Le cardinal Marc Ouellet ferait un mauvais pape sur la question des sévices sexuels. C'est l'avis d'un réseau international de victimes de prêtres pédophiles qui a inclus hier le prélat québécois sur sa liste noire des 12 pires papabili, surnommée la dirty dozen («la sale douzaine»).

Le groupe Survivors Network of those Abused by Priests (SNAP), fort de 12 000 membres, blâme Marc Ouellet pour le rôle qu'il aurait joué dans le départ anticipé à la retraite du cardinal écossais Keith O'Brien, soupçonné d'agressions sexuelles.

L'organisme se base sur l'enquête de la presse britannique, qui affirme qu'un prêtre s'est plaint au Vatican en octobre dernier des agissements de Mgr O'Brien. Le Saint-Siège a convoqué le cardinal en novembre, mais lui a permis de rester en poste jusqu'au 17 mars.

À titre de préfet de la Congrégation des évêques, c'est le cardinal Ouellet qui aurait négocié la date de son départ.

La démission-surprise de Mgr O'Brien le 25 février est survenue deux jours après la publication des allégations d'agressions sexuelles.

«Si Ouellet a effectivement permis à un prédateur sexuel de rester au poste pendant des mois afin d'éviter une controverse, cela a porté préjudice aux victimes, dit le directeur du SNAP, David Clohessy, en entrevue téléphonique. Nous ne saurons peut-être jamais si O'Brien a abusé d'autres jeunes prêtres pendant que Ouellet gardait le silence.»

Excuses passées

Marc Ouellet s'est pourtant illustré à quelques reprises au sujet des affaires de pédophilie. En février 2012, il a présidé une messe spéciale à une conférence sur cette question à Rome. Puis, il a rencontré personnellement des victimes irlandaises lors d'un congrès eucharistique en juin dernier, à Dublin.

«Je me demande comment les victimes irlandaises se sentent aujourd'hui à la lumière des soupçons qui pèsent sur le cardinal Ouellet», dit à ce sujet David Clohessy.

La liste noire de SNAP n'est qu'une campagne de relations publiques, selon l'ancien attaché de presse du cardinal, Jasmin Lemieux-Lefebvre. «Elle se base principalement sur des allégations, dit-il. On peut reprocher bien des choses au cardinal Ouellet, mais sur ce dossier, il est blanc comme neige.»

Au Vatican, les porte-parole ont balayé hier d'un revers de main l'importance de cette liste noire auprès des cardinaux. «L'organisme SNAP n'est pas en position de dire qui devrait assister au conclave et qui devrait être le prochain pape», a répondu Federico Lombardi.

Cependant, la question sera bel et bien prise en compte au moment du vote, croit Thomas Reese, chroniqueur pour le National Catholic Reporter. «Les cardinaux, surtout américains et européens, éviteront d'élire un pape qui ne semble pas avoir compris l'impact des scandales sexuels sur l'Église», dit le prêtre jésuite.