D'après vous, le président Hugo Chavez, qui est décédé mardi, a-t-il bien servi les intérêts du Venezuela pendant son règne de 14 ans à la tête du pays?

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Héros de la justice sociale

Hugo Chavez est mort, et si on a le coeur à gauche ou si on partage les idéaux d'émancipation ou de justice sociale qui ont été les siens, on ne pourra qu'apprendre cette nouvelle avec tristesse.

Après tout, il n'y a pas beaucoup de chefs d'État en Amérique latine ou ailleurs qui ont été capables, avec autant d'acharnement et de passion, de s'attaquer aux si inégales conditions sociales et économiques qui encore en 1998 faisaient qu'au Venezuela, 49% de la population vivaient sous le seuil de pauvreté, et 21% en état d'extrême pauvreté. En 2012 : après 14 ans de révolution bolivarienne, ces taux ont été ramenés respectivement à 27 et 7%. Ce n'est pas rien, surtout en cette ère néolibérale où presque partout ailleurs, on ne parle que de privatisations, de libéralisation des échanges et partant d'accroissement des inégalités, de coupures dans les programmes sociaux ou de dégradation des conditions de vie. Il faut le dire : il y avait quelque chose de l'exploit à opter pour le chemin inverse : celui de renforcer l'État, ou de redistribuer la rente pétrolière vers les secteurs populaires depuis toujours marginalisés, en leur redonnant au passage dignité, ou encore de s'opposer d'arrache-pied aux si nombreuses intromissions étasuniennes.

On comprendra donc que sa disparition secouera toute l'Amérique latine et inquiétera ces pays qui -comme Cuba, La Bolivie et l'Équateur-avaient chacun à leur manière des liens privilégiés avec le Venezuela bolivarien, profitant sans doute des échanges pétroliers effectués avec lui, mais aussi et surtout de cette volonté politique commune de faire entendre la voix d'une Amérique latine unie, capable d'échapper enfin à la tutelle impériale des USA et de s'orienter pas à pas vers un autre mode développement sud/sud, moins soumis aux logiques perverses de la dépendance et de l'échange inégal.

Sans doute, il y a aussi des côtés moins lumineux dans cette expérience de transformation sociale absolument inédite, et Hugo Chavez n'y est pas totalement étranger. Mais on ne peut les juger en toute justice sans tenir compte du lourd héritage qu'il a dû assumer : celui d'un pays où le pétrole est autant un cadeau qu'une malédiction; celui d'une société longtemps désarticulée et dans laquelle n'existait pas de tradition de mouvements sociaux forts et indépendants. Et sans doute certains ne manqueront pas de stigmatiser le caractère personnaliste de sa gouvernance (son «hyperleadership»!) ou les dimensions erratiques ou inachevées de bien des réformes qu'il a parrainées. Mais ces critiques, à bien y regarder, sont d'abord du ressort de ceux qui comme lui ont aspiré -loin du capitalisme néolibéral-- à «un autre monde possible», et continuent à lutter pour qu'il devienne réalité à travers plus de justice, de liberté et de dignité pour les peuples. C'est à eux que revient la tâche d'en faire le bilan intransigeant et d'aller plus loin ! Quant à lui, rendons-lui pour l'instant ce qui lui revient : cette farouche volonté  d'avoir -au milieu de tant d'adversités-initié puis rendu un tel espoir possible.

Pierre Mouterde, sociologue essayiste

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Le Venezuela a reculé de 30 ans

Hugo Chavez, en bout de piste, a fait reculer le Venezuela de 30 ans. Aujourd'hui, pénurie après pénurie de matière de base. Avec la pensée magique de fixer les prix sans discernement, plus personne ne veut produire. À laisser les gens voler, tuer, trafiquer, il a créé le pays le plus violent et insécure au monde (45 meurtres/jour). En nationalisant (volant) et en ne payant pas, plus un seul investisseur étranger ne veut développer l'économie de ce pays. En dilapidant la richesse (pétrole) des Vénézuéliens  pour de l'armement, et en essayant d'étendre sa philosophie marxiste dans les autres pays latinos,il a agi comme si c'était sa fortune personnelle. C'est là que sont ces pétrole-dollars qu'il a volés à son peuple. Avec le recul, nous verrons que cette mascarade de démocratie aura laissé ce pays dans un piètre état.

