Le projet de loi sur la neutralité que le gouvernement Couillard vient de déposer est tout à fait acceptable, du moins pour ceux qui refusent de suivre les intégristes de la laïcité.

On jette aux orties la détestable philosophie du projet péquiste sur les « valeurs » et les symboles religieux, pour se contenter d'une règle simple : les employés du secteur public devront travailler à visage découvert. C'est simple en effet, clair et logique. Dommage que les libéraux, encore une fois, soient incapables de défendre leur projet sans tomber bêtement dans les chausse-trappes tendues par les médias et l'opposition.

La ministre Vallée n'a même pas été capable de répondre à des questions sur le tchador ! Ce survêtement iranien laisse le visage découvert, cela suffit pour qu'il ne soit pas interdit, point à la ligne. C'est tout ce qu'elle devait répondre, mais déstabilisée, elle s'est mise à épiloguer sur la signification du tchador, au mépris du fait qu'un gouvernement démocratique n'a pas à imputer des motivations aux citoyens qui choisissent d'afficher leur sentiment religieux.

Mais quoi de neuf ? La plupart des libéraux (y compris leur chef) ont toujours l'air incapables d'aborder cette question sans embarras. L'an dernier, M. Couillard a patiné malhabilement sur le sujet, et dans un rapport au nom du PLQ, le député Gilles Ouimet a assimilé le tchador à la burqa parce qu'il s'était enferré après s'être laissé piéger par la question d'une reporter. Cette erreur idiote démolissait du coup l'approche privilégiée par le parti (soit la règle facile à comprendre du visage découvert). Le gouvernement a bien fait, cette fois, d'éliminer le tchador du tableau.

Il reste que le grand défaut de ce gouvernement est de compter trop de ministres qui n'ont pas les idées claires et qui, par conséquent, sont incapables de s'expliquer.

(Voir Boileau : ce qui se conçoit bien s'énonce clairement et les mots pour le dire arrivent aisément...).

Le projet de loi compte toutefois un accroc de taille à la démocratie (et à la bienveillance élémentaire) : il étend à la clientèle le devoir de réserve imposé aux employés du secteur public en stipulant que les services devront être « reçus » à visage découvert. Ainsi, un hôpital refuserait de traiter une femme se présentant en niqab ? C'est inacceptable. Ces femmes ont le droit de recevoir des soins de santé tout autant que les autres marginaux de tout acabit qui encombrent les urgences. Cette disposition sera sans doute renversée par les tribunaux, mais il ne faudrait pas attendre jusque là pour corriger l'erreur.

L'autre accroc, c'est de refuser de déplacer le crucifix qui surplombe le Salon bleu, comme si la religion devait inspirer les députés. Cet objet « patrimonial », si c'en est un, devrait être installé dans une autre section du parlement.

Certes, le gouvernement aurait pu suivre la voie de la « laïcité ouverte » tracée par Bouchard-Taylor. Mais si cette omission peut offenser la pure logique, cela n'aurait pas tempéré les ardeurs de l'opposition péquiste et caquiste, qui réclame toujours l'interdiction des symboles religieux dans le secteur de l'enseignement - une position irrecevable dans une démocratie fondée sur les libertés individuelles. Et en définitive, cela n'a guère d'importance puisque le problème ne se pose pas dans la pratique quotidienne des juges et des policiers, qui s'abstiennent d'afficher leurs convictions.

Les seules déviations, à ce chapitre, n'ont rien à voir avec la religion ; elles viennent des policiers du SPVM qui, en s'habillant en voyous - et ce, même lors de la commémoration du massacre de Poly et aux obsèques de Parizeau ! -, font le déshonneur de leur profession. Vivement une loi sur la question !

***

Sur ce, chers lecteurs et lectrices, je vous quitte jusqu'au début de septembre, en vous souhaitant un bel et bon été.