La situation est ridicule. Chaque jour, soir et matin, un employé de l'AMT est obligé de déposer manuellement des centaines de cônes oranges sur le pont Champlain afin de créer un corridor ponctuel pour les autobus...

Les usagers du transport en commun ont beau être aussi nombreux à traverser le pont chaque matin que les automobilistes, on les accommode encore aujourd'hui avec une mesure «temporaire» imaginée il y a 30 ans. Tout cela parce qu'on n'avait pas prévu de transport collectif lors de la conception du pont.

Profitera-t-on, cette fois, de la construction d'une nouvelle infrastructure pour mettre fin à cette aberration, pour corriger les erreurs du passé, pour penser à la fois au transport individuel et collectif? Rien n'est moins sûr...

Lancés en 2011 par le gouvernement Harper, les travaux entourant le futur pont Champlain avancent certes d'un bon pas. Les plans se précisent, les échéanciers se clarifient. Mais un problème persiste: Ottawa planche sur un projet de voies automobiles auxquelles possiblement, éventuellement, il pourrait greffer un moyen de transport collectif. Si jamais Québec l'exige, si Québec en a les moyens, si Québec s'en occupe...

Le problème est à la fois politique et financier.

D'abord, curieusement, Ottawa ne s'occupe que des usagers qui emprunteront le pont en auto ou en camion. Soutenant que le transport en commun est une responsabilité provinciale, le ministre Denis Lebel n'a rien prévu à cet effet dans son projet. Il n'a même pas cru bon inviter Québec lors de son annonce...

Un an plus tard, aucune discussion officielle n'a encore eu lieu entre les gouvernements à ce sujet. Tout au plus, le ministre Lebel a-t-il envoyé une lettre à son homologue provincial pour lui demander de préciser ses intentions d'ici l'été. Comme s'il s'agissait d'une simple sculpture à ajouter à l'entrée du pont.

Ensuite, le ministre n'a pas prévu un sou de la facture globale de 5 milliardsde ce projet «100% fédéral» pour des autobus express ou un train léger. Il est prêt à imposer un péage dans la région, réduire ainsi l'accès à Montréal, mais pas question d'offrir une solution alternative aux automobilistes. Si Québec souhaite le faire, qu'il en assume les coûts...

On s'occupe ainsi de la moitié des usagers à Québec et de l'autre moitié à Ottawa, sans se parler, sans se coordonner, en espérant que le tout s'harmonisera un moment donné! Et on passe ainsi pouvoir construire une infrastructure de transport du XXIe siècle?

L'attitude d'Ottawa est intenable. Le choix du système de transport en commun qui reliera Montréal à la Rive-Sud peut bien se faire au Québec, mais le fédéral doit en faire une pièce à part entière du projet, dès maintenant. Il doit aussi se joindre au financement, comme il l'a fait pour le prolongement de la ligne de métro Toronto-York, le projet de train léger d'Ottawa, l'expansion du service de trains légers à Calgary, etc.

On peut bien rêver à un train léger sur le futur pont Champlain, mais si le fédéral refuser d'y donner argent et importance, il faudra se contenter de mesures temporaires pour quelques décennies encore...

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