Les familles des passagers disparus dans le naufrage d'un navire de croisière sur le Yangtsé ont laissé éclater leur colère mercredi à Shanghai, réclamant des explications et exigeant d'avoir accès au site de l'épave, avec pour seule réponse une intervention musclée de la police.

Avec seulement 14 rescapés jusqu'à présent, les chances devenaient presque nulles de retrouver des survivants sur les 456 personnes que transportait l'Étoile de l'Orient (le Dongfangzhixing) lorsqu'il a sombré lundi soir.

Près d'une centaine de passagers, dont une écrasante majorité de personnes âgées, venaient de Shanghai, prospère capitale économique du pays.

En quête désespérée d'informations, des dizaines de proches des disparus se sont rassemblés mercredi devant le siège de la municipalité shanghaïenne pour crier leur frustration.

Mais les forces de l'ordre ont tenté d'étouffer promptement ce mécontentement exprimé en place publique : une vidéo partagée en ligne montrait une vive confrontation entre les policiers et les familles, hurlant à l'extérieur du bâtiment.

«La police a d'abord formé une barrière humaine pour nous empêcher d'entrer», a indiqué à l'AFP une jeune femme, dont la mère se trouvait sur le navire.

«Certains membres des familles se sont énervés et ont commencé à crier. Et c'est alors que des policiers se sont mis à frapper les gens» au cours d'une mêlée agitée, a-t-elle poursuivi.

Soucieuse d'éviter tout débordement, la police a finalement forcé le petit groupe à monter à bord d'un bus, avant de le conduire dans le hall monumental d'un autre bâtiment public, transformé pour l'occasion en «centre d'accueil».

À l'intérieur, d'autres membres des familles des passagers étaient réunis, éplorés, devant des écrans diffusant en boucle les reportages de la télévision d'État, où apparaissait, omniprésent, le premier ministre Li Keqiang sur les lieux du drame.

«Je veux simplement savoir»

Mais les réfractaires n'ont pas désarmé, s'insurgeant de plus belle contre l'absence de détails sur les opérations de secours et les circonstances du naufrage.

«Il faut absolument que nous allions là-bas, sur place, c'est notre demande à tous», s'est exclamée une Shanghaïenne, mère d'une fillette de sept ans qui voyageait sur l'Étoile de l'Orient avec ses grands-parents paternels.

«Qu'elle soit décédée ou non, nous voulons savoir. Nous voulons voir son corps», soupirait mi-résignée à ses côtés Xu Naixiong, grand-mère maternelle de l'enfant.

Certains faisaient circuler une pétition exigeant d'avoir accès au site le plus rapidement possible.

«Attendre ici les bras croisés ne sert absolument à rien!», affirmait Chong Ye, dont les parents quinquagénaires participaient à la funeste croisière.

«Cela fait déjà deux jours. Je veux simplement savoir ce que sont devenus mes parents, est-ce que le gouvernement ne peut pas nous dire au moins cela?», sanglotait-il.

Signe de l'atmosphère très tendue, un homme a été interpellé après une altercation avec un policier. Il a plus tard assuré dans un microblogue avoir été relâché peu après.

Face à des catastrophes, Pékin bannit toute communication présentant une image négative du régime communiste, tout en réprimant les récriminations antigouvernementales ou les voix critiques sur les responsabilités officielles.

Les familles des passagers chinois du vol MH370 de Malaysia Airlines, disparu mystérieusement l'an dernier, avaient elles aussi ainsi fait bruyamment état de leur détresse, avant d'être harcelées par les autorités et contenues par la police à chacun de leurs rassemblements.

Le naufrage dû à une tornade

Le naufrage a été probablement provoqué par le passage d'une petite tornade qui a frappé brièvement la région, ont assuré les responsables de la météo chinoise.

Le district de Jianli, dans la province centrale du Hubei, a été touché en effet par le passage de ce phénomène climatique, rare en Chine, qui s'est déplacé rapidement, accompagné de vents de plus de 117 km/h et de précipitations de plus de 64 mm en une heure, a indiqué le Bureau d'État à la météorologie (BEM) sur son site internet mardi soir.

Le mot chinois utilisé par cette agence nationale peut également se traduire par «cyclone» - le terme a été improprement employé dans la presse officielle chinoise anglophone -, mais la description donnée du phénomène répond à celle d'une tornade.

Un employé du BEM joint mercredi a indiqué à l'AFP que les responsables responsables du dossier n'étaient pas joignables, ayant tous été envoyés sur les lieux du drame.

La tornade a duré entre 15 et 20 minutes, à l'heure où le navire a chaviré. Elle avait un diamètre d'environ un kilomètre et un caractère «régional, de dimension limitée et s'est déclenchée soudainement», selon le BEM, qui ne précise pas sa localisation ni sa trajectoire exacte.

Le prévisionniste en chef de l'agence météo, Yu Xiaoding, cité dans la presse, a précisé qu'elle rentrait apparemment dans la catégorie «supérieure à EF-1» sur l'échelle Fujita, communément utilisée, soit une catégorie classée comme «modérément destructrice».

Sur l'échelle de Beaufort, la tornade était accompagnée de vents de force 12, précise le BEM.

La description du phénomène correspond aux témoignages d'un rescapé et du capitaine de l'Étoile d'Orient, qui a survécu au naufrage. Selon eux, le navire, déjà pris sous un violent orage, a été soudainement frappé par ce qui a été traduit par un «cyclone», provoquant sa gîte - l'inclinaison du navire sur son axe longitudinal - quasi immédiate et son naufrage en moins de deux minutes.

La tornade s'est probablement formée en raison d'une combinaison de facteurs incluant l'humidité, de forts vents et des pluies intenses, provoquant une colonne d'air ascendante qui s'est mise à tourbillonner.

Les tornades, fréquentes aux États-Unis, sont plutôt rares en Chine, mais surviennent parfois dans des provinces comme le Hubei, où le drame s'est produit, a ajouté le responsable.