Pendant des années, le baseball majeur a fermé les yeux sur le dopage.

Les exploits de puissants frappeurs comme Barry Bonds, Mark McGwire et Rafael Palmeiro faisaient courir les foules. Personne ne voulait stopper la fête, surtout après le conflit de travail de 1994. Le public devait être reconquis, et ce festival offensif tombait à point.

La suite n'a pas été jolie. Lorsque l'ampleur du scandale des stéroïdes a été connue, notamment grâce au rapport de l'ancien sénateur du Maine George Mitchell en 2007, le baseball s'est retrouvé avec un immense oeil au beurre noir.

Aujourd'hui, les vedettes de «l'ère des stéroïdes» ont un astérisque juxtaposé à leur nom. Malgré leurs statistiques ronflantes, Bonds, McGwire et Palmeiro n'ont pas été élus au Temple de la renommée en janvier dernier.

Cette fois-ci, alors qu'un nouveau scandale frappe, le baseball majeur est plus agressif. Selon ESPN, une vingtaine de joueurs pourraient être suspendus pour dopage, malgré l'absence de test positif.

Les répercussions de l'affaire Biogenesis s'annoncent considérables.

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L'histoire trouve son origine dans une clinique de Miami, Biogenesis of America, qui propose des traitements contre le vieillissement. Son fondateur, Anthony Bosch, menait cependant une carrière parallèle, selon de nombreuses informations: il conseillait plusieurs joueurs de baseball en matière de dopage.

Après avoir nié ces allégations, voilà que Bosch, menacé d'une poursuite du baseball majeur et inquiet des répercussions criminelles de ses gestes, accepte de collaborer à l'enquête. Ce rebondissement, dévoilé mardi soir par ESPN, a frappé comme un coup de tonnerre.

Selon le New York Times, Biogenesis est sous la loupe du baseball majeur depuis 2009, lorsque Manny Ramirez a reçu une suspension de 50 matchs pour dopage. Anthony Bosch et son père l'auraient aidé à se procurer les substances interdites.

La saison dernière, d'autres joueurs ont reçu une suspension de 50 matchs après un contrôle positif. Parmi eux, Melky Cabrera, aujourd'hui avec les Blue Jays de Toronto, qui entretenait aussi des liens avec la clinique. De nouveaux signaux d'alarme se sont alors allumés.

En janvier dernier, l'hebdomadaire Miami New Times a obtenu des documents détaillant les services rendus par Biogenesis à plusieurs joueurs. Parmi eux, deux noms célèbres: Alex Rodriguez, des Yankees de New York, et Ryan Braun, des Brewers de Milwaukee.

Âgé de 37 ans, Rodriguez n'est plus le joueur de jadis. Blessé, il n'a participé à aucun match cette saison. Mais les Yankees devront lui verser 114 millions jusqu'en 2017, dernière saison de son contrat.

Rodriguez a reconnu son utilisation de stéroïdes de 2001 à 2003, mais jure être sans tache depuis cette époque. Cette affirmation ne convainc pas tous les observateurs.

Quant à Braun, une jeune vedette des majeures, il a évité une suspension à la suite d'un test positif en 2011. Une maladresse dans le traitement de son échantillon d'urine lui a valu l'absolution.

Le cas de Braun, qui nie toute implication dans l'affaire, est particulièrement dommageable pour le baseball majeur. Bourré de talent, il a signé un contrat à long terme dans le modeste marché de Milwaukee, plutôt qu'attendre son autonomie pour filer vers New York ou Los Angeles. Sa décision a séduit les partisans.

Le baseball majeur interrogera les joueurs visés par les confidences d'Anthony Bosch. Le processus prendra un certain temps, mais des suspensions de 50 et 100 matchs pourraient être décernées.

De quoi ébranler le baseball, qui croyait avoir retrouvé sa réputation en ce domaine.

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L'évolution des méthodes de dopage fournit aux tricheurs une longueur d'avance. Les plus cyniques soutiennent que le combat pour un sport propre est perdu d'avance.

Ont-ils raison? Pas entièrement. Au cours des derniers mois, des rebondissements ont rappelé aux athlètes ayant contourné les règles que la vérité finit souvent par éclater.

Le cas Lance Armstrong le démontre éloquemment. Qui aurait pensé que ses anciens coéquipiers, dont il a été le chef incontesté, finiraient par délier leur langue?

Qui aurait cru qu'Arm-strong lui-même, après avoir nié avec une arrogance absolue les accusations proférées à son endroit, reconnaîtrait les faits? Qui aurait imaginé sa descente aux enfers, rapide et brutale? Même son entrevue avec Oprah Winfrey ne lui a pas valu la rédemption.

Le feuilleton Armstrong, en raison de son ampleur médiatique, a occulté un autre développement. En décembre dernier, quatre médaillés des Jeux d'Athènes ont été rattrapés par leurs tricheries.

Leurs échantillons d'urine, conservés dans un laboratoire suisse depuis 2004, ont été réexaminés à l'aide d'une nouvelle technologie. Des substances interdites ont été détectées. Résultat, huit ans après être montés sur le podium, ces athlètes ont perdu leur médaille olympique.

Les tricheurs ayant contourné les tests durant les Jeux demeurent donc à la merci de procédés de détection inconnus lors de leur compétition. Ce n'est pas banal.

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La lutte au dopage est un combat sans fin. Les échecs seront sans doute plus nombreux que les victoires. Ainsi, les tests pour déceler l'utilisation d'hormones de croissance dans la NFL ne sont toujours pas implantés.

Mais les athlètes croyant évoluer dans un contexte d'impunité ont parfois droit, comme Lance Armstrong, à de durs réveils. Cela risque d'être le cas de plusieurs joueurs de baseball au cours des prochaines semaines.