La peur d'une attaque surprise. Les tensions provoquées par les inégalités raciales ou sexuelles. La défense des droits protégés par le Premier Amendement. Sans surprise, revoici les années 1950, du moins sur les écrans de cinéma.

Des films rappelant la chasse aux communistes et le maccarthysme, comme Trumbo, ou des injustices vécues par un couple de lesbiennes, comme Carol, nous replongent dans la paranoïa de la Guerre froide, l'asphyxie sociale de la décennie Eisenhower, les banlieues et la menace nucléaire. En s'inspirant des années 1950, les réalisateurs et les scénaristes ont créé des histoires qui peuvent éclairer les politiques d'aujourd'hui.

Le pont des espions de Steven Spielberg a parti le bal. Le film raconte l'histoire d'un avocat joué par - qui d'autre? - Tom Hanks, qui accepte de défendre un espion russe. Il devra se battre contre le zèle patriotique de ses compatriotes. La deuxième moitié du film porte sur les négociations entreprises par l'avocat pour rapatrier un pilote américain abattu au-dessus de l'U.R.S.S. Le scénario - qui fait écho aux détenus de Guanatanamo Bay - rappelle l'importance de traiter ses prisonniers de guerre comme on aimerait qu'un pays ennemi traite les siens.

«Il y a tant de ressemblances entre la fin des années 1950 et aujourd'hui, soutient le réalisateur. J'ai vécu la Guerre froide. Je savais qu'en marchant dans la rue, il y avait une chance d'être atomisé. J'étais conscient que nous vivions une époque d'insécurité.»

Trumbo, réalisé par Jay Roach, ressuscite le chapitre le plus noir de l'histoire d'Hollywood. Il s'agit d'une biographie du scénariste Dalton Trumbo, qui, à l'instar de collègues et de réalisateurs, a fait partie de la liste noire des studios pour avoir refusé de répondre aux questions de la commission du Congrès sur les activités antiaméricaines. Soupçonnés de défendre une idéologie «anti-américaine», plusieurs centaines d'autres artistes n'ont pu trouver du travail.

«Il y a des époques où la peur domine tout, comme les 14 dernières années», affirme Bryan Cranston, qui interprète le rôle-titre. L'acteur n'hésite pas à tracer un parallèle entre cette époque et les peurs suscitées par les attentats du 11 septembre.

Les années 1950 étaient certes plus fébriles qu'aujourd'hui, mais les propos de certains politiciens sur les réfugiés syriens et les droits des musulmans aux États-Unis semblent vouloir nous y ramener.

«La peur, l'indignation et la victimisation sont très communes dans notre environnement politique, dit Roach. J'ai vraiment l'impression d'avoir autant tourné un film sur notre époque que sur les années 1950.»

Les appels au boycott de certains des plus gros noms d'Hollywood refont les manchettes. Des associations de policiers ont annoncé qu'elles boycotteront le prochain film de Quentin Tarantino The Hateful Eight après que le réalisateur eut dénoncé la brutalité policière. Tarantino s'est défendu en citant le Premier Amendement de la Constitution américaine.

«(La chasse aux sorcières) continue, souligne la fille de Dalton Trumbo, Nikola. Des jeunes Afro-Américains se font tuer par des policiers. L'idée de construire une muraille pour empêcher nos voisins latinos d'entrer au pays est épouvantable et scandaleuse. Sans oublier Edward Snowden.»

Il y a aussi Carol de Todd Haynes. Le scénario, adapté d'un roman de Patricia Highsmith qui avait publié sous un pseudonyme, raconte l'histoire de deux femmes qui tombent amoureuses une de l'autre. Le mari de l'une d'entre elles tentera pour cette raison obtenir la garde de ses enfants.

«Nous sous-estimons, à nos propres risques, comment les années 1950 ont préparé la décennie suivante, dit Haynes. On se posait alors beaucoup de questions. On s'exprimait sur nos peurs et sur le conformisme.»

Le long métrage Brooklyn, de Colm Toibin, explore les mêmes chemins. Il raconte les déboires d'une immigrante irlandaise qui peine à se frayer un chemin dans la société en raison des restrictions auxquelles devaient se soumettre les femmes.

Que tous ces films sortent dans l'intervalle de quelques semaines peut être une simple coïncidence. Mais il semble que peu de décennies n'offrent le même contraste entre les conventions et l'anticonformisme que les années 1950.