L'Allemagne a entrouvert une fenêtre sur le «trésor nazi», une collection d'oeuvres d'art retrouvées la semaine passée à Munich, en publiant des photos de 25 d'entre elles sur Internet pour répondre à une attente grandissante.

Les critiques s'étaient multipliées ces derniers jours de la part de médias, d'experts, et de responsables de la communauté juive, contre l'apparente lenteur des recherches sur la provenance des oeuvres, dont certaines proviendraient de la spoliation de juifs sous le nazisme.

Sur le site Lostart.de, édité par la cellule de coordination fédérale se consacrant à l'art disparu pendant la Seconde Guerre mondiale, étaient visibles mardi des oeuvres de Marc Chagall, Eugène Delacroix, Otto Dix ou encore Matisse et Daumier, découvertes presque par hasard début 2012 par les douanes allemandes dans l'appartement d'un octogénaire, Cornelius Gurlitt, fils d'un marchand d'art au passé trouble sous le nazisme.

«Afin de contribuer à la transparence et d'aider à la recherche sur (leur) provenance, (25 oeuvres) pour lesquelles des indices importants font apparaître qu'elles pourraient avoir été saisies dans le cadre des persécutions national-socialistes» sont dans un premier temps présentées sur la plateforme web de la cellule de coordination, ont annoncé lundi soir le gouvernement fédéral allemand et celui de l'État régional de Bavière, dans un communiqué commun.

Le site, très difficilement accessible mardi, sans doute en raison d'un afflux de visiteurs, doit être «régulièrement actualisé», ont précisé les autorités dans leur communiqué. Sur un total de 1.406 oeuvres retrouvées (peintures, esquisses, dessins...), 970 doivent être examinées par des experts et 380 sont considérées comme appartenant à «l'art dégénéré», concept désignant dans le jargon nazi, tout ce qui ne rentrait pas dans la définition restrictive de l'art du Troisième Reich.

Une «force opérationnelle d'au moins six experts», placée sous la responsabilité de la ministre adjointe de la Culture, Ingeborg Bergreen-Merkel, a également été mise en place pour enquêter sur la provenance des oeuvres.

Jusqu'à présent, seule une scientifique, Meike Hoffmann, spécialiste de l'«art dégénéré» au sein de l'Université libre de Berlin, travaillait sur ces oeuvres auprès du parquet d'Augsburg (sud) responsable de l'enquête judiciaire.

Mardi matin, le représentant en Allemagne de la «Conference on Jewish Material Claims against Germany» (organisation responsable de la restitution de biens spoliés en Allemagne), Rüdiger Mahlo, a souhaité que son institution soit présente au sein de la «force opérationnelle» et que toutes les oeuvres soient visibles sur Internet «si possible avant la fin de l'année», dans une interview à la télévision publique ZDF.

Lundi, le porte-parole de la chancelière Angela Merkel avait répondu que le gouvernement comprenait «bien que des représentants d'organisations juives posent maintenant beaucoup de questions. Car ils représentent parfois des personnes très âgées, victimes d'injustice».

«C'est compréhensible qu'ils veuillent savoir», avait-il continué.

Dans un entretien à la presse allemande, lundi, le président du Congrès juif mondial, Ronald S. Lauder, avait souhaité que Berlin publie un inventaire de ce que la presse a surnommé le «trésor nazi», pour faciliter la tâche d'éventuels ayants droit.

«L'heure est à la transparence» avait déclaré lundi, lors d'un déplacement à New Delhi, le ministre allemand des Affaires étrangères, Guido Westerwelle, cité par l'agence allemande DPA. Il avait averti que son pays devait «faire attention à ne pas jouer avec la confiance qui s'est installée (envers l'Allemagne) depuis plusieurs décennies».