Louis Lacourcière

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Chavez a redonné espoir à son peuple

Hugo Chavez n'est peut-être plus, mais l'héritage qu'il a laissé à son peuple va se poursuivre pourvu que le prochain gouvernement aille dans ce sens. Avant lui, les Vénézuéliens étaient plongés dans la pauvreté et l'apathie, avec un taux d'analphabétisme élevé. En nationalisant le pétrole et en redistribuant cette richesse au peuple, il lui a permis de s'éduquer, gratuitement, jusqu'à l'université. Au niveau de la santé, deux Vénézuéliens sur trois n'avaient jamais vu un médecin de leur vie et dans certaines régions, il n'y avait aucun service en santé. En faisant venir de Cuba 30 000 médecins et en les envoyant jusque dans les villages les plus isolés du pays, il a permis à tous les Vénézuéliens d'obtenir un accès gratuit à la santé. Dans tous les secteurs d'activité, de celui de la construction à celui du textile, il a mis sur pied des coopératives qui ont permis aux plus pauvres d'aller sur le marché du travail pour sortir de la misère et augmenter leur niveau de vie. Bien sûr, les biens nantis n'ont pas été contents. Bien sûr, il avait son franc-parler et les États-Unis ne se sont pas gênés pour le démoniser. Mais il faut savoir faire la part des choses et reconnaître que sans lui, le pays serait encore à genoux alors qu'aujourd'hui, les Vénézuéliens peuvent se tenir debout et être fier des progrès accomplis. Le plus important, c'est qu'il a redonné espoir à tout un peuple qui en avait bien besoin.

Nicole Lavigne

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Plus pauvre que jamais

Le Venezuela n'a jamais été aussi pauvre, Caracas est une sinon la plus dangereuse des villes de l'Amérique Latine. Nous avons une monnaie qui ne vaut rien (dévaluations à répétition). Combien d'argent a été détourné et donné à d'autres pays alors que le Vénézuélien moyen n'avait pas de quoi se nourrir, ou encore il lui était impossible de trouver les aliments de base. Il a exproprié des agriculteurs et des grandes entreprises, laissant des familles dans le néant. PDVSA (Petroleos de Venezuela) n'est que l'ombre de ce qu'elle a un jour été...

Voilà une partie de «l'apport» de M. Chávez.

Karla Level

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Redistribution de la richesse

Ça dépend de quelle cause on parle. Si on pense à la cause des Vénézuéliens en général, nul doute qu'il a fait ce qu'aucun président avant lui n'a fait pour son peuple. Redistribuer les richesses du pétrole à toute la population: santé, éducation, salaire minimum, logement, et par dessus tout, l'espoir. Ses détracteurs minimisent et simplifient ses réalisations en affirmant que c'était facile de se servir de l'argent du pétrole et de la mettre à contribution pour le «social». Et alors, qu'est-ce qu'il aurait dû faire avec cet argent ? En mettre plein ses poches et la partager avec les riches, comme ses prédécesseurs ? C'est bien à ce retour des choses que la soi-disante opposition voudrait en arriver; en suivant le modèle dicté par ceux (États-UNis) qui la financent, responsables des coups d'État et des sabotages internes.

Michael Walsh, Boischatel

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Pauvreté éradiquée et gratuité scolaire

