Problèmes de logement, congestion chronique, insécurité : de nombreux défis attendent le prochain maire de Paris. Ou plutôt, la prochaine mairesse. Portrait d'une pré-campagne électorale au coude-à-coude, qui devrait porter pour la première fois une femme à la tête de la mégalopole française.

Sourire aux lèvres, tailleur chic, à cheval sur un scooter. C'est ainsi que Nathalie Kosciusko-Morizet a quitté la soirée où sa candidature à la mairie de Paris a été officialisée, le 3 juin dernier, dans le 7e arrondissement.

Cette image de politicienne " cool ", relayée par tous les journaux, a marqué l'esprit des Parisiens. Mais surtout, elle a confirmé que la métropole française devrait élire pour la toute première fois une mairesse en mars prochain, au terme d'une campagne électorale qui s'annonce aussi imprévisible que mouvementée.

Nathalie Kosciusko-Morizet, que tout le monde ici appelle " NKM ", tentera de ramener la droite de l'Union pour un mouvement populaire (UMP) au pouvoir à l'hôtel de ville. Elle affrontera Anne Hidalgo, collaboratrice de longue date de l'actuel maire socialiste Bertrand Delanoë, déjà en lice depuis septembre dernier. D'autres candidats de petits partis seront aussi dans la course, mais il est acquis que l'une de ces deux femmes sera élue.

Rien ne laisse toutefois présager qui remportera la victoire. " Je ne crois pas qu'une des deux se démarque ", observe Denis Muzet, sociologue réputé et président de l'Institut Médiascopie.

De vastes pans des programmes des candidates demeurent inconnus. Les sondages les placent aussi presque à égalité : Anne Hidalgo récolterait 36 % des intentions de vote au premier tour, contre 32 % pour NKM, selon un sondage CSA du 4 juillet réalisé pour BFMTV, Le Figaro et Orange.

Bataille d'opinion

D'ici à ce que la machine électorale se mette vraiment en branle à l'automne, les deux candidates cherchent à séduire. La recette : multiplier les rencontres de quartier et les déclarations sur les réseaux sociaux. NKM, ancienne secrétaire d'État chargée de l'Économie numérique, compte 242 000 abonnés sur Twitter, contre 96 000 pour sa rivale.

«NKM a des qualités en terme de charisme, de modernité, elle incarne la génération numérique, écologique, remarque Denis Muzet. Hidalgo est plus réservée, plus timide, elle a le contact moins facile. Sa timidité peut confiner à une certaine froideur. »

Pour NKM, femme bourgeoise et ancienne porte-parole de Nicolas Sarkozy pendant l'élection présidentielle de 2012, l'un des grands défis sera d'apparaître plus proche du peuple. Il y a 10 jours, l'actuel maire Bertrand Delanoë l'a qualifiée de «Mme Condescendante».

Anne Hidalgo, de son côté, devra justement réussir à se distancier de Delanöe pour se construire une identité plus forte. «Est-ce qu'Hidalgo va réussir à sortir de sa chrysalide et à s'éloigner de son mentor ? Ça nécessitera une mue de sa part», croit Denis Muzet.

Le Grand Paris

Même si la campagne commence à peine, un dossier s'annonce déjà dominant : celui du «Grand Paris» ou de «Paris métropole». Un projet de loi est débattu ces jours-ci à l'Assemblée nationale pour créer une véritable métropole parisienne unifiée, à l'image de Londres ou de Toronto.

La proposition doterait la ville centre de pouvoirs accrus en matière de logement et d'urbanisme. La population passerait en outre de 2,2 millions à environ 6 millions d'habitants.

«Il faut que Paris ait un rôle de leadership dans la région, et il faut que le maire assume son leadership, quelle que soit son allégeance», fait valoir Antonio Duarte, président de l'Association Grand Paris, un regroupement citoyen.

Outre ce dossier controversé, la pénurie de logements abordables, les problèmes de circulation et l'environnement seront aussi des thèmes centraux dans la campagne municipale.

Qu'importe l'issue du vote, cette élection enverra un message fort d'égalité, croit Antonio Duarte. Un peu comme l'a fait la victoire de Bertrand Delanoë, ouvertement homosexuel, en 2001.

«On sait que la prise de position publique de Delanoë a largement contribué à l'acceptation de l'homosexualité en France, dit M. Duarte. Je pense qu'évidemment, dans l'inconscient collectif, cela aura un certain poids d'avoir une femme comme maire puisque c'est la plus grande ville de France.»

Nathalie Kosciusko-Morizet n'a pas voulu accorder d'entrevue à La Presse. Celle-ci refuse les entretiens même avec de grands médias parisiens, a fait valoir son attachée de presse. L'équipe d'Anne Hidalgo ne nous a pas rappelés.

Les candidates

ANNE HIDALGO

C'est la dauphine de l'actuel maire de Paris. Née en Espagne, immigrée en France encore enfant, elle est la plus proche collaboratrice de Bertrand Delanoë depuis 13 ans, ce qui lui confère une fine connaissance des dossiers parisiens. Pour séduire la gauche, la candidate du Parti socialiste revendique des origines sociales modestes et se fait une ardente défenseure de la cause du logement social. La femme de 53 ans devra tenter de tisser des alliances avec les candidats communistes et écologistes pour espérer remporter la mairie, selon plusieurs analystes. Elle devra aussi se distancier quelque peu de Delanoë en vue d'affirmer une personnalité plus forte.

Photo AP

NATHALIE KOSCIUSKO-MORIZET

Candidate de la jeunesse et de la modernité, NKM a occupé plusieurs postes-clés dans le gouvernement Sarkozy, dont ministre de l'Écologie, du Développement durable, des Transports et du Logement, et secrétaire d'État chargée de l'Économie numérique. La femme de 40 ans, « bobo » autoproclamée et héritière d'une longue lignée politique, était aussi, jusqu'au début de l'année, mairesse de Longjumeau, en banlieue parisienne. Elle briguera un siège dans le 14e arrondissement. Sa vision progressiste dans plusieurs dossiers, comme l'écologie et le logement social, semble séduire une partie de l'électorat de gauche, même si elle représente l'UMP, à droite.

Paris en chiffres

2,2 millions

Nombre d'habitants dans la commune de Paris

12,2 millions

Nombre d'habitants dans la région métropolitaine

552 milliards

PIB, en euros, de la région métropolitaine

30 %

Poids de la région parisienne dans l'économie française

80 528 euros

PIB par habitant dans le Grand Paris, l'équivalent de 110 000 $ canadiens

(Sources : INSEE, Préfet de la région d'Île-de-France, Association des maires des grandes villes de France)