Le président vénézuélien Hugo Chavez est arrivé lundi à La Havane après l'annonce d'une nouvelle récidive de son cancer décelé il y a 18 mois et de la désignation de son dauphin, témoignant de la gravité de son état de santé à une semaine d'élections régionales.

«Jusqu'à la victoire, toujours!», a lancé le président Chavez, 58 ans, vêtu d'un survêtement et le poing en l'air, en reprenant le slogan du «Che» Guevara, dans un message télévisé enregistré avant son départ vers Cuba.

Dans un bref discours prononcé devant quelques ministres et hauts gradés au palais présidentiel de Miraflores à Caracas, le chef de file de la gauche latino-américaine a aussi tenu à mettre en garde ses compatriotes contre toute tentative de déstabilisation du pays en son absence.

Les «ennemis» sont «tapis à l'extérieur et à l'intérieur et ne manqueront pas de profiter de circonstances qu'ils jugent opportunes pour se lancer de nouveau comme des hyènes contre la patrie (...) pour la livrer à l'impérialisme», a déclaré M. Chavez, au pouvoir depuis 1999.

«Je leur demande seulement une fois de plus de renforcer l'unité (...) et de ne pas céder aux intrigues», a-t-il ajouté dans une référence implicite à la tentative de coup d'État qui avait failli lui coûter son poste en 2002.

Arrivé à l'aube à l'aéroport de La Havane, le président vénézuélien y a été accueilli par son homologue cubain Raul Castro, a rapporté l'agence cubaine d'information Prensa Latina, puis il a reçu la visite du président équatorien Rafael Correa.

M. Chavez doit se faire opérer dans les prochains jours pour la quatrième fois depuis la découverte en juin 2011 d'une tumeur cancéreuse dans la zone pelvienne.

Toute la journée, les messages de soutiens ont afflué, en provenance d'anonymes ou de présidents, notamment sur Twitter, où le hashtag «ElMundoEstaConChavez» («LeMondeEstAvecChavez») s'est placé parmi les plus fortes tendances.

La porte-parole du département d'État américain, Victoria Nuland, a pour sa part souhaité prompt rétablissement au président, «comme à toute personne qui souffre de ce qu'il souffre», mais a surtout fait part de la volonté des États-Unis que, le cas échéant, sa succession respecte la Constitution vénézuélienne.

Réélu le 7 octobre, le président doit officiellement être réinvesti le 10 janvier. Selon la Constitution, si M. Chavez était investi mais devait quitter son poste dans les quatre premières années de son mandat, le vice-président assurerait l'intérim et devrait convoquer un nouveau scrutin dans les 30 jours.

S'il devait quitter son poste avant le 10 janvier, deux cas de figure se télescopent: le cas d'un président «en exercice», qui devrait être remplacé par le vice-président jusqu'au terme de son mandat, et celui d'un président «élu», dont l'intérim serait assuré par le président de l'Assemblée nationale avant de nouvelles élections.

Dimanche, M. Chavez a levé toute ambiguïté en désignant son vice-président et ministre des Affaires étrangères Nicolas Maduro, 50 ans, pour assurer l'intérim de la présidence s'il devait être déclaré «inapte» à assumer ses fonctions et l'a intronisé candidat du parti au pouvoir s'il lui était impossible de reprendre son poste.

M. Maduro, un ancien chauffeur d'autobus et syndicaliste, représente l'aile modérée de l'entourage de M. Chavez.

«Jusqu'au-delà de cette vie, nous serons loyaux à Hugo Chavez», a clamé lundi lors d'un déplacement de campagne M. Maduro.

En juin 2011, M. Chavez avait été opéré d'un abcès pelvien et d'une tumeur, puis à nouveau d'une tumeur en février 2012. Il a suivi la quasi totalité de ses séances de chimiothérapie et de radiothérapie à Cuba.

Ce cancer, dont la nature exacte n'a jamais été révélée, est traité comme un secret d'État par Caracas. De nombreux observateurs estiment que ce goût du secret constitue l'une des raisons pour lesquelles il est soigné dans l'île communiste, en plus de l'étroite amitié liant Hugo Chavez à son mentor Fidel Castro et de la bonne réputation des médecins cubains.

Ce nouveau départ de M. Chavez intervient à un moment délicat pour son parti qui a l'ambition de reprendre à l'opposition les Etats riches et peuplés de Julia (nord-ouest) et de Miranda (nord) aux élections régionales de dimanche, alors que le président est arrivé en tête dans 22 des 23 États lors de la présidentielle.

La maladie du président «va repolariser le processus» politique et provoquer «une plus forte mobilisation en cette dernière semaine de campagne» et du coup, peut-être limiter l'abstention, qui s'établit généralement à 35% pour ce type d'élections (contre moins de 20% à la présidentielle), a estimé l'analyste politique Farith Fraija.

Du côté chaviste, «on va voir une meilleure mobilisation parce qu'ils sentiront qu'il peut y avoir un risque quand à la poursuite du projet» socialiste du président, selon lui.

Toutefois, dans le même temps, «il va y avoir une réanimation de (l'électorat d'opposition) qui espère un changement», a tempéré le directeur de l'institut d'enquête Datanalisis, Luis Vicente Leon.