Hugo Chavez a nationalisé le pétrole, ce qui a permis de mettre en place les infrastructures manquantes. À son arrivée au pouvoir, 80% du peuple était sous le seuil de la pauvreté alors que l'élite se construisait des fortunes colossales avec l'argent du pétrole. Et 14 ans plus tard, la pauvreté se situe aux environs de 10%. Les deux tiers de la population n'avaient jamais consulté un médecin par manque d'argent, mais aujourd'hui, tous y ont accès. Les gouvernements précédents ont mis plusieurs décennies pour construire 5000 cliniques tandis qu'il en a bâti 13 000 en 13 ans. Les terres qui étaient la propriété des riches, mais qui ne servaient à rien, ont été distribuées aux paysans. Tandis qu'on importait 80% de la nourriture à son arrivée, ce n'est plus que 30% grâce à la distribution de ces terres. Les gens travaillaient et n'avaient pas droit à des vacances, alors que deux semaines de vacances par année leur ont permis de voir la mer pour la première fois. Chavez a instauré la gratuité scolaire pour tous, de la maternelle à l'université. Il y avait 1,5 millions d'analphabètes avant son élection à la présidence, et selon l'Unesco, l'analphabétisme a été éradiqué presque complètement. Il n'y a presque plus d'enfants des rues aujourd'hui. « Lorsqu'on veut tuer son chien, on l'accuse d'avoir la rage.»

Françoise Bernard, Saint-Georges

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Un bilan plutôt mitigé


Chavez? Un bilan pour le moins mitigé pour celui qui voulait que la Constitution l'autorise à gouverner à vie! Selon Human Rights Watch, Chavez avait un bilan peu reluisant en matière de droits de l'homme. Il a laissé un Venezuela bien divisé, avec un haut taux de criminalité et de chômage et  une piètre création et redistribution de la richesse. L'homme était un tribun, un populiste qui plaisait aux pauvres de son pays. Ce n'était pas un grand démocrate, c'est le moins qu'on puisse dire! Et je conclurai par ce : « Dis-moi qui tu fréquentes, je te dirai qui tu es ». Chavez fréquentait les pires dictateurs bien connus de ce monde! Il a sans doute fait quelques bonnes choses : en éducation et en santé, je crois? Mais le bilan positif demeure, somme toute, plutôt court.

Michel Lebel

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Tableau d'un héritage

Certes, M.Chavez a réussi à extirper de la pauvreté nombre de Vénézuéliens, notamment grâce au prix élevé du pétrole dont le pays a largement profité au cours de son règne. Il est toutefois farfelu d'imaginer que cette redistribution tient uniquement à son idéal socialiste; la logique électoraliste y est pour autant.  Bien que les romantiques voudront croire que la révolution a été source d'égalité, les réalistes nous pointeront vers le Brésil, où une croissance économique soutenable et diversifiée (et non pas uniquement axée sur l'exploitation du pétrole) a produit un résultat similaire. Comme quoi, des idées économiques libérales, comme la promotion de l'entrepreneuriat et de l'investissement prônés par Lula et Dilma Roussef ne sont pas incompatibles avec redistribution de la richesse ainsi créée.

Par ailleurs, la culture de népotisme que laisse M.Chavez complète le tableau d'un héritage bien mitigé.



Yannick Laniel

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LA CAUSE DES VÉNÉZUÉLIENS FUT NÉGLIGÉE

Le comandante n'a pas diversifié l'économie, le pétrole étant toujours l'unique source de richesse, les investissements ont diminué et  l'inflation a avancé considérablement.

La démocratie est disparue du territoire Vénézuélien. Vous vous-rappelez des attaques lancés contre les chaines d'opposition?

La perte d'un être humain est toujours triste, mais comme brésilien et latino américain je me sens plus tranquille ce matin. La démocratie au Venezuela aura une deuxième chance.

Guilherme Manhães - avocat à Rio de Janeiro

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CHAVEZ CRITIQUÉ

On reproche à Hugo Chavez d'avoir trop gouverné pour les pauvres. On lui reproche aussi d'avoir fait beaucoup pour plaire à sa base électorale, qui constituait pratiquement 50% de l'électorat. Bien sûr, jamais cela ne viendrait à l'esprit de nos politiciens, surtout qu'ils ne sont élus que par moins de 40% des votants et un pourcentage encore plus faible des électeurs.

Mais que penser de Chavez? Au total, je ne sais trop. Je n'ai jamais mis les pieds au Vénézuela et je n'en sais que ce que les médias ont rapporté.



Michel Bessette, Avocat à la retraite