Le jeune militant d'extrême gauche très violemment frappé mercredi à Paris dans une bagarre avec des skinheads est mort jeudi, un drame qui a suscité une vive émotion en France.

La police a rapidement interpellé et placé en garde à vue sept personnes, dont l'auteur présumé du coup mortel. Âgé d'une vingtaine d'années, il est connu pour appartenir à cette mouvance skin et, selon une source policière, a assuré ne pas avoir eu l'intention de tuer Clément Méric, un étudiant de 18 ans.

L'enquête devra déterminer les circonstances exactes de la bagarre qui a éclaté à la sortie d'une vente privée de vêtements dans une rue piétonne proche des Grands Boulevards près de la gare Saint-Lazare.

«Soudain, un coup de poing est parti et le jeune a valsé contre le poteau... Les hommes avaient des crânes rasés, avec des vestes en cuir et des tatouages dans le cou», a raconté à l'AFP une femme témoin de la scène.

Selon une source policière, «il y a eu invectives, bousculades et échanges de mots» entre les deux groupes. La victime «a été frappée par l'un des skins». Un coup extrêmement violent et peut-être porté avec un poing américain, ont dit des sources policières. Sous l'impact, la tête de Clément Méric est allée heurter «un plot».

Les personnes gardées à vue appartiennent à la mouvance de la droite la plus extrême, plusieurs étant proches du groupuscule des Jeunesses nationalistes révolutionnaires et du mouvement affilié de Troisième Voie, ont expliqué des sources policière et judiciaire.

De Tokyo, le président François Hollande a condamné «avec la plus grande fermeté l'agression», commise «dans une altercation avec un groupe de skinheads». «Si ce groupe était un groupe politique organisé, structuré, déclaré, alors il y aurait des mesures à prendre», a-t-il dit.

Répondant aux appels à l'interdiction des groupes auteurs de violences politiques, le premier ministre Jean-Marc Ayrault a promis que le gouvernement chercherait à «mettre en pièces» les groupes d'extrême droite.

À droite, le président de l'UMP Jean-François Copé a réclamé la dissolution des groupuscules «d'extrême droite comme d'extrême gauche» dont la «seule expression est la violence».

Climat de tensions depuis plusieurs mois

Ces derniers mois, des militants de groupes extrémistes ont été impliqués dans plusieurs incidents violents qui ont émaillé les manifestations de masse organisées contre le mariage homosexuel.

Les manifestations ont plusieurs fois dégénéré en violences contre les forces de l'ordre, devenues symboles de la «dictature socialiste», voire contre les journalistes qualifiés de «collabos».

Le ministre de l'Intérieur Manuel Valls a appelé à se méfier de «tous les amalgames», mais a relevé que ces derniers mois avaient vu «parfois une parole qui s'est libérée, dans l'espace public, sur l'internet».

Pour le coprésident du Parti de Gauche, Jean-Luc Mélenchon, cette violence n'est «pas fortuite», mais le résultat d'«une culture méthodiquement inculquée et entretenue par des groupes d'extrême droite», d'après lui, «liés» au Front national. Marine Le Pen, présidente du FN, a répondu que son parti n'avait «aucun rapport, ni de près ni de loin», avec «ces actes inadmissibles et insupportables».

«Plus l'extrême droite légale» comme le FN «se normalise et occupe la totalité de l'espace politique, plus ces groupuscules se retrouvent dans la marginalité. Et plus vous êtes en compétition, plus vous êtes obligés de faire parler de vous par des actions visibles», explique le politologue Jean-Yves Camus, qui note aussi un «pourrissement du climat».

Plusieurs rassemblements en hommage à la victime ont eu lieu en France, notamment à Paris à Sciences Po où étudiait Clément Méric et sur le lieu du drame où plusieurs centaines de personnes, le poing tendu, scandaient jeudi soir «no pasaran» («Ils ne passeront pas!», le slogan des républicains opposés à Franco pendant la guerre civile espagnole à la fin des années 30).