La question a beaucoup agacé Marc Bergevin: le style du Canadien est-il trop défensif pour permettre à ses joueurs doués en attaque, notamment le jeune Alex Galchenyuk, de montrer toute l'étendue de son talent?

«Que fait-on de différent par rapport aux autres équipes qui est plus défensif? a-t-il rétorqué, irrité. Dans la Ligue nationale aujourd'hui, 80 ou 85 % des équipes jouent quasiment de la même façon. Ce n'est pas qu'on a un système défensif. C'est juste que nos joueurs, durant la saison, n'ont pas été aussi opportunistes qu'ils auraient pu l'être. Et que notre jeu de puissance n'a pas performé comme il aurait dû.»

Le DG du Canadien a vivement répondu à mes questions, jeudi, lors de son point de presse suivant l'importante journée du 1er juillet dans la LNH. Ce sujet fait vibrer une corde sensible, comme son ton l'a démontré.

Pourquoi? Parce que Bergevin, par ailleurs conscient des ennuis offensifs de son équipe, en a marre d'entendre dire que le Canadien est enfermé dans un style défensif à outrance. Selon lui, il s'agit d'une «perception» qui ne résiste pas à un examen approfondi.

Peut-être que Bergevin a raison et que le style du Canadien ne diffère guère de celui des autres formations. Il n'empêche que de toutes les équipes de la LNH qui ont participé aux dernières séries éliminatoires, le CH est, avec les Penguins de Pittsburgh, l'une des deux qui ont marqué le moins de buts en saison régulière.

Et le Lightning de Tampa Bay, une formation qui a séduit bon nombre d'amateurs de hockey cette saison, en a inscrit 41 de plus que le Canadien.

«C'est juste qu'ils ont plus de punch à l'attaque», a soutenu Bergevin, rejetant l'idée que le style de jeu puisse expliquer cet écart.

Oui, le Lightning a plus de talent offensif. Mais on ne peut nier que le message bombardé par la direction du Canadien est toujours axé sur le jeu défensif. Bergevin disait lui-même avant le début des séries que «la défense gagnait les championnats». Et Michel Therrien répète souvent combien ses joueurs doivent d'abord «être responsables défensivement».

Cela est très bien. Personne ne remet en cause ces principes. Mais pour espérer progresser la saison prochaine, le Canadien devra aussi être plus menaçant autour du filet adverse. Sinon, comme l'a noté P.K. Subban après l'élimination des siens, la pression sur Carey Price devient excessive. Si le gardien n'accomplit pas des miracles à chaque match, l'équipe se retrouve dans le pétrin.

Bergevin aurait-il dû profiter du marché des joueurs autonomes pour renforcer l'attaque du Canadien? Après le volet officiel du point de presse de jeudi, nous avons poursuivi la conversation dans les bureaux de l'équipe.

J'ai alors clairement compris qu'il n'avait jamais été question pour lui de prendre un risque démesuré en embauchant à fort prix un nouveau joueur. D'où la mince récolte de l'équipe mercredi.

«Tellement d'erreurs se commettent à cette date, a-t-il dit. Et si tu en commets une, elle te marque pour longtemps. Il faut vraiment faire attention.»

Accorder un contrat trop généreux le 1er juillet peut hanter longtemps une organisation, et cela, Bergevin le sait trop bien. Voilà pourquoi la gestion de la masse salariale est au coeur de ses priorités.

L'automne dernier, un de ses meilleurs coups a d'ailleurs été de troquer des contrats à plus long terme (Travis Moen et Rene Bourque) pour d'autres qui ont pris fin ce printemps (Sergei Gonchar et Bryan Allen). L'espace ainsi libéré sous le plafond l'a aidé à conclure une entente de longue durée avec le défenseur Jeff Petry.

Cette prudence légitime ne règle cependant pas le dossier de l'attaque. Et ce n'est pas l'acquisition de Zack Kassian, un joueur souvent ralenti par un malaise au dos, qui réglera la question. Il marquera sans doute plus de buts que Brandon Prust (à peine 4 en 2014-2015), mais il serait étonnant que sa contribution soit déterminante.

Alors, comment régler ce problème? À moins d'un échange inattendu, la solution devra venir de l'interne. Des pistes? Il en existe trois.

D'abord, le potentiel d'Alex Galchenyuk demeure immense. Peut-il devenir cet attaquant, centre ou ailier, capable de s'illustrer sur une base régulière?

Ensuite, un peu à l'image du Lightning de Tampa Bay, le Canadien pourrait profiter de la créativité de jeunes joueurs prometteurs. On pense notamment à Nikita Scherbak, l'un des plus beaux espoirs de l'organisation. En revanche, le jeune homme ne sera peut-être pas prêt pour la LNH dès la prochaine saison.

Enfin, et c'est le plus important, l'attaque massive devra être beaucoup plus efficace. Attendons-nous à du mouvement à ce sujet, car Bergevin reconnaît que des ajustements doivent être apportés. Il rappelle qu'espérer une meilleure performance en conservant le statu quo est illusoire.

«Michel [Therrien] et moi examinons la situation, explique-t-il. Le jeu de puissance doit t'apporter du momentum. C'est aussi important que de marquer un but. Si tu ne provoques pas d'occasions en avantage numérique, tu brises ton élan et tu en donnes un à ton adversaire. C'est sûr qu'on veut marquer en avantage numérique, mais il faut surtout qu'on se donne plus de momentum.»

Les défis seront nombreux pour le Canadien la saison prochaine. Devenir subitement une équipe plus opportuniste en attaque ne sera pas facile.

Le repêchage et les joueurs québécois

Marc Bergevin assure que la philosophie du Canadien au repêchage n'a pas changé: à perspectives d'avenir égales, l'équipe choisira un joueur québécois.

Conclusion: l'organisation estime que son premier choix de cette année, Noah Juulsen, a de meilleures chances de se développer qu'Anthony Beauvillier (28e choix, Islanders de New York) et Jérémy Roy (31e choix, Sharks de San Jose).

«On essaie de projeter le parcours du joueur, d'évaluer son potentiel à la hausse, explique Marc Bergevin. Si la projection est la même, on prendra un Québécois, c'est sûr.»

Le DG du Canadien reconnaît qu'il s'agit d'une science inexacte dont les réponses ne viennent que quelques années après le repêchage.