Le mariage gai prend l'allure d'un véritable casse-tête en Colombie: les couples homosexuels ne savent toujours pas s'ils pourront obtenir ou non le certificat tant désiré, en raison d'un vide juridique persistant pour ce type d'union.

En 2007, la Cour constitutionnelle leur a accordé les mêmes droits sociaux et patrimoniaux que ceux des unions libres hétérosexuelles et avait donné au parlement un délai jusqu'à fin juin 2013 pour se prononcer sur la possibilité d'autoriser le mariage gai via l'étude d'un notaire. Le projet de loi est bien passé en avril dernier devant le parlement qui l'a alors enterré, mais sans en exclure pour autant le principe.

Du coup, comme d'autres candidats au mariage, Fernando Castaneda, un conseiller commercial de 21 ans de Bogota, en couple depuis un an et demi avec son compagnon de 41 ans, espère bien pouvoir officialiser sa relation avec son compagnon de 41 ans.

«Je veux former une famille et bénéficier de tous les droits prévus», affirme-t-il à l'AFP. Le jeune homme estime suffisante la position de Cour constitutionnelle qui avait reconnu aux homosexuels le droit de «constituer une famille, sous un régime leur offrant une meilleure protection que l'union de fait».

Toutefois, son compagnon, qui travaille dans l'immobilier aux États-Unis, préfère attendre la réaction des notaires avant de faire le déplacement. Car l'incertitude domine: vont-ils se réclamer de la Cour constitutionnelle et autoriser l'inscription du mot «mariage» sur leur certificat ou vont-ils invoquer la décision du parlement pour le refuser ?

«Nous verrons si nous restons ici ou si nous partons», explique le conseiller commercial.

L'enjeu n'est pas juste symbolique: le mariage confère des droits supplémentaires, permettant ainsi de consacrer immédiatement la communauté de biens, quand l'union civile exige un délai de deux ans.

Face au vide juridique, sur fond de pression de l'Église qui s'oppose fermement au mariage gai, les notaires vont se retrouver devant un cas de conscience: mettre ou non le mot «mariage» sur le certificat accordé aux couples gais.

Marcela Sanchez Buitraga, présidente de «Colombie Diversité», la principale ONG qui défend la communauté homosexuelle, craint que les notaires se limitent à rédiger un document «formel» sur le «lien contractuel», mais sans le fameux mot attendu.

«Nous, nous voulons le mariage égalitaire» et pas un autre document que «nous rejetterons», affirme-t-elle à l'AFP.

Le juriste German Rincon, qui défend les droits de la communauté homosexuelle, estime lui aussi qu'un document sans la mention du mariage constituerait un «recul». «Les notaires vont faire une interprétation minimaliste» de la Cour constitutionnelle et «le contrat ne garantira pas le mariage», prédit-il à l'AFP.

L'espoir des militants de la cause gay réside dans la justice. Selon eux, les juges iront peut-être plus loin que les notaires et accepteront que des mariages homosexuels soient prononcés.

«Nous conseillons aux personnes qui nous ont consultés d'aller devant les tribunaux car il est possible que des juges interprètent, eux, le jugement (du Conseil constitutionnel) comme un droit au mariage», ajoute Mme Sanchez.

Jeudi à Bogota, une poignée de couples homosexuels ont introduit les premières demandes, choisissant plutôt des tribunaux civils que les études des notaires.

«Nous avons énormément confiance dans l'indépendance des juges pour leur interprétation» de la Cour constitutionnelle, affirme à l'AFP Sandra Rojas, une candidate au mariage avec son amie Elizabeth Castillo.

«Si nous avions été un couple hétérosexuel, nous aurions simplement été chez le notaire pour nous marier, mais ici il va nous donner un certificat qui n'est pas un certificat de mariage», poursuit cette ingénieure d'une quarantaine d'années avant d'ajouter: «c'est l'incertitude totale, nous ne savons pas ce qui va se passer».

Si leur demande n'aboutit pas, les militants de la cause gaie n'auront d'autre choix que de déposer un recours auprès de  la Cour constitutionnelle afin d'obtenir un arrêt plus explicite en faveur du mariage gai.