Parlons de partition, ce matin.
Le mot, d'abord : Division d'un territoire en plusieurs régions dotées de régimes politiques différents, nous apprend le Larousse.
Le concept, dans le contexte québécois, ensuite : en 1995, le Québec est venu à ça (laissez cinq millimètres entre votre pouce et votre index) de gagner le second référendum sur la souveraineté. Un tas de fédéralistes québécois, principalement mais pas seulement des Anglos, ont pris peur, voyez-vous. Craignant un troisième référendum, ils se sont mis à dire que si le Canada est divisible, le Québec l'est aussi, d'abord...
Des municipalités - principalement anglophones - se sont mises à adopter des résolutions stipulant leur intention de rester dans le Canada, en cas de victoire du OUI. Un monsieur du nom de Howard Galganov, excité de première, se promenait déjà avec sa chainsaw...
Les fédéralistes d'Ottawa, le ministre des Affaires intergouvernementales Stéphane Dion en tête, étaient bien heureux de subodorer que les partitionnistes avaient raison de dire que le Québec était morcelable.
Citant le droit international, les chefs souverainistes ont, eux, toujours dit la même chose : un État qui accède à sa souveraineté garderait ses frontières.
Pas de « si », pas de « mais ». Le Québec est indivisible. Point.
Lucien Bouchard, alors premier ministre, fin janvier 1997 :
« M. Dion est un boutefeu. Alors je le laisse à ses activités de boutefeu. Je ne réponds pas aux déclarations de M. Dion. Il n'existe pas pour moi. Depuis le début, cet homme a tenté d'attiser la division. Il a lancé le débat sur la partition du Québec qui soulève des émotions très dangereuses. Ce n'est pas le genre de débat dans lequel je veux me voir engagé, parler de la partition et du refus de la démocratie québécoise. »
Bernard Landry, vice-premier ministre, en août 1997 : « Notre projet, lui, est politique, à l'opposé de cet odieux projet rétrograde qui voudrait faire passer dans notre Québec, ce qui n'arrivera jamais, des lignes par l'ethnie. Et voilà l'odieux du projet de partition : faire passer la frontière autour d'un groupe humain que l'on veut singulariser en l'excluant. [...] Il faut dire qu'on ne fera pas de spécial pour le Québec en droit international et qu'il sera traité comme ont été traitées la Slovénie, les Républiques tchèque et slovaque. »
En plus de propulser brièvement le mot « boutefeu » - Personne qui suscite ou exacerbe les querelles, selon le Larousse - au sommet de l'agenda politique canadien, le débat sur la partition s'est imposé comme un immense point de ralliement des ténors souverainistes : là-dessus, c'est NON...
Tout le monde sait cela.
Je veux dire, tout le monde qui suit minimalement l'actualité politique depuis 20 ans sait cela.
Mais on dirait que cela a échappé à Pierre Karl Péladeau, le nouveau chef du Parti québécois. Quand il a répondu ce week-end à une question sur la partition d'un Québec indépendant à la faveur de revendications territoriales autochtones, M. Péladeau a donné une réponse qui a rompu avec les positions traditionnelles des chefs souverainistes : « C'est un vaste chantier, a-t-il dit lors du Conseil national du PQ, je ne peux pas répondre à cette question. »
Lucien Bouchard aurait dit NON.
Bernard Landry aurait dit NON.
Gilles Duceppe aurait dit NON.
Tout de suite, la porte aurait été fermée. Pas quelques heures plus tard, dans un communiqué de presse, après la tempête. Ils l'auraient fermée immédiatement, la porte de la partition.
Ce n'est pas la première fois que M. Péladeau dit quelque chose qu'il doit corriger quelques heures ou quelques jours plus tard. Ce fut le cas sur l'immigration qui ferait perdre une circonscription par année (il s'est dédit, après) au PQ. Ce fut le cas sur l'élection de 2018, référendaire selon M. Péladeau (il s'est dédit, après). Et j'en passe.
On dirait quelqu'un qui n'a pas réfléchi suffisamment aux enjeux depuis suffisamment longtemps. Forcément, des fois, il dit des niaiseries.
Et je sais ce que vont me dire les militrolls péquistes, pour qui M. Péladeau marche sur l'eau : que je fais le jeu des libéraux qui ont peur de M. Péladeau...
Justement, non. La plus grande peur des libéraux, ces jours-ci, c'est que M. Péladeau ne se rende pas à l'élection de 2018.
***
C'EST DU TROUBLE EN TA...
À matin
j'écoutais des lignes ouvertes
sur l'idée d'accueillir ou non
des réfugiés syriens(qu'esse tu veux
il y a juste de l'ostie de Grand Corps Malade qui joue à espace musique
on finit par changer de poste)pis là
y a un monsieur qui tenait donc à nous dire
que les torrieux d'arabes sont dangereux
pis « qu'y faut se watcher en cas qu'y aille des terrorisses pis des djihadisses
dans le tas »Monsieur
les réfugiés fuient la grosse terreur sale
viols
meurtres
une vraie misère du crisseLes réfugiés marchent des centaines de kilomètres
pis c'est pas dans des conditions comme au marathon de Montréal pantoute
y a pas de bénévole pour leur pitcher des gourdes
leur essuyer le front avec des serviettes trempes
pis les ramener après à Ste-Julie en Jeep CherokeeIls essaient de traverser la mer sur des bateaux gonflables
que nous on crisse dans nos piscines
ils sont brutalisés
se noient
leurs enfants sont tuésTsé monsieur
être réfugié
c'est du trouble en tabarnac
parce qu'en plus de pas pouvoir sortir ses Air Miles
y faut rentrer sa maison dans un petit sac à dos
quand t'as déjà un kid dans chaque braspis toi monsieur
t'as peur d'eux ?
me semble que s'ils étaient si bien que ça là-bas
s'ils tenaient tant que ça à ce que leurs femmes pis leurs filles
aient des chances de devenir esclaves sexuelles
ils resteraient là
ils ne se donneraient pas le mal de venir espérer avoir ça icitteMoi là
monsieur
j'y crois que ces gens cherchent à vivre en paix
pis qu'ils ne se donnent pas autant de trouble
juste pour venir câlisser une bombe
dans un centre d'achat de Brossard
C'est le comédien-dramaturge-chroniqueur Fabien Cloutier qui a écrit ça, sur le site Poème Sale.
Rien à ajouter.