Le principal syndicat tunisien a appelé mercredi à une grève générale le 13 décembre dans l'ensemble du pays, engageant un bras de fer avec les islamistes au pouvoir en pleine crise politique et sociale tout juste avant le deuxième anniversaire de la révolution.

«L'Union générale tunisienne du travail (UGTT) a décidé d'une grève générale le jeudi 13 décembre 2012 sur tout le territoire de la République», a annoncé le syndicat à l'AFP et sur sa page Facebook.

La centrale précise qu'elle entend ainsi protester contre une attaque de son siège mardi à Tunis orchestrée, selon elle, par des militants islamistes proches du parti Ennahda qui dirige le gouvernement.

Elle réclame l'arrestation des assaillants et la dissolution de la Ligue de la protection de la révolution, sorte de milice pro-pouvoir aux méthodes brutales qui s'est posée en garant des revendications de la révolte de 2010-2011.

De leur côté, les branches locales de l'UGTT ont appelé à une grève dans plusieurs régions dès jeudi, exprimant les mêmes demandes. Plusieurs débrayages sectoriels sont aussi prévus.

Il s'agit de Sidi Bouzid, berceau de la révolution de 2011, sa voisine Kasserine, Sfax, dont la capitale éponyme est la deuxième ville du pays, et Gafsa, zone minière très volatile.

Dans son histoire, l'UGTT a appelé seulement à deux grèves nationales, l'une en 1978, et une autre, de deux heures, le 12 janvier 2011, deux jours avant la chute du régime de Zine El Abidine Ben Ali.

Le syndicat, fort d'un demi-million de membres, est toujours la plus grosse organisation du pays. Force historique, l'UGTT était déjà l'un des fers de lance de la lutte contre la colonisation française, puis s'était opposé dans les années 1970 au père de l'indépendance, Habib Bourguiba.

Mais sa direction a joué un rôle plus équivoque sous le régime de Ben Ali.

Le parti Ennahda reproche à l'UGTT de se mêler de politique et d'attiser les tensions sociales dans le pays, qui est régulièrement le théâtre de manifestations violentes nourries par les frustrations face aux espoirs déçus de la révolution.

Le syndicat avait voulu réunir mi-octobre toutes les forces politiques pour tenter de négocier un consensus sur la future Constitution, dont la rédaction est dans l'impasse, mais Ennahda a boycotté la réunion rendant sa tenue caduque.

Avant même que le syndicat n'annonce sa décision d'appeler à la grève, Rached Ghannouchi, chef du parti islamiste, a dénoncé l'UGTT en la qualifiant «d'opposition radicale».

«L'UGTT doit être une organisation syndicale et non pas un parti de l'opposition radicale», a-t-il martelé. «L'appel à la grève générale est un travail politique, surtout lorsqu'elle a des motivations politiques et non sociales».

«Une grève générale ne fera pas changer le gouvernement; en démocratie le changement de gouvernement ne se fait que par une motion de censure ou des élections», selon lui.

La tension montait depuis des semaines entre l'UGTT et les islamistes, alors que parallèlement les conflits sociaux s'intensifiaient et que l'impasse politique s'aggravait.

Cette nouvelle crise intervient trois jours après la fin de près d'une semaine d'affrontements entre policiers et manifestants à Siliana, au sud-ouest de Tunis, après qu'une grève générale organisée par l'UGTT dans la région a dégénéré.

La Tunisie fêtera le 17 décembre le deuxième anniversaire du début de sa révolution déclenchée par l'immolation d'un vendeur ambulant excédé par les brimades policières et la pauvreté à Sidi Bouzid, dans l'intérieur marginalisé.