Le temple de Bêl, joyau de la cité antique de Palmyre en Syrie, a été détruit par les djihadistes de l'EI, selon des images satellite de l'ONU diffusées lundi.

Il s'agit du deuxième temple détruit par le groupe État islamique en une semaine à Palmyre, site classé par l'UNESCO au patrimoine mondial de l'Humanité.

Lundi soir, l'Institut des Nations unies pour la formation et la recherche (Unitar) a déclaré pouvoir «confirmer la destruction du bâtiment principal du temple de Bêl ainsi que celle d'une rangée de colonnes qui le jouxte», après avoir comparé des images satellite avant et après l'explosion.

Sur une image datée du 27 août, une structure rectangulaire entourée de colonnes est clairement visible, alors que sur un autre cliché pris lundi, on ne distingue plus que quelques colonnes, en bordure du site.

Dimanche, l'Observatoire syrien des droits de l'Homme (OSDH) avait annoncé que l'EI avait détruit à l'explosif une partie du temple consacré au dieu Baal.

Un militant anti-régime de Palmyre, Mohammed Hassan al-Homsi, avait lui aussi fait état de la destruction partielle du temple. «Ils ont utilisé des récipients et des barils remplis d'explosifs, préparés d'avance», avait-il dit.

Dans un communiqué publié lundi soir, le porte-parole de l'ONU, Stéphane Dujarric, a fermement condamné «la destruction injustifiée d'un site d'une valeur inestimable pour notre patrimoine mondial commun».

«Le plus beau temple»

Dans Palmyre, surnommé la «perle du désert», le temple de Bêl était incontestablement le plus impressionnant des bâtiments.

«Il allie de manière unique l'art oriental et l'art gréco-romain. Il possède encore tous les attributs du temple antique: l'autel, le bassin, les colonnes... Avec Baalbeck au Liban, c'est le plus beau temple du Moyen-Orient», selon le directeur des Antiquités et des musées du pays, Maamoun Abdelkarim.

M. Abdelkarim avait affirmé lundi dans la journée ne pas être en mesure de confirmer la destruction du temple, expliquant que «le personnel des services des Antiquités n'avait pas été autorisé par les djihadistes à approcher» du temple.

Il a fallu plus d'un siècle pour le construire puisque son érection commence en 32 et se termine au second siècle.

Avant la guerre, 150 000 touristes visitaient le site de Palmyre.

Il a été conquis en mai par l'EI, qui a déjà détruit plusieurs joyaux archéologiques en Irak.

L'EI considère les oeuvres religieuses préislamiques, notamment les statues, comme de l'idolâtrie.

À Palmyre le 23 août, l'EI avait totalement détruit à l'explosif le temple de Baalshamin abattant la "cella" (partie close du temple) tandis que les colonnes autour s'étaient effondrées. Quelques jours plus tard, les djihadistes diffusaient une vidéo montrant le temple réduit à un amas de gravas.

Ce n'est pas le seul crime commis par les djihadistes dans cette ville. Le 18 août, ils avaient mutilé le corps de l'ex-patron des Antiquités de Palmyre Khaled al-Assad, 82 ans, après l'avoir exécuté puis pendu à un poteau.

L'EI se rapproche de Damas

À Damas, l'EI était engagé lundi dans des combats de rue contre des rebelles islamistes, se rapprochant ainsi du centre de la capitale syrienne.

Les affrontements ont lieu à Qadam, un quartier du sud de la capitale, où le groupe djihadiste a pris le contrôle de deux rues durant le week-end, selon l'OSDH.

«C'est le point plus proche du coeur de la capitale atteint par l'EI», a indiqué le directeur de l'ONG, Rami Abdel Rahmane, en faisant état de 15 morts dimanche dans les violents combats qui ont obligé les civils à fuir.

Les djihadistes sont venus de Hajar al-Aswad, un quartier adjacent, où ils sont présents depuis juillet 2014.

Une source de sécurité syrienne a confirmé des combats dans ce secteur. «Nous sommes très contents qu'ils se battent entre eux mais nous sommes très vigilants afin de réagir s'ils avançaient vers les secteurs tenus par le gouvernement», a-t-elle dit à l'AFP.

Selon l'OSDH, le quartier de Qadam était relativement calme depuis l'entrée en vigueur il y a un an d'une trêve entre rebelles et forces du régime.

Ailleurs en Syrie, le Front Al-Nosra, la branche locale d'Al-Qaïda, et leurs alliés islamistes se sont rapprochés du village chiite de Foua, en prenant la localité limitrophe de Sawaghiyé, dans la province d'Idleb (nord-ouest).

Foua est avec l'autre village chiite de Kafraya ainsi que l'aéroport d'Abou Douhour les trois dernières poches tenues par le régime dans cette province proche de la Turquie, aux mains des rebelles.

