La cimenterie McInnis prévoit réduire sa pollution en brûlant des résidus de la forêt gaspésienne. Une approche qui a ses limites, selon les écologistes.

La cimenterie en construction à Port-Daniel-Gascons prévoit remplacer jusqu'à 50 % du coke de pétrole par de la « biomasse forestière », ce qui pourrait faire baisser de 20 % ses émissions totales de gaz à effet de serre (GES).

« Notre point de départ pour le remplacement est de 15 %, et nous évaluerons au fur et à mesure les possibilités d'augmentation », explique Maryse Tremblay, directrice des communications et de la responsabilité sociale de Ciment McInnis.

Le coke de pétrole est un sous-produit du raffinage. La biomasse se compose de résidus de coupe, comme les branches et les têtes d'arbres, et de résidus de scieries, tels l'écorce et les copeaux.

Ciment McInnis a fait un premier pas dans cette direction : elle a conclu une entente avec l'Association coopérative forestière de Saint-Elzéar.

C'est un « projet porteur » pour la région, selon le directeur général de la coopérative, Sébastien Roy. « On va créer une cinquantaine d'emplois », dit-il.

La Gaspésie a perdu une usine de papier, une usine de carton et près d'une dizaine de scieries au cours des dernières années.

La biomasse de la coopérative sert déjà à chauffer l'Hôpital de Maria et les serres Jardins Nature à New Richmond à raison de 6000 tonnes par année.

Mais le projet McInnis, c'est une autre paire de manches.

« Il y a une différence entre chauffer des bâtiments et approvisionner une cimenterie. On parle de 100 000 tonnes par année. Ça va prendre un procédé industriel pour sécher cette biomasse. »

M. Roy croit tout de même que le projet pourra se faire dans le respect de la foresterie durable. 

« Avant, on avait deux papetières qui consommaient en tout 300 000 tonnes de résidus, rappelle-t-il. Un arbre, c'est 50 % de résidus et 50 % de planches. Mais on n'avait plus de marché pour les résidus dans la région. »

Il sait aussi que la biomasse forestière doit être collectée à 100 km ou moins, sans quoi son avantage écologique disparaît à cause de la pollution liée au transport.

Sébastien Roy assure cependant qu'aucun arbre ne sera coupé simplement pour être brûlé dans les fours de la cimenterie. « On ne coupe pas un arbre pour chauffer, assure-t-il. Ce n'est pas économiquement viable et ce n'est pas écologique. »

Projet à l'oeil

Les groupes écologistes ont néanmoins le projet à l'oeil.

Nicolas Mainville, de Greenpeace, craint que la demande industrielle n'intensifie l'exploitation de la forêt.

« Si on remplace du coke ou du charbon par des arbres debout, le bilan climatique est pire pendant des années, avant que les arbres ne se régénèrent et recommencent à pousser, dit-il. Dès qu'on brûle du bois, on considère que c'est zéro émission. Mais pour ça, il faut que la forêt repousse, et c'est dans des dizaines d'années. »

En Europe, les carburants fossiles font déjà place à la biomasse : en 2010, 1,5 million de tonnes de résidus verts ont été brûlés dans les cimenteries européennes.

Un projet de 1,1 milliard

Les principaux actionnaires de Ciment McInnis sont des membres de la famille fondatrice de Bombardier. Le projet de 1,1 milliard profite d'un investissement de 100 millions et d'un prêt de 250 millions d'Investissement Québec, ainsi que d'un investissement de 100 millions de la Caisse de dépôt et placement du Québec. La cimenterie est construite non loin d'un gisement de 400 millions de tonnes de calcaire. Sa production équivaudra à 60 % de la capacité actuelle de toutes les cimenteries québécoises.