L'auteur réagit à la chronique de Francis Vailles « La RAMQ ne vérifiait pas avant de payer la "prime Bolduc"», publiée le 23 juin.Alors que sévissait une sévère pénurie de médecins de famille, la Fédération des médecins omnipraticiens du Québec (FMOQ) s'est entendue avec le gouvernement pour mettre en place, en novembre 2011, des mesures incitatives afin d'encourager la prise en charge et le suivi de patients orphelins.

Nous pensions, et nous pensons toujours que cette façon de faire répondait mieux aux intérêts des patients qu'une majoration uniforme de tous les actes médicaux. Il nous est apparu logique d'investir les ressources là où les besoins de la population étaient les plus criants.

D'ailleurs, lorsque ces incitatifs furent mis en place et par le fait même rendus publics, aucune voix notable ne s'est élevée contre cette façon de faire, surtout que, contrairement aux prétentions de certains, ces mesures ont porté des fruits. Depuis le début de l'année 2012, les médecins de famille québécois ont inscrit et pris en charge 970 192 nouveaux patients. Évidemment, les mesures incitatives n'expliquent pas tout, puisque la majorité des nouveaux patients ont été pris en charge sans que le médecin ne réclame le supplément auquel il avait droit.

Eh oui, les médecins de famille, comme ça arrive souvent d'ailleurs, ont laissé dans les coffres de l'État de l'argent auquel ils avaient droit !

N'empêche que, suspectant certaines pratiques qui ne correspondaient pas à l'objectif initial des mesures incitatives, la FMOQ a convaincu le gouvernement en juin 2013 de modifier les paramètres permettant d'avoir droit aux mesures incitatives en y restreignant l'accès. Malheureusement, vint ensuite le cas carrément exceptionnel et peu défendable de l'ancien ministre de la Santé, Yves Bolduc.

Débuta alors un débat où toute nuance était désormais impossible puisqu'il fallait absolument jeter le bébé (des mesures incitatives qui fonctionnent) avec l'eau du bain. S'en suivit une campagne de dénigrement de l'ensemble de la profession médicale où les faits et la raison n'avaient plus leur place. Campagne qui semble se transformer maintenant en chasse aux sorcières sous la plume de M. Vailles, alors que, s'appuyant sur quelques inscriptions ne semblant pas répondre aux normes souhaitées sur un total de près d'un million d'inscriptions, on extrapole sur des scénarios apocalyptiques où les médecins ne seraient que des profiteurs, et la RAMQ un agent payeur complaisant et incompétent. Évidemment, cela ne correspond pas à la réalité, et aucune donnée tangible ne vient corroborer un tel scénario. Mais qui s'en soucie, une fois le procès d'intention bien lancé ?

Les faits sont pourtant têtus : les médecins de famille québécois, malgré une charge de travail en milieu hospitalier qui représente 40 % de leur tâche et des conditions de travail actuelles déficientes (peu de soutien professionnel, technique et administratif), se sont engagés comme jamais à offrir des soins de qualité et à être davantage accessibles. Et ce, avec des objectifs bien tangibles (taux d'inscription de 85 % et taux d'assiduité de 80 % d'ici janvier 2018) qui correspondent à ce qui se fait de mieux dans des systèmes de santé comparables.

Nous entendons tout mettre en oeuvre afin que ces cibles ambitieuses soient atteintes, et ce, pour le plus grand bénéfice des patients. Espérons seulement qu'une fois ces cibles ambitieuses atteintes, les procès d'intention non fondés auront laissé peu à peu place à cette belle réussite collective.

RÉPONSE DE FRANCIS VAILLES

Je cherche en vain le passage de mes trois chroniques sur les primes où je traite les médecins de « profiteurs ». Je cherche en vain les « scénarios apocalyptiques » dont vous parlez. Au contraire, j'ai écrit : « il serait surprenant que la réclamation de primes ait été faite indûment à grande échelle ». Mes chroniques s'interrogent plutôt sur l'efficacité réelle des primes. La dernière dénonce plus particulièrement le fait que la RAMQ n'a pas vérifié, pendant sept ans, si le patient savait qu'on lui avait inscrit un médecin de famille et, conséquemment, si le patient savait qu'il pouvait obtenir un service plus adéquat en le consultant plutôt qu'en allant aux urgences. Est-ce trop demander ?

- Francis Vailles, La Presse