À quoi donc servaient ces enveloppes que tendait Gilles Vaillancourt aux candidats députés à Laval?

Peut-être à ligoter les volontés politiques...

Vendredi, mon collègue Vincent Larouche racontait comment on a réussi à contourner sans trop de difficulté, et légalement, les normes environnementales pour construire tout un quartier chic de Sainte-Dorothée. Fâcheux hasard, plusieurs membres des familles mafieuses y ont acheté une maison.

En principe, selon les classifications du ministère de l'Environnement, rien n'aurait dû être construit à cet endroit. Un «milieu humide» important répertorié par le Ministère s'y trouvait. On y a construit tout un quartier quand même.

Pourquoi? Parce que les règles environnementales et le Ministère sont souvent en retard d'un développement.

Et, surtout, parce que la Ville de Laval n'avait absolument aucun souci de ces foutus «milieux humides» et aucun respect pour le ministère de l'Environnement.

De fait, les permis avaient déjà été obtenus par le Groupe Pétra de Giuseppe Borsellino. Quand le Ministère s'est réveillé pour protester, il n'y avait plus rien à faire. La loi a été changée depuis pour permettre au Ministère d'intervenir quand un milieu est découvert après qu'un permis a été délivré. Mais à l'époque, il n'y avait rien à faire.

Il n'y avait d'autant rien à faire que Laval était du côté du promoteur - MM. Borsellino et Vaillancourt étaient en bonne intelligence, de toute évidence.

Thomas Mulcair, ex-député à Laval et ex-ministre de l'Environnement, a affirmé avoir perdu la confiance du premier ministre quand il a commencé à protester contre les violations aux lois de l'environnement commises à Laval. «Charest m'a dit qu'il ne pouvait faire ça à Gilles Vaillancourt», a-t-il déclaré à L'actualité.

Le poids politique de l'ex-maire à vie de Laval pouvait jouer dans les dossiers délicats... Et ce n'est sans doute pas un complet hasard si aucun gouvernement n'avait d'enthousiasme pour envoyer la police enquêter sérieusement là-bas. Alors les amis des canards et des grenouilles, vous pensez bien...

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Le 18 avril, la Cour d'appel du Québec a donné le feu vert à un projet de condos en zone inondable en bordure de la rivière des Mille-Îles, dans le quartier Sainte-Rose, à Laval.

Il s'agit du projet Rosa Nova, conçu par la société 6 169 970 CANADA INC.

Le terrain, à 600 m de la rive, a été acquis en 2003. L'année suivante, le ministère de l'Environnement s'en remettait à la Ville de Laval, le terrain n'étant pas considéré en rive ou en littoral.

La société a obtenu toutes les autorisations de la Ville et un projet de 70 condos a vu le jour.

Mais voilà, en 2011, quand le projet prend forme, le Ministère a changé ses normes. Les nouvelles sont plus sévères et on refuse que la construction ait lieu dans cette zone inondable. Il faut maintenant un permis.

La société, qui avait obtenu le feu vert sept ans plus tôt, s'adresse aux tribunaux. Et après un jugement défavorable, elle obtient la permission de construire ce printemps en Cour d'appel.

Un autre exemple de ce que le ministère de l'Environnement est toujours en retard d'une décennie dans ses normes. On comprend qu'un promoteur doive s'appuyer sur un minimum de cohérence réglementaire et qu'après avoir investi des millions en remblai et en plans, il ne soit pas très joyeux de voir le Ministère rappliquer.

Mais si la protection du territoire et de l'environnement ne repose que sur des règlements, on n'en sortira jamais. Le vrai problème vient de ce que la mairie de Laval n'avait pas le moindre intérêt pour ces questions.

Ça n'a pas empêché le maire d'annoncer en 2009, année électorale, une «Politique de conservation et de mise en valeur des milieux naturels d'intérêt». L'écologie était même un des thèmes centraux de sa dernière campagne électorale!

Juridiquement, tout semble impeccable. Mais tandis que le feuilleton lavallois reprend ce matin à la commission Charbonneau, la question deviendra de plus en plus importante: à Québec, qui osait s'opposer politiquement à Gilles Vaillancourt?

Pour joindre notre chroniqueur : yves.boisvert@lapresse.ca