La grande région de Montréal ne manque pas de projets de conservation à réaliser. En particulier en milieu aquatique. Mais est-ce que ces projets ont l'appui de la population? Est-ce qu'elle leur accorde une valeur?

Une équipe de trois chercheurs a tenté de répondre à ces questions pour le compte de la Fondation David Suzuki.

Jérôme Dupras, professeur au département des sciences naturelles de l'Université du Québec en Outaouais, coauteur de l'étude, membre du Cercle scientifique David Suzuki et bassiste pour Les Cowboys Fringants, est l'un des trois chercheurs.

«Les résultats montrent une forte demande sociale pour l'amélioration de l'environnement, affirme-t-il dans un communiqué obtenu par La Presse. Les valeurs que nous avons trouvées devraient être incluses dans les processus de prise de décision sur l'aménagement du territoire.»

Les chercheurs ont tenté de chiffrer les «services écologiques» qu'on peut attendre de la restauration d'un ruisseau ou d'une berge du fleuve.

Par «services écologiques», on entend des services que nous rend gratuitement la nature, notamment en purifiant l'eau et en nous fournissant des endroits où faire des activités de plein air.

Résultat: c'est l'amélioration de la qualité de l'eau qui vaut le plus cher aux yeux des répondants, suivie des activités de sensibilisation et des activités récréatives.

Les chercheurs ont sondé 1742 personnes de partout au Québec.

Dans le questionnaire, ils ont expliqué les enjeux et bienfaits de la conservation en milieu aquatique. Ils ont ensuite présenté trois projets réels: la restauration du ruisseau Gohier à Blainville, le démantèlement d'un quai à Verdun et l'aménagement du ruisseau des Trente à Beloeil.

Il était expliqué que chacun de ces projets fournit à divers degrés des «services écologiques» comme la protection d'espèces végétales ou animales ou l'amélioration de la qualité de l'eau.

C'est là que les chercheurs se sont permis un petit mensonge: ils ont dit que ces projets étaient à la recherche de dons.

Selon Thomas Poder, économiste de la santé et l'un des trois chercheurs, c'était la meilleure façon de chiffrer les bénéfices que les répondants attendaient.

«Les gens étaient invités à transmettre leur adresse de courriel afin de pouvoir être sollicités par un organisme de conservation et 35% étaient prêts à faire un suivi, explique-t-il. C'est seulement à la fin du questionnaire qu'on leur expliquait que cette demande n'était pas réelle. Du point de vue de l'éthique, de toute manière, on ne pouvait pas combiner la collecte de dons et la recherche scientifique.»

En questionnant les personnes sur les raisons de leur don, ils ont aussi pu déterminer quel «service écologique» avait le plus de valeur aux yeux des donateurs potentiels. «On a mesuré ce que les gens étaient prêts à payer pour obtenir le service en question», dit M. Poder.

En additionnant le tout et en extrapolant à la grandeur de la population québécoise, les trois modestes projets suscitent une valeur de 50 à 100 millions en services écologiques.

Cela peut servir de guide aux décideurs, croit-il.

«Si, par exemple, la Communauté métropolitaine de Montréal décide de faire 50 projets et que ces projets protègent 50 espèces et procurent 100 nouvelles activités récréatives, on va extrapoler et trouver des valeurs de bien plus que 100 millions.»

«L'étude démontre que les citoyens sont prêts à investir collectivement pour améliorer la qualité de leur environnement et des services que leur procurent des écosystèmes en santé», selon Karel Mayrand, directeur général pour le Québec de la Fondation David Suzuki.

Valeur de chaque service écologique

• Amélioration d'un degré de la qualité de l'eau: 15,39$

• Sensibilisation et éducation: 12,27$

• Ajout d'une activité récréative: 10,16$

• Amélioration du paysage: 4,69$

• Protection d'une espèce: 1,36$

• Stockage de carbone (reboisement): 0,11$

- Source: La valeur économique de la Ceinture et trame bleue du Grand Montréal, Fondation David Suzuki