Certains y verront l'occasion de marquer officiellement le début de l'été, d'autres béniront le calendrier qui leur procure cette année une longue fin de semaine.

Les fédéralistes les plus convaincus passeront leur tour et attendront quelques jours avant de célébrer leur première appartenance. Les souverainistes, eux, profiteront d'une tribune exceptionnelle et naturelle. Ils voudront faire la traditionnelle démonstration de force et prouver, une fois de plus, qu'ils sont toujours là, déterminés à faire du Québec un pays et cette fois, malgré les sondages défavorables, le statut minoritaire du gouvernement du Parti québécois et la division du vote indépendantiste.

Mais autrement, quel sens prendra la Fête nationale du Québec cette année?

Bien sûr, on aime croire que la Fête est un moment phare de notre vie collective, une occasion solennelle d'exprimer notre fierté d'être Québécois, à l'abri de la partisanerie et du débat sur l'avenir même de la nation à célébrer. Les 23 et 24 juin, nous tentons de marquer une pause, une trêve.

Puisque la langue française et la culture sont les plus puissants vecteurs de notre identité collective, nous les portons sur des centaines de scènes. Souvent, nous chantons sans nous poser davantage de questions.

Durant les trois années où j'ai eu le privilège d'être responsable de la Fête nationale, il m'a semblé que le Mouvement national des Québécois (MNQ) faisait des miracles, en organisant avec si peu de moyens des activités partout sur le territoire. Ceux qui, comme le chroniqueur Alain Dubuc, ramènent sporadiquement l'idée de confier à d'autres le soin d'organiser la Fête doivent savoir qu'elle n'aurait jamais la même envergure sans le dévouement de ceux qui font de cet événement une véritable raison de vivre, soutenus qu'ils sont par une armée de 20 000 bénévoles.

Le MNQ a aussi, et justement, le mandat du gouvernement du Québec de donner à la Fête un sens particulier d'année en année. L'organisme tente par la suite de le faire connaître avec aussi peu de moyens qu'il en a pour organiser les événements, malheureusement.

Forts des succès récents de C.R.A.Z.Y., des Invasions barbares et de La grande séduction, nous avions pris en 2005 la décision de célébrer le cinéma québécois à travers la Fête nationale. Sur le thème «À notre image», les Québécois l'ont célébrée de façon parfois originale, en ajoutant des projections de films aux spectacles de chansons.

L'année suivante, à l'occasion du 40e anniversaire d'Expo 67, nous saluions avec «À nous, le monde!» les succès internationaux des Québécois, en mettant de l'avant, certes, Céline Dion et le Cirque du Soleil, mais aussi des dizaines de concitoyens qui s'étaient démarqués sur la planète.

Avec des thèmes forts, surprenants, rassembleurs et concrets, tout autant que des campagnes de communication pourvues de moyens raisonnables, nous pouvons espérer renouveler la Fête et éviter qu'elle ne se banalise ou, pire, qu'elle ne devienne elle-même partie du folklore qu'elle peut, pour une part, mettre de l'avant.

Reçu par Paris dans la semaine précédant la Fête nationale française en 2005, j'ai constaté à quel point la Ville et l'État ne lésinaient pas sur les moyens pour souligner cette importante journée. À lui seul, le défilé militaire sur les Champs-Élysées devait bien bénéficier de plus de moyens que l'ensemble des 700 événements du Québec! Sans parler du grand spectacle pyrotechnique lancé depuis la tour Eiffel. Cela ne donnait pas automatiquement un «sens» à la Fête (le spectacle pyrotechnique mettait curieusement à l'honneur le Brésil, alors que célébrations dans les casernes de pompiers donnaient partout belle part à la musique américaine), mais on y mettait tout de même le paquet!

À l'occasion de la Fête nationale du Québec, il faut espérer qu'elle dispose de moyens à la hauteur de nos ambitions. Cela passe notamment par un rôle accru des entreprises privées qui, à quelques exceptions, se font tirer l'oreille. Cela passe aussi et bien sûr par les Québécois eux-mêmes, qui sont appelés à en faire plus qu'un jour férié.