Les marchés publics sont tellement populaires qu'il s'en crée de nouveaux chaque année. Montréal aurait dû en avoir un de plus le 12 août prochain, au parc Molson, dans Rosemont-La Petite-Patrie. Hélas, il n'y sera pas cet été. Des marchands des environs, craignant la concurrence, s'y sont opposés. C'est déplorable.

L'organisme sans but lucratif L'Autre Marché, qui gère déjà deux marchés fermiers, et le conseil d'administration de l'Association des commerçants et professionnels Beaubien Est en avaient discuté. Plusieurs marchands étaient très intéressés, et l'arrondissement soutenait l'initiative. Les élus avaient cependant exigé l'aval de l'Association. L'opposition de quelques membres, dont un supermarché et une boulangerie, a eu raison du projet.

Notre but n'est pas de jeter la pierre. On ne va pas reprocher au maire François Croteau, qui vante l'apport des commerces locaux à la vie de quartier, de s'assurer de leur appui. Et on peut comprendre que le conseil de cette petite association, dont les projets d'animation font habituellement consensus, n'ait pas voulu imposer un choix diviseur.

Le résultat n'en est pas moins consternant. Il n'est pas normal que la réaction d'une minorité de marchands lèse tout un quartier. D'autant que cette réaction semble pour le moins exagérée.

On parle ici d'un petit rassemblement d'agriculteurs et d'artisans qui se tiendrait quelques heures par semaine, le mercredi après-midi, durant deux mois seulement.

Et que font les consommateurs québécois dans un marché public ? Dans plus de 60 % des cas, des achats imprévus, montre une enquête réalisée pour l'Association des marchés publics du Québec. Près de 40 % d'entre eux en profitent aussi pour magasiner à proximité. Le cas, rapporté la semaine dernière par notre collègue Stéphanie Bérubé, d'un propriétaire de supermarchés qui héberge le marché local sur son terrain, est éloquent. Un marché fermier est avant tout une attraction qui détourne la clientèle des autres artères commerciales. S'il y en a un qui pourrait perdre des ventes, c'est plutôt le marché Jean-Talon, où plusieurs résidants de Rosemont font des emplettes. Mais à son échelle, la fuite serait minime.

Le réflexe défensif au projet du parc Molson n'a malheureusement rien d'exceptionnel. Les restaurateurs opposés à la cuisine de rue, par exemple, tenaient le même discours.

Il repose sur un calcul détestable voulant que les consommateurs d'un endroit donné appartiennent aux commerces établis - un peu comme des animaux marqués des initiales de leur propriétaire pour que personne ne s'avise de les voler. C'est bien mal connaître les consommateurs que de penser pouvoir les garder captifs. À la première occasion, ils vous prouveront le contraire.

Le promoteur du marché, l'arrondissement et l'association des marchands se disent toujours intéressés pour l'an prochain. Si les résidants manifestent leur intérêt et que l'association procède par un vote à la majorité, il n'y a pas de raison que ça ne se fasse pas.

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