La classe politique américaine a vivement réagi jeudi aux révélations du Guardian et du Washington Post sur les pratiques du renseignement américain. Celui-ci récolte les relevés téléphoniques aux États-Unis et aurait accès aux serveurs de groupes informatiques comme Google et Facebook, des pratiques héritées de l'ère Bush et approuvées par l'administration de Barack Obama, selon deux journaux, dont l'existence était soupçonnée mais n'avait encore jamais été confirmée

Le directeur du renseignement américain James Clapper a ainsi estimé que ces fuites menaçaient la sécurité nationale. Ces divulgations constituent «une menace potentielle à notre capacité à identifier et à répondre aux risques auxquels est confronté notre pays», a-t-il écrit dans un communiqué publié en fin de soirée.

De son côté, la Maison Blanche a démenti espionner les citoyens américains ou les personnes vivant aux États-Unis, selon un responsable de l'administration Obama ayant requis l'anonymat.

Le quotidien britannique The Guardian a publié une ordonnance de justice secrète forçant l'opérateur américain Verizon à livrer à l'Agence nationale de sécurité (NSA), à la demande du FBI, la totalité des données téléphoniques de ses abonnés, d'avril à juillet, en vertu d'une loi votée dans la foulée des attentats du 11 septembre 2001.

Des parlementaires ont ensuite confirmé que le programme existait sous cette forme systématique depuis 2007, mais ne concernait que les «métadonnées» telles que le numéro appelé et la durée d'appel, et non le contenu des conversations.

Sans confirmer formellement l'existence de ce programme, la Maison Blanche a assuré qu'il était indispensable à la lutte antiterroriste.

«La priorité numéro un du président est la sécurité nationale des États-Unis. Nous devons avoir les outils nécessaires pour faire face aux menaces posées par les terroristes», a déclaré un porte-parole de la Maison Blanche, Josh Earnest.

Le système a permis d'éviter «un attentat terroriste important» aux États-Unis «ces dernières années», a même assuré le président républicain de la commission du Renseignement de la Chambre des représentants, Mike Rogers.

Les informations sont accumulées dans les serveurs de la NSA, ont expliqué d'autres élus, mais ne sont analysées que lorsqu'il existe des soupçons précis.

«Si un numéro correspond à un numéro terroriste appelé depuis un numéro américain (...) alors il peut être signalé, et ils peuvent demander une ordonnance de justice pour aller plus loin dans ce cas précis», a précisé Saxby Chambliss, vice-président républicain de la commission du Renseignement du Sénat, lors d'une conférence de presse.

Accès direct à Facebook et Google

Quelques heures plus tard, le Washington Post et le Guardian ont affirmé sur la base de fuites d'un ancien employé du renseignement que la NSA avait un accès direct aux serveurs de neuf sociétés internet, dont Facebook, Microsoft, Apple et Google.

Plusieurs compagnies ont nié mais ces révélations ont concrétisé les pires craintes des défenseurs des libertés individuelles, qui tentent depuis des années de faire la lumière sur l'utilisation par le gouvernement du «Patriot Act», la loi votée après le 11-Septembre.

«Cela va au-delà d'Orwell», a dénoncé Jameel Jaffer, de l'ONG American Civil Liberties Union (ACLU), en référence au livre futuriste de George Orwell, «1984».

Une poignée d'élus, démocrates comme républicains, a dénoncé une atteinte à la vie privée «indéfendable et inacceptable», selon les mots du sénateur Bernie Sanders.

«La saisie et la surveillance par la NSA de quasiment tous les clients de Verizon est une attaque stupéfiante contre la Constitution», a dénoncé le républicain Rand Paul.

En 2006, le quotidien USA Today avait provoqué la stupeur en révélant que la NSA récoltait secrètement les données de communications d'Américains auprès des grands opérateurs. Le programme ne concernait alors que les communications entre un interlocuteur situé aux Etats-Unis et un autre à l'étranger. Il avait ensuite été transféré sous l'autorité d'une cour secrète de 11 juges chargés d'approuver toute écoute.

Verizon s'est contenté de relever dans un communiqué que la compagnie était légalement obligée d'obéir à une telle ordonnance.