Impossible de ne pas les voir: 6000 vélos bleus ont envahi les rues dans la moitié sud de Manhattan et dans les quartiers branchés de Brooklyn. Mais des problèmes techniques enragent les inconditionnels, et certains opposants en ont fait une bataille politique.

Depuis leur lancement fin mai, près de 36 000 New-Yorkais ont déjà pris un abonnement annuel, un succès tel que certains attendent encore de recevoir leur petite clé bleue, nécessaire pour débloquer ces «Citi bikes».

«Nous allons envoyer cette semaine les clés de ceux qui ont signé entre le 27 mai et le 3 juin», ont indiqué ce week-end les responsables du programme.

Les abonnés à l'année, à la semaine, ou à la journée, doivent également composer avec les aléas de ce tout nouveau service.

Il est régulièrement impossible de laisser un vélo à une station, le système de verrouillage ne fonctionnant pas. Dans Midtown, le quartier des bureaux, les stations le soir n'ont souvent plus de vélo. Ailleurs elles sont pleines, mais le système de déverrouillage ne fonctionne pas. Et dans certaines stations, les cartes bancaires, pourtant seul moyen de paiement pour les abonnements de courte durée, ne marchent pas.

Leserice à la clientèle a été renforcé ces derniers jours, pour mieux répondre aux appels et courriels de consommateurs frustrés.

Et les stations sont devenues l'endroit où l'on prend le temps de parler, pour s'échanger des tuyaux. «Non, ici ça ne marche pas, mais allez sur la 25e rue, là-bas peut-être...», entend-on.

À ce stade, les inconditionnels ne veulent pas baisser les bras.

«Cela va prendre un peu de temps, c'est sûr, mais ça va s'arranger», répètent ceux qui depuis deux semaines apprennent à composer avec les nids de poules de Manhattan, les taxis rois du bitume, les camions de livraison, et les vélos électriques de livreurs chinois roulant souvent à contresens.

«Après, j'arrête»

D'autres se donnent encore une semaine. «Après, j'arrête», confie Alex Lepetit, qui peste d'avoir été en retard à deux rendez-vous professionnels, faute d'avoir pu reposer son vélo dans la station la plus proche.

Les premiers chiffres sont pourtant bons : un nombre record de 22 399 vélos empruntés dimanche 9 juin, 162 248 depuis le lancement le 27 mai. Et plus de 766 000 km parcourus.

Mais ce programme, le plus important aux États-Unis, qui doit à terme passer à 10 000 vélos, a aussi déclenché une guerre plus politique. Son coût important, sa gestion par les pouvoirs publics... Certains sont allés jusqu'à parler de «nazisme», ou à faire un parallèle entre la mairie de New York et les Talibans.

«Pourquoi toute cette anxiété pour quelque chose qui est indiscutablement une bonne chose?», s'étonnait dans un récent éditorial le New York Times, évoquant notamment sans la nommer les remarques acerbes de Dorothy Rabinowitz, membre du comité éditorial du Wall Street Journal.

Dans deux vidéos qui ont fait le tour du net, celle-ci a dénoncé «le lobby du vélo», «les totalitaires qui dirigent (...) cette ville», et un «programme cauchemardesque» qui «horrifie la majorité des citoyens de New York».

L'humoriste de gauche Jon Stewart s'est immédiatement emparé du sujet pour son «Daily show». Et le magazine New York a concentré dans un graphique - avec au centre le fameux vélo bleu - les cinq raisons pour lesquelles «les conservateurs détestent tellement les Citi bikes».

Selon lui, les conservateurs «détestent le maire milliardaire et cosmopolite Michael Bloomberg», ils n'aiment pas partager, haïssent aussi que le programme soit présenté comme bon pour la santé et pour l'environnement. Et surtout, ils détestent qu'il soit «vaguement français», péché capital pour nombre de conservateurs.