Le président français François Hollande a appelé, lors d'un déplacement à Tunis, berceau du Printemps arabe, à «tout faire» pour revenir au processus démocratique en Égypte, tout en louant la transition en Tunisie en dépit de ses turbulences.

M. Hollande s'est gardé de condamner un coup d'État militaire en Égypte, contrairement à son homologue tunisien Moncef Marzouki, un laïc de centre-gauche allié aux islamistes d'Ennahda qui dirigent le gouvernement.

«Nous devons tout faire pour que (le processus) puisse reprendre sur la base du pluralisme et du rassemblement», a déclaré M. Hollande, au lendemain de la destitution par l'armée égyptienne du président islamiste Mohamed Morsi.

«C'est un échec quand un président élu démocratiquement est déposé. C'est un échec quand une population se soulève rassemblant des millions de personnes pour demander la fin du mandat d'un président», a-t-il ajouté.

À l'inverse, M. Hollande, premier président français à se rendre à Tunis depuis le soulèvement de janvier 2011, a rendu hommage au pays d'origine des Printemps arabes.

«La France est attachée à ce que vous puissiez accomplir avec succès la révolution que vous avez engagée», a-t-il dit.

«Il y a aussi pour vous une obligation de réussir car vous êtes un exemple, une référence pour beaucoup de peuples arabes», a souligné M. Hollande qui juge «maîtrisée» la transition en Tunisie.

De son côté, M. Marzouki, a exclu que le scénario égyptien puisse se reproduire dans son pays, islamistes et laïcs, malgré leur vive opposition, dialoguant pour trouver un consensus sur la future Constitution. De la même manière, a-t-il assuré, l'armée tunisienne est «républicaine, professionnelle» et «ne s'est jamais mêlée de politique».

«Ceci étant (...) nous devons faire attention, comprendre qu'il y a de grosses demandes sur le plan social et économique», a-t-il reconnu.

Si la conférence de presse des deux présidents a été largement dominée par l'Égypte, près d'une vingtaine d'accords ont été signés touchant au transport ferroviaire, à l'éducation, à la coopération agricole, à l'accès à l'eau et à l'environnement.

Le chef du gouvernement tunisien, l'islamiste Ali Larayedh, a lui «remercié la France pour son soutien au processus démocratique».

Vendredi, avant de rencontrer des représentants de la société civile et de l'opposition, M. Hollande prononcera à l'Assemblée nationale constituante (ANC) un «message d'encouragement» aux parlementaires qui peinent depuis octobre 2011 à doter leur pays d'institutions pérennes. En France, l'UMP (droite, opposition) a appelé le président à ne pas «cautionner» un gouvernement incapable de respecter sa «feuille de route».

Mais François Hollande devrait éviter toute polémique, d'autant que le soutien de la France au régime de Ben Ali sous la présidence de Nicolas Sarkozy a laissé un goût amer à de nombreux Tunisiens.

Si le dirigeant français est accompagné d'une dizaine de ministres, Manuel Valls n'était pas du voyage alors que le ministre de l'Intérieur s'était attiré les foudres d'Ennahda en dénonçant la montée d'un «fascisme islamique» après l'assassinat de l'opposant tunisien Chokri Belaïd en février.

L'Élysée a évoqué un conflit de calendrier pour expliquer cette absence.

Le président français a néanmoins rappelé «sans ingérence» les «valeurs (françaises) qui sont celles des droits de l'Homme et donc de la Femme et d'une manière générale des principes de liberté».

À la veille de son déplacement, plusieurs ONG l'ont exhorté de plaider pour un «système démocratique pleinement respectueux des droits humains».

Ces organisations pointent le cas du rappeur Weld El 15, condamné en première instance à deux ans ferme pour une chanson insultant la police avant de voir sa peine réduite à du sursis.

Elles ont aussi rappelé qu'un militant athée purge une lourde peine pour avoir partagé des caricatures anti-islam sur internet et que la militante féministe Amina Sbouï est détenue depuis la mi-mai pour avoir peint le mot «FEMEN» sur le muret d'un cimetière de Kairouan.

Sur un plan plus symbolique, M. Hollande devrait remettre les archives françaises concernant Farhat Hached, leader nationaliste et père du syndicalisme tunisien dont l'assassinat en 1952 a été attribué à une organisation paramilitaire active sous le protectorat français.

Il a aussi annoncé des mesures pour amorcer une conversion partielle de la dette tunisienne, à hauteur de 60 millions d'euros, pour financer des investissements.