné court avec l'acquittement d'un ancien ministre (Éric Woerth) qui fut soupçonné un temps d'avoir voulu financer illégalement la campagne de 2007 de l'ex-président Nicolas Sarkozy.

La justice s'était d'abord intéressée au dossier il y a huit ans en raison d'une plainte de la fille de l'héritière, Françoise Bettencourt-Meyers, qui s'indignait des cadeaux de grande valeur remis à un photographe apprécié par sa mère, aujourd'hui âgée de 92 ans.

La diffusion en 2010 par le site Mediapart d'enregistrements effectués par le majordome de Liliane Bettencourt qui témoignaient de pratiques douteuses en matière fiscale et de liens apparemment problématiques de son entourage avec le monde politique avaient transformé le feuilleton en affaire d'État.

La quasi-totalité des neuf personnes qui ont eu leur procès ont été condamnées, l'ex-ministre faisant figure d'exception. Un des prévenus n'a pas comparu en raison de problèmes de santé et sera jugé plus tard.

Il s'agit d'un infirmier qui avait tenté de se pendre à la veille de l'ouverture du procès. L'homme est accusé d'avoir manoeuvré pour obtenir une disposition testamentaire devant lui permettre d'hériter de plus de 13 millions de dollars à la mort de Liliane Bettencourt.

ÉRIC WOERTH

L'ex-ministre, qui faisait face à des accusations de recel et de trafic d'influence, a été blanchi hier.

Les juges d'instruction le soupçonnaient notamment d'avoir reçu du gestionnaire de fortune de Liliane Bettencourt, Patrice de Maistre, une somme de quelque 68 000 $ alors qu'il occupait les fonctions de trésorier pour la campagne présidentielle de Nicolas Sarkozy.

Bien qu'il y ait eu une « forte suspicion de remise d'argent », le président du tribunal, cité par l'Agence France-Presse, a conclu que la démonstration du versement n'avait pas été faite.

L'ex-ministre était également accusé d'avoir manoeuvré pour remettre la Légion d'honneur à M. de Maistre en contrepartie de l'embauche de sa conjointe. Le tribunal a conclu là encore que le « pacte de corruption » n'avait pas été démontré.

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Éric Woerth

FRANÇOIS-MARIE BANIER

Ce photographe connu a reçu, selon la justice française, des cadeaux d'une valeur totale de plusieurs centaines de millions de dollars après s'être lié d'amitié avec l'héritière de L'Oréal.

Il s'est toujours défendu d'avoir voulu profiter de Liliane Bettencourt, arguant qu'il s'agit d'une femme « extrêmement généreuse ». Son avocat s'est dit convaincu que la nonagénaire était pleinement consciente de ce qu'elle faisait lorsqu'elle a procédé à ces dons.

Le tribunal, cité par l'Agence France-Presse, a conclu que l'accusé ne pouvait ignorer sa fragilité psychologique et avait cherché à l'utiliser pour « tenter de s'accaparer sa fortune ».

Il a été condamné à trois ans de prison, incluant six mois avec sursis, une amende de près de 500 000 $ et plus de 200 millions de dollars de dommages et intérêts à verser à sa victime.

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François-Marie Banier

PATRICE DE MAISTRE

L'ancien gestionnaire de fortune de Liliane Bettencourt, âgé de 66 ans, avait été projeté à l'avant-plan de l'affaire Bettencourt en 2010 lors de la divulgation d'enregistrements captés par le majordome de l'héritière.

Il évoquait notamment l'existence de fonds importants placés à l'extérieur du pays au profit de la milliardaire. Il était aussi question de liens avec l'ex-ministre Éric Woerth qui lui ont valu d'être accusé de trafic d'influence. Le tribunal l'a blanchi à ce sujet, mais a conclu par ailleurs qu'il avait bel et bien cherché à tirer profit de la fragilité de sa patronne pour s'approprier des avantages injustifiés.

Il a écopé de 30 mois de prison, dont 12 avec sursis, une amende de quelque 340 000 $ et plus de 16 millions de dollars de dommages et intérêts à verser à sa victime.

PHOTI ARCHIVES AFP

Patrick de Maistre

NICOLAS SARKOZY

L'ex-président a toujours maintenu qu'il n'avait rien à se reprocher relativement à l'affaire Bettencourt. Les juges d'instruction s'étaient néanmoins intéressés de près à lui en raison d'allégations de versement illicite de fonds destinés à sa campagne de 2007.

Le photographe François-Marie Banier avait notamment déclaré que le gestionnaire de fortune de Liliane Bettencourt s'était plaint du fait que « Sarkozy avait encore demandé de l'argent ».

Une comptable affirmait par ailleurs avoir retiré des sommes d'argent qui lui étaient destinées.

L'ancien chef d'État avait été convoqué à l'été 2012, six mois après la fin de son mandat, pour répondre aux questions des magistrats à ce sujet. Toute poursuite à son encontre avait finalement été abandonnée, faute de preuve.



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Nicolas Sarkozy