Faire des prédictions est toujours difficile, surtout lorsqu'elles concernent l'avenir... La phrase est célèbre et son à-propos a été maintes fois vérifié par tous les futurologues de la planète. Que peut-on dire sur l'avenir, en effet, même en se fixant un modeste horizon de dix ans, qui ne sera pas un jour démenti par la réalité?

On se souvient des images d'Épinal des années 1950 et 1960, prévoyant pour l'an 2000 des hôtels de luxe sur la Lune. Des automobiles volantes circulant au-dessus des ponts, entre le quatre-cinq-zéro et le centre-ville. Des robots domestiques à forme humaine époussetant les meubles et servant l'apéro à des couples (épuisés par la semaine de 18 heures!) confortablement installés dans des fauteuils aux formes improbables...

Le XXIe siècle n'a pas répondu à ces attentes, évidemment.

Il n'en reste pas moins que l'habitude est prise: envisager le futur consiste d'abord à imaginer les innovations technologiques qui bouleverseront l'existence. Ce qui, de fait, se produit de plus en plus souvent et de plus en plus rapidement. Mais est-ce surtout la machine qui transforme la vie?

Oui et non.

Depuis la révolution industrielle, la technologie a construit la prospérité et les deux ont conjointement amené le confort: l'humble demeure du prolétaire contemporain aurait fait baver d'envie Louis XIV!

Cependant, tous les gadgets technologiques ne sont pas aussi anodins que le lave-vaisselle. La pilule ne fait pas que bloquer chimiquement la fécondation, elle a transformé la sexualité humaine et redéfini la femme. Le satellite ne se contente pas de faire voyager des ondes, il a rapetissé la Terre et mondialisé les esprits. L'ordinateur mémorise, échange, outille et divertit, bien sûr, mais il a surtout métamorphosé les rapports humains - pour le meilleur et pour le pire.

D'où la question fondamentale: qui sera-t-il, cet être humain, dans dix ans? Ici intervient le choix de chacun de se montrer optimiste ou pessimiste.

À l'oeil de ce dernier, tout ne fait que se dégrader depuis... l'Antiquité grecque! L'Homme détruit tout, y compris lui-même. S'il a accumulé des connaissances, elles ne lui servent qu'à faire le mal: jamais, peut-être, la science et la technologie n'ont été aussi dénigrées qu'elles le sont aujourd'hui. Et, en 2024, ce sera pire, évidemment. Nous serons encore plus égoïstes, avides, inconscients, ravageurs.

***

Notre petit coin de planète, maintenant.

Le Québécois pessimiste de gauche prévoit que nous aurons versé dans le fascisme après dix ans d'un gouvernement libéral qui aura envoyé les jeunes travailler dans les camps du Grand Nord - ce qu'avait promis, en 2012, Jean Charest! Cessé de soigner les malades, à moins qu'ils aient beaucoup, beaucoup de fric. Parqué les vieux dans des mouroirs infestés de rats et de cancrelats. Éradiqué la culture, sauf La Voix. Et instauré un État policier sous la poigne d'une indélogeable et pugnace ministre de la Sécurité publique!

Le pessimiste de droite, lui, croit plutôt que la nation deviendra communiste après l'élection, en 2018, d'un gouvernement solidaire. Tout sera gratuit, sauf pour les riches (revenu familial annuel de plus de 75 000$). L'automobile sera interdite - de toute façon, les ponts et viaducs se seront tous écroulés. La culture se limitera aux odes à Gaïa et au rap de Loco Locass. Enfin, une nouvelle et tout aussi pugnace ministre de la Sécurité publique, issue des masses laborieuses de Sainte-Marie-Saint-Jacques, aura instauré un État policier...

Existe-t-il aussi des Québécois optimistes, indifféremment de gauche ou de droite? Peut-être. Mais ils sont discrets. Et, apparemment, il n'y en aura plus dans dix ans.