Un an après qu'il eut annoncé que le Canada se retirait du protocole de Kyoto, le ministre de l'Environnement, Peter Kent, a pris au cours du week-end le chemin de Doha, au Qatar, où 190 pays tentent de conclure une entente qui succéderait à celle de Kyoto. La Presse l'a rencontré dans son bureau d'Ottawa juste avant son départ.

Il a souvent été critiqué pour s'être retiré du protocole de Kyoto, mais n'allez pas croire que le ministre Kent prend les changements climatiques à la légère. En fait, dit-il, un pays nordique comme le Canada en subit déjà les contrecoups.

«C'est un problème mondial qui requiert une solution mondiale», a-t-il affirmé dans une longue entrevue accordée à La Presse.

Au fil de la conversation, qui a lieu quelques heures avant son départ pour Doha, le ministre Kent a pris de longues minutes pour énumérer les impacts des changements climatiques au Canada.

«Des communautés qui sont dans le Nord depuis la ruée vers l'or au Klondike commencent à voir leurs immeubles s'affaisser, relate-t-il. Les autoroutes et les chemins de fer s'affaissent.»

À cela s'ajoute la fonte accélérée de la calotte glaciaire, qui entraîne une série d'imprévus. Ottawa doit équiper la garde côtière de nouveaux navires, car la navigation accrue dans le Grand Nord fait en sorte que des bateaux s'échouent chaque année en tentant de franchir des passages devenus libres de glace.

Au cours de l'été, a-t-il relaté, il a fallu investir des millions pour expédier du foin des Prairies vers l'est du Canada et les États-Unis. La sécheresse menaçait carrément l'industrie bovine dans ces régions.

L'ouragan Sandy, qui a récemment dévasté la côte est américaine, est le dernier d'une longue liste d'événements météorologiques extrêmes qui militent pour une lutte accrue contre les changements climatiques, selon M. Kent.

«Nous ne pouvons rattacher un seul événement précis comme Sandy aux changements climatiques, mais on voit de plus en plus d'événements météorologiques extrêmes dans le monde. Des sécheresses sévères, des inondations, des précipitations. On voit des tornades au Canada à des endroits où on n'en avait jamais vu.»

Et pourtant, le Canada a été le premier pays signataire de Kyoto à s'en retirer formellement - la décision la plus controversée qu'ait prise M. Kent. Un an plus tard, le ministre martèle que seul un accord qui impose des cibles à tous les pollueurs sera réellement efficace.

Kyoto a imposé à une trentaine de pays développés l'obligation de réduire leurs émissions de gaz à effet de serre (GES) de 6% par rapport au taux de 1990. Mais les pays en développement n'avaient aucune obligation, affirme le ministre, et les États-Unis n'ont jamais signé l'entente.

«Un grand nombre de pays, depuis la signature du protocole de Kyoto, sont devenus des économies très différentes basées sur des industries différentes, a expliqué M. Kent. Et pourtant, ils s'accrochent toujours au statut de pays en développement. Je pense à des pays comme le Brésil, l'Inde et la Chine.»

Cibles

Au sommet de Copenhague, en 2009, le gouvernement Harper s'est engagé à réduire de 17% ses émissions de GES par rapport au niveau de 2005. Bien que cette cible soit moins ambitieuse que celle de Kyoto, le pays est en voie de rater cet objectif, selon de récents rapports du Commissaire à l'environnement et la défunte Table ronde sur l'environnement et l'économie, deux organismes fédéraux.

Le gouvernement Harper mise sur une approche dite «sectorielle» pour limiter la pollution dans les différentes industries. Mais jusqu'ici, il n'a adopté de nouvelles règles que pour encadrer les secteurs du transport et de la production d'électricité. L'industrie pétrolière, dont la production est appelée à doubler au cours des prochaines années, ne fait pas encore l'objet de réglementation.

Peter Kent jure toutefois que le Canada atteindra ses objectifs. Il compte notamment terminer les réglementations des secteurs pétrolier et gazier l'an prochain.