Au Brésil, le candidat centriste Aécio Neves pourrait mettre un terme demain à 12 ans de règne à la présidence du Parti des travailleurs, jadis dirigé par Lula da Silva. Ce dernier est d'ailleurs sorti de sa réserve cette semaine pour venir à la rescousse de sa dauphine, Dilma Rousseff, dont la réélection est loin d'être assurée.

Les scandales de corruption et la croissance économique endémique continuent d'alimenter la grogne au Brésil. Et Aécio Neves, l'ancien gouverneur de l'État du Minas Gerais, dont le modèle de gestion est encensé à l'international, talonne la présidente sortante.

Sur le sentier pédestre qui entoure le lagon Rodrigo de Freitas à Rio, Júlio Kühner, dégoulinant de sueur, reprend son souffle après son jogging matinal.

C'est autour de ce lagon, situé au pied de la montagne où est érigée la statue du Christ rédempteur, que l'on retrouve les quartiers les plus aisés de la ville aux mille péchés. C'est également ici qu'on a voté très majoritairement en faveur du candidat centriste Aécio Neves au premier tour de la présidentielle.

Interrogé sur l'issue du vote de demain, Júlio Kühner lève les yeux au ciel et pointe la statut du Christ. «Je vais faire comme lui et me mettre les bras en croix, lance l'avocat, la respiration encore haletante. Je prie pour qu'Aécio Neves l'emporte.»

Dans un salon de coiffure du quartier de Leblon, à quelques pâtés de maisons du lagon, Sara Fagundes se bat frénétiquement avec la mèche rebelle d'une cliente.

«Elle n'a rien fait, Dilma! Quelles sont ses réalisations sinon d'avoir continué les politiques de Lula et plongé notre pays en récession? grogne-t-elle en actionnant son sèche-cheveux. J'ai confiance en Aécio Neves pour relancer l'économie, équilibrer les comptes publics et faire les réformes qui s'imposent.»

Le modèle Aécio Neves

Économiste de formation, l'ancien député, gouverneur et actuel sénateur de l'État du Minas Gerais livre une lutte serrée à l'actuelle présidente de gauche, Dilma Rousseff. Ils étaient nez à nez dans les intentions de vote jusqu'en début de semaine; l'héritière politique de Lula est depuis quelques jours créditée d'une légère avance dans les sondages.

«Je n'ai rien contre Dilma, mais je crois qu'elle ne comprend pas bien la façon dont l'économie doit être gérée, soutient Júlio Kühner. C'est pour ça que j'appuie Aécio Neves. C'est un économiste qui a fait ses preuves dans l'État du Minas Gerais».

Gouverneur de 2003 à 2010, Aécio Neves peut en effet se vanter d'avoir remis l'État minier sur ses rails. Grâce à un modèle appelé «gestion de choc», il a réussi, par la valorisation des fonctionnaires publics, à augmenter leur productivité ainsi qu'à réduire la taille et les dépenses de l'État pour investir les sommes économisées dans les services aux citoyens.

En sept ans, les déficits accumulés du deuxième État le plus peuplé du Brésil se sont transformés en surplus budgétaires et en croissance économique, lui valant les éloges de la Banque mondiale.

Lula à la rescousse de Dilma

De l'autre côté de la baie de Guanabara, dans le centre-ville de São Gonçalo, bastion acquis au Parti des travailleurs, des milliers de personnes en liesse crient et se bousculent pour tenter d'atteindre la camionnette dans laquelle l'ex-président Lula vient de monter.

«Lula, je t'aime! scande un petit bout de femme en formant un coeur avec ses deux mains jointes. Reviens en politique, pour l'amour de Dieu!»

Inquiet de la possible défaite de Dilma Rousseff, le charismatique ex-président a fait une sortie publique jeudi pour venir à la rescousse de sa dauphine. Lula da Silva a rappelé aux électeurs les bienfaits de son programme d'allocations familiales, qu'a poursuivi l'actuelle présidente et qui a sorti près de 40 millions de personnes de la pauvreté.

«C'est important que les Brésiliens ne jettent pas aux ordures ce que nous avons durement construit au cours des 12 dernières années», martèle de sa voix rauque l'éminence grise du Parti des travailleurs.

À quelques rues de la permanence du parti d'Aécio Neves, dans le quartier aisé de Leblon, Sérgio Pinho et son épouse reconnaissent les bienfaits du programme baptisé Bolsa familia, mais s'inquiètent de ses effets pervers.

«Lula et Dilma se sont maintenus au pouvoir en distribuant des chèques d'aide sociale aux familles pauvres sans leur donner les moyens de voler de leurs propres ailes, soupire Sérgio Pinho. Il faut conserver la Bolsa familia, mais doter ce pays d'un système d'éducation et de santé de qualité pour qu'ils puissent se sortir de la misère. C'est ce que propose Aécio Neves.»



Évolution des intentions de vote

9 octobre

Aécio Neves 51%

Dilma Rousseff 49%

15 octobre

Aécio Neves 51%

Dilma Rousseff 49%

23 octobre

Aécio Neves 47%

Dilma Rousseff 53%

Sondeur: Datafolha