Selon le plus récent coup de sonde de CROP, les choses ne vont pas bien pour le Parti québécois et elles stagnent pour la CAQ, mais la principale victime de cette nouvelle enquête d'opinion publique, c'est cette rumeur d'élections automnales qui court depuis quelques jours à Québec.

En fait, «courir» est probablement un mauvais choix de verbe, ici, pour décrire la vigueur de ladite rumeur. «Ramper» serait certainement plus approprié: elle ne lève pas beaucoup et ne se répand qu'à l'intérieur du petit cercle politique.

Des discussions récentes avec des gens des trois principaux partis me laissent croire que ce scénario d'élection «éclair», dès la rentrée de septembre, n'est pas complètement farfelu. Il suscite suffisamment d'intérêt pour que les partis de l'opposition gardent un oeil attentif sur les prochains gestes du gouvernement Marois, mais pas assez pour donner l'ordre aux troupes de se préparer. On surveille l'écran, au cas où le voyant rouge passerait au jaune.

À Québec, aussi bien au gouvernement que chez les «amis d'en face», on estime, prudemment, qu'il est normal de toute façon, sous un régime minoritaire, de rester prêt en tout temps. Les libéraux en savent quelque chose, eux qui avaient repris leur majorité, à l'automne 2008, grâce à la décision audacieuse et opportuniste de Jean Charest de déclencher des élections, prenant de vitesse le PQ et l'ADQ.

En 2008, Jean Charest avait toutefois deux atouts qui manquent actuellement à Pauline Marois: des intentions de vote en hausse et un enjeu électoral simple et clair, soit celui de se préparer, avec «les deux mains sur le volant», à affronter la crise économique.

Le PQ de Mme Marois, on le voit dans le dernier CROP (mais aussi dans la tendance depuis son élection), n'a pas les chiffres, comme disent les stratèges politiques.

Quant à l'enjeu des prochaines élections, le Parti québécois voudrait, à l'évidence, que ce soit la défense des intérêts du Québec, y compris la défense de la langue, mais le fort taux d'insatisfaction des électeurs à l'endroit de ce gouvernement indique qu'ils ne partagent pas ses priorités et ne se satisfont pas de ses décisions.

Ajoutez à cela quelques nominations controversées, quelques reculs remarqués et des compressions qui touchent directement la clientèle du PQ (notamment dans les CPE et à l'aide sociale) et vous aurez, en partie, l'explication de la mauvaise passe que traverse le gouvernement Marois.

En gros, le PQ, dans son recentrage, s'en prend à sa clientèle traditionnelle sans toutefois gagner des points auprès des autres partis. Au contraire, le PQ perd des plumes.

Le sondage n'a pas mesuré les priorités des Québécois, mais j'ai l'impression que celles du PQ ne correspondent pas aux leurs. Il se dégage de ce gouvernement une forte impression d'amateurisme dans la gestion de l'État, et l'absence d'un plan économique concret, précis et simple à expliquer mine sa crédibilité. Bref, on ne sait pas où s'en va ce gouvernement et je ne suis vraiment pas sûr que le virage vers la «gouvernance souverainiste» ait été payant...

La délicate joute politique qui se joue en ce moment à l'Assemblée nationale autour de l'adoption du projet de loi 14 (révision de la loi 101) pourrait être déterminante pour la suite des choses. Les libéraux s'étant déjà opposés au principe du projet de loi, il reviendra à la CAQ de permettre, ou non, son adoption.

La CAQ, qui vit aussi une période difficile, joue gros avec le projet de loi 14. Le parti de François Legault ne peut se permettre de se mettre à dos une partie de l'électorat francophone plus nationaliste, mais il ne peut non plus donner l'impression qu'il est le valet du PQ.

Le fait est qu'il ne se passe rien pour la CAQ, malgré la sortie hautement médiatisée du «Projet Saint-Laurent», le mois dernier. Depuis sa création, en novembre 2011, la CAQ ne fait que descendre. Elle est devenue un parking pour 20% de Québécois insatisfaits, mais n'a pas su devenir une solution de rechange sérieuse au pouvoir.

À Québec, on parle de découragement et de doute dans les troupes de François Legault. Certains avancent même que des députés caquistes pourraient être tentés de quitter le navire aux prochaines élections.

Ironiquement, c'est le parti à qui on prédisait il y a quelques mois le plus sombre avenir qui trône en tête des intentions de vote.

Le PLQ profite de l'habituelle et prévisible poussée suivant l'élection d'un nouveau chef, mais son chef sait fort bien qu'il est bien trop tôt pour célébrer.

Les derniers chiffres lui donnent raison dans sa décision de retarder son entrée à l'Assemblée nationale et de limiter ses apparitions publiques.

Pas besoin d'en rajouter, pour le moment, le PQ semble être son propre pire ennemi.