Le Fonds monétaire international (FMI) esquisse un mea-culpa sur son intervention en Grèce, qui demeure exsangue sur le plan économique malgré l'injection d'une aide financière massive.

Dans un rapport confidentiel révélé par le Wall Street Journal, l'organisation dresse un bilan mitigé de l'impact d'un plan de sauvetage de 110 milliards d'euros lancé en 2010 de concert avec la Commission européenne et la Banque centrale européenne pour sauver le pays de la faillite.

Bien que le plan, ponctué de sévères mesures d'austérité, ait été «nécessaire» pour éviter la sortie de la Grèce de la zone euro, il a mené à plusieurs «échecs notables», relève le document.

«La confiance du marché n'a pas été rétablie, les banques ont perdu près de 30% de leurs dépôts et l'économie a enregistré une baisse bien plus importante que prévu», souligne le FMI, qui s'attarde longuement à la question de la restructuration de la dette.

L'organisation affirme qu'il aurait été préférable de demander d'emblée aux créanciers du pays de renoncer à une partie de leurs avoirs plutôt que de le faire deux ans plus tard.

Ce délai, imputable à la résistance des pays de la zone euro, a offert une «fenêtre aux créanciers privés» pour réduire leur engagement dans le pays et transférer la dette dans le domaine public.

La période, ponctuée de coupes durement ressenties par la population, a aussi permis à la zone euro de préparer un mécanisme de stabilité financière pour éviter la propagation de la crise.

La restructuration de la dette n'a finalement pu se faire qu'en 2012, alors que la détérioration continue de la situation du pays rendait l'adoption d'un second plan de sauvetage incontournable.

Bruxelles critiquée

Le FMI se montre aussi critique au sujet du comportement de la Commission européenne, relevant qu'elle peinait à dégager des positions consensuelles parmi les pays européens et n'avait que peu d'expérience en matière de gestion de crise.

Bruxelles s'est déclaré hier en «désaccord complet» avec les conclusions du rapport, qui a été reçu avec satisfaction par plusieurs politiciens grecs ayant eu maille à partir avec le FMI au cours des dernières années.

L'ancien ministre des Finances, Evangelos Venizelos, a déclaré que le document validait les réserves exprimées par la Grèce face aux modalités imposées dans le plan de sauvetage de 2010.

«Il y a beaucoup de choix que nous n'aurions jamais faits de notre propre chef, mais que nous avons dû faire pour éviter le pire», a déclaré M. Venizelos.

Le premier ministre grec, Antonis Samaras, a déclaré que son gouvernement s'affairait depuis l'année dernière à «corriger» les erreurs du FMI. Il estime que le pays est maintenant sur la bonne voie.

Nombre d'analystes ne partagent pas cet optimisme et montrent du doigt l'importance du chômage, qui atteint 27%, le niveau toujours très élevé de la dette et la montée de l'extrême droite sur fond d'effritement social.

Les médias réagissent

Plusieurs journaux n'ont pas manqué de rappeler la gravité de la situation et de l'impact des mesures d'austérité en réagissant au rapport du FMI. Le journal de gauche Avgi a notamment titré que l'organisation «reconnaissait son crime». Un autre quotidien, Ta Nea, a déclaré qu'il s'agissait d'un «aveu d'échec».

Le quotidien Kathimireni relève que le fait de décrire la situation actuelle de la Grèce comme un succès serait une «insulte à l'intelligence» des centaines de milliers de personnes qui ont perdu leur emploi ou leur couverture médicale et qui vivotent dans l'insécurité.

L'économiste Yanis Varoufakis, auteur d'un populaire blogue, estime que le FMI a joué un rôle important dans la «kossovisation» des pays du sud de l'Europe par son soutien aux mesures d'austérité préconisées par les autorités européennes.

L'organisation, dit-il, n'a personne d'autre qu'elle-même à blâmer pour avoir soutenu une politique catastrophique pour des millions d'Européens qui «cracheront au sol chaque fois qu'ils entendent le sigle FMI».