L'État colombien a été condamné pour avoir manqué à sa mission de protection de la population lors de la démilitarisation partielle de son territoire, qui était intervenue il y a plus de dix ans à la demande de la guérilla des Farc afin de permettre à l'époque des négociations de paix.

Ce jugement, prononcé par le Conseil d'État, constitue la première de ce type dans ce pays, en proie à un conflit armé depuis près d'un demi-siècle avec la rébellion marxiste des Forces armées révolutionnaires de Colombie (Farc).

«L'importance de cette décision, c'est que c'est la première liée à la zone démilitarisée, c'est-à-dire qu'elle rend l'État responsable de la situation qui s'y est produite», a annoncé à la presse le président du Conseil d'Etat, Alfonso Vargas.

Entre 1999 et 2002, le gouvernement colombien a ordonné le retrait des troupes de l'armée dans la région du Caguan, une vaste zone de 42 000 kilomètres carrés, pour y mener des pourparlers avec les Farc, qui ont finalement échoué, les autorités estimant que la guérilla en avait profité pour se renforcer.

Durant cette période, de nombreuses localités ont dénoncé des exactions commises par les Farc, mais aussi par des milices paramilitaires d'extrême droite, fondées par des propriétaires terriens pour lutter contre les guérilleros.

Le Conseil d'État avait ainsi été saisi par un paysan, qui a depuis été assassiné en 2003, lequel se plaignait d'avoir perdu plus de 3000 têtes de bétail.

«Parmi les conséquences de la démilitarisation il y a eu le départ de la force publique. Le plaignant avait  déposé un recours en faisant valoir que la population civile s'était retrouvée sans protection», a souligné M. Vargas,

Cette décision intervient alors que le gouvernement a ouvert depuis six mois un nouveau cycle de négociations avec les Farc, qui se déroulent à Cuba.

Durant les pourparlers, le président colombien Juan Manuel Santos, élu en 2010, a exclu l'idée d'un cessez-le-feu avant d'obtenir un accord final avec la guérilla, qui compte encore 8000 combattants après 49 ans d'existence. Il avait notamment évoqué l'échec de l'expérience du Caguan.

Le ministre colombien de l'Intérieur, Fernando Carillo, a salué jeudi la décision du Conseil d'État, estimant qu'elle envoyait un «signal très clair» et marquait un «précédent», afin que l'option de la démilitarisation soit «impossible à répéter».