À Damas, le verdict du procès du célèbre défenseur syrien des droits de l'Homme et critique du régime de Bachar al-Assad, Mazen Darwich, et de deux de ses collègues a été reporté au 16 septembre, a indiqué un avocat proche du dossier.

Arrêté en février 2012, M. Darwich a été remis en liberté le 10 août après une détention de plus de trois ans dénoncée comme arbitraire.

PHOTO AFP

Quand les extrémistes s'en prennent au patrimoine mondial

L'explosion par l'EI du temple de Bêl fait suite à plusieurs destructions par l'EI et d'autres groupes extrémistes de trésors archéologiques en Syrie, en Irak, en Libye, au Mali et en Afghanistan.

SYRIE:

Le 23 août 2015, les djihadistes de l'EI ont fait exploser le temple de Baalshaminun, un des plus célèbres de la cité antique de Palmyre, prise en mai. Moins d'une semaine avant, le groupe avait décapité l'ancien chef des Antiquités de la ville, Khaled al-Assad, 82 ans, une référence mondiale sur cette cité antique. En juillet, l'EI avait déjà détruit la fameuse statue du Lion d'Athéna et transformé le musée en tribunal et en prison.

Selon l'ONU, plus de 300 sites historiques syriens ont été endommagés, détruits ou pillés depuis le début du conflit il y a plus de quatre ans.

IRAK

L'EI, qui contrôle de larges pans de territoire en Irak et la moitié du territoire de la Syrie depuis la prise de Palmyre, s'est livré à «un nettoyage culturel» en rasant une partie des vestiges de la Mésopotamie antique, selon l'ONU, ou en revendant des pièces au marché noir.

Une vidéo diffusée en février 2015 a montré des combattants de l'EI saccageant des trésors pré-islamiques dans le musée de Mossoul, 2e ville d'Irak prise aux premiers jours de leur offensive début juin 2014. Selon des responsables des antiquités, quelque 90 oeuvres ont été détruites ou endommagées. Les djihadistes, qui ont aussi mis le feu à la bibliothèque de Mossoul, avaient dynamité en juillet 2014 devant la foule la tombe du prophète Jonas, aussi connu sous le nom de Nabi Younès.

Une vidéo diffusée en avril 2015 a montré les combattants de ce groupe détruisant à coups de bulldozers, de pioches et d'explosifs le site archéologique de Nimroud, joyau de l'empire assyrien fondé au XIIIe siècle. Ils s'en sont aussi pris à Hatra, cité de la période romaine vieille de plus de 2.000 ans, située dans la province de Ninive (nord).

LIBYE

Plusieurs mausolées ont été détruits par des islamistes extrémistes à coups de pelleteuse ou d'explosifs à travers le pays depuis la révolte qui a renversé le régime Kadhafi en 2011. Pour ces intégristes, ces sanctuaires érigés à la mémoire de saints contreviennent à leur interprétation de l'islam.

En 2012, des dizaines d'intégristes ont fait exploser le mausolée du cheikh Abdessalem Al-Asmar, un théologien soufi du XVIe siècle, à Zliten (est de Tripoli), le plus important en Libye. Une bibliothèque et une université au nom du cheikh ont été la cible de destructions et de pillage. À Misrata, le mausolée du cheikh Ahmed al-Zarrouk a été détruit.

En 2013, une attaque à l'explosif a visé un mausolée à Tajoura, banlieue de Tripoli, datant du XVIe siècle et qui constituait l'un des plus anciens de capitale. En 2014, l'UNESCO a condamné les actes de vandalisme contre plusieurs mosquées de Tripoli, dont la mosquée Karamanli datant du XVIIIe siècle.

MALI

Tombouctou, «la cité des 333 saints» inscrite au patrimoine mondial de l'humanité, est restée d'avril 2012 à janvier 2013 sous le contrôle de groupes islamistes armés qui l'ont défigurée. En juin 2012, les djihadistes de différents mouvements liés à Al-Qaïda, qui considèrent la vénération des saints comme de «l'idolâtrie», ont entamé la démolition de plusieurs mausolées, dont celui de la principale mosquée de la ville. D'autres mausolées, témoignage de l'âge d'or de la ville au XVIe siècle ont été détruits.

Début 2013, l'Institut de recherches islamiques Ahmed Baba a été saccagé, mais la majeure partie des célèbres manuscrits et livres précieux avaient été mis à l'abri. En mars 2014, des travaux de reconstruction ont commencé.

AFGHANISTAN

En mars 2001, le chef suprême des talibans, le mollah Omar, ordonne la destruction des deux bouddhas géants de Bamiyan (centre-est), trésors archéologiques vieux de plus de 1500 ans, jugés «anti-islamiques» car mettant en scène des représentations humaines. Pendant 25 jours, des centaines de talibans venus de tout le pays s'acharneront à détruire, à coups de roquettes et de dynamite, les gigantesques statues.