Les dirigeants de la Communauté est-africaine ont de nouveau demandé lundi au Burundi de reporter la présidentielle controversée, du 15 au 30 juillet, et nommé le président ougandais médiateur dans la crise politique née de la candidature du président Pierre Nkurunziza à un troisième mandat.

Ce nouvel appel à report, que le ministre burundais des Affaires étrangères Aimé-Alain Nyamitwe va faire remonter au président Nkurunziza, intervient alors que la crise burundaise a connu un nouveau rebondissement avec la réapparition des auteurs du putsch avorté dans le pays mi-mai.

Le chef de la diplomatie burundaise a déjà envoyé un signal positif, jugeant «globalement bonnes» les résolutions adoptées lundi à Dar es Salaam, en Tanzanie, lors du troisième sommet de la Communauté est-africaine (EAC) organisé en moins de deux mois sur la crise burundaise.

Lors de la réunion, à laquelle seuls les présidents tanzanien Jakaya Kikwete et ougandais Yoweri Museveni ont assisté, les dirigeants est-africains ont aussi redemandé au gouvernement burundais de désarmer les Imbonerakure, les jeunes du parti du pouvoir assimilés à une «milice» par l'ONU, ainsi que tous les «autres groupes armés».

Ils ont encore réclamé que, quel que soit le vainqueur de la présidentielle à venir, «un gouvernement d'unité nationale» soit par la suite formé, rassemblant «ceux qui ont participé et ceux qui n'ont pas participé aux élections».

Le sommet a été ostensiblement boudé par le président burundais Nkurunziza, mais aussi, signe de la lassitude de la région face à une crise qui s'enlise, par ses homologues rwandais Paul Kagame et kényan Uhuru Kenyatta: les dirigeants de la région «en ont vraiment assez», avait glissé un diplomate lundi matin.

La présidentielle burundaise est la prochaine étape d'élections générales ouvertes le 29 juin par des législatives et communales dont la quasi-totalité de la communauté internationale, l'EAC, mais aussi l'Union africaine, l'Union européenne, les États-Unis et l'ONU, avaient en vain déjà demandé le report, dénonçant un climat impropre à leur tenue (insécurité, intimidations, manque de pluralisme médiatique...).

Les résultats de ces législatives et communales, boycottées par l'opposition, ne sont toujours pas connus, mais l'ONU a déjà mis en cause leur validité.

Pour justifier son refus d'un glissement du calendrier électoral, le pouvoir burundais arguait d'un risque de vide institutionnel, le mandat de Pierre Nkurunziza s'achevant le 26 août. Mais cet entêtement à organiser coûte que coûte les scrutins aux dates prévues lui avait encore un peu plus aliéné la communauté internationale, qui, à l'exception de l'ONU, avait unanimement retiré ses observateurs électoraux.

Retour des putschistes

C'est aussi cette imperméabilité du pouvoir burundais aux critiques de la communauté internationale qui a motivé les putschistes à sortir du bois et annoncer vouloir lutter de plus belle pour chasser Pierre Nkurunziza.

Pour la première fois depuis l'échec du coup d'État, motivé par la perspective du 3e mandat, l'un de ses auteurs a accordé un entretien à une chaîne de télévision, la kényane KTN, dans lequel il a affirmé être, avec d'autres généraux putschistes, derrière les récentes attaques au Burundi.

«Toutes ces actions en cours dans le pays, nous sommes derrière, et nous allons les intensifier jusqu'à ce que M. Nkurunziza comprenne», a déclaré le général Léonard Ngendakumana, bras droit du chef putschiste Godefroid Niyombare, resté selon lui au Burundi pour «résister» et «se battre» contre le pouvoir en place.

La capitale Bujumbura ainsi que d'autres villes du pays ont été les cibles d'attaques à la grenade meurtrières à l'approche des législatives et communales.

La candidature de Pierre Nkurunziza, déjà élu en 2005 et 2010, à un troisième mandat est jugée par l'opposition anticonstitutionnelle et contraire à l'accord d'Arusha qui avait permis de mettre fin à la longue guerre civile (1993-2006, quelque 300 000 morts) dont le pays peine encore à se remettre.

Elle a non seulement motivé le coup d'État avorté, mais aussi un mouvement de contestation populaire violemment réprimé par la police et qui a donné lieu à des heurts parfois meurtriers avec les Imbonerakure.

Depuis le début de la crise, plus de 70 personnes sont mortes et plus de 140 000 Burundais ont fui dans les pays voisins - Rwanda, République démocratique du Congo, Tanzanie - le climat préélectoral délétère.

La communauté internationale, en particulier les pays de la région, qui a connu son lot de guerres, massacres, et flots de réfugiés ces deux dernières décennies, s'inquiète d'un retour de la violence à grande échelle au Burundi.

PHOTO JEAN PIERRE AIME HARERIMANA, ARCHIVES REUTERS

Le chef putschiste Godefroid Niyombare (au centre) serait toujours au Burundi pour «résister» et «se battre» contre le pouvoir en place.