Écologiste, producteur, philanthrope, Robert Redford a joué tous les rôles, à l'écran comme dans la vie. Pour son métier d'acteur, il n'a perdu ni la flamme, ni la fougue, ni la curiosité. Dans A Walk in the Woods, Redford se met dans la peau de l'auteur Bill Bryson et s'engage aux côtés de Nick Nolte dans une randonnée sur l'Appalachian Trail. Rencontre avec un jeune premier de 79 ans.

Une longue randonnée en sac à dos, avec tout ce qu'il faut pour survivre en forêt. Spontanément, on pense à Wild, adaptation du récit de Cheryl Strayed par Jean-Marc Vallée. Le thème du retour à la nature est dans l'air, semble-t-il. Dans A Walk in the Woods, ce départ dans les bois en quête de soi-même est celui de deux vieux copains qui rechaussent leurs bottes de marche. Il y a d'abord Bill Bryson (Robert Redford), prolifique auteur, grand-père choyé par la vie, bien marié avec sa tendre et chère Catherine (Emma Thompson).

Pour des motifs irrationnels, ou bien tout bonnement parce qu'il a atteint l'âge où fusent les invitations aux funérailles, Bill sent l'appel de la forêt, celle qui enveloppe les quelque 3200 km de l'Appalachian Trail. Préférant être mal accompagné plutôt que seul, Bill invite Katz, vieil ami paumé, ex-alcoolique et sans-le-sou (Nick Nolte), dans son ambitieux trek.

«La nature est un personnage à part entière du film. Notre souhait était aussi d'évoquer l'amitié, dans tout ce qu'elle nous fait perdre et gagner. En réunissant de telles idées, nous pensions que ça ferait un bon film», exprime Robert Redford, en ajoutant que le projet d'adapter le récit de Bill Bryson est né en 2004.

L'idée d'un long métrage sur une traversée initiatique plaisait beaucoup à Robert Redford. Dans ce même esprit, il se dit interpellé par cette idée d'écouter l'appel de la route, juste parce qu'on ressent l'impulsion de le faire, sans avoir à expliquer rationnellement. Conservant la forme, malgré les années qui passent, le défi physique d'un tel tournage plaisait bien à celui qui a fait pâmer des générations de femmes, avec ses passages inoubliables dans The Way We Were, The Horse Whisperer, Butch Cassidy and the Sundance Kid...

Même si, toute sa vie durant, Robert Redford s'est entraîné en nageant ou en faisant de la randonnée, le tournage a mis son cardio à rude épreuve. «Évidemment, nous n'avons pas parcouru les 3200 km de l'Appalachian Trail. Nous y serions toujours! Nous tournions par exemple une scène où il fallait escalader 100 pieds, le directeur criait «coupez», puis nous devions redescendre et recommencer.»

La forêt mal aimée

En plus d'être d'actifs randonneurs, Bill Bryson et Robert Redford ont en commun leur engagement envers la cause écologiste. Pendant cet entretien avec l'énergique septuagénaire, dans une salle climatisée d'un hôtel de Los Angeles, une canicule s'acharne sur la Californie et les fermiers souffrent de la sécheresse. «Notre environnement se détériore continuellement», lâche Redford qui, en 2012, a produit un documentaire sur la menace qui plane sur les réserves d'eau potable (Watershed: Exploring a New Water Ethic for the New West).

Redford ne cache pas son exaspération d'entendre les inlassables discours des négationnistes des changements climatiques. «Il ne faut pas s'attendre à ce que des gars comme Jeb Bush parlent de changements climatiques. Quant à Hillary Clinton, je pense qu'elle va se tenir au centre et s'assurer de ne pas déplaire. Je ne crois pas qu'elle va aller aussi loin que Bernie Sanders, par exemple.»

N'a-t-il jamais songé à se lancer lui-même en politique? «Jamais!», s'exclame Redford, convaincu qu'il s'agirait là d'une idée désastreuse. «Je suis beaucoup trop critique de la politique et je n'aime pas être réduit à une seule chose.»

Indifférent à la machine hollywoodienne, Robert Redford semble habité par une nouvelle énergie, depuis quelques années, avec des rôles dans Captain America, All Is Lost... «Il est vrai que, vers le milieu des années 80, il y a eu une pause dans ma carrière, parce que j'étais occupé à faire croître Sundance», concède l'acteur. Ce qui le motive à se lever le matin et mener de front tous ses projets créatifs? «Repousser les frontières, faire quelque chose de nouveau, recommencer à neuf.»

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A Walk in the Woods (Promenons-nous dans les bois en version française). Sortie en salles le 2 septembre.

Les frais de voyage ont été payés par Les Films Séville.

Bill Bryson l'aventurier

«J'aime l'habileté qu'a Bill Bryson de trouver de l'humour dans chaque situation. Il réussit à nous faire rire avec une description de la vie des plantes en Virginie!», dit le réalisateur Ken Kwapis. Auteur fétiche de nombreux baroudeurs, Bill Bryson a donné dans les récits de voyage humoristiques et a écrit sur la science, la langue et la nature.

«Robert Redford et Bill Bryson ont beaucoup de choses en commun. Tous les deux sont d'ardents défenseurs de l'écologie et nourrissent une curiosité insatiable pour le monde qui les entoure, en plus d'être de fervents lecteurs. À l'instar de Bryson, Bob a un sens de l'humour très sardonique, une qualité très méconnue du grand public!», indique le réalisateur, dont la fibre écologique a été renforcée, après la lecture d'A Walk in the Woods.

«Bill Bryson nous invite à vouloir mieux comprendre notre environnement. J'habite ici, à Los Angeles, et bien franchement, j'ai honte de ne pas être capable d'identifier un seul arbre dans mon jardin. J'espère que le film va encourager les gens à ouvrir leurs yeux et redécouvrir l'abondance de leur univers naturel.»

Robert Redford, quant à lui, a été impressionné par la capacité d'émerveillement de Bill Bryson. «Il y a une scène dans le film où j'explique au personnage de Nick quelque chose sur la géologie, sur les roches. Et il répond: «Qu'est-ce qu'on s'en fout!». Mais le personnage de Bill répond: «Pas moi. J'aime être curieux. J'aime comprendre comment les choses fonctionnent»!»

PHOTO FOURNIE PAR BROAD GREEN PICTURES/SÉVILLE

Ken Kwapis: sur la route, à pieds

«Le récit de Katz et Bryson nous rappelle qu'au prochain tournant, il y a une autre aventure qui nous attend!», songe Ken Kwapis, qui aimait l'idée de filmer les péripéties de deux vieux amis à l'automne de leur vie.

La route a été longue avant que se concrétise le projet d'adaptation d'A Walk in the Woods, récit qui a été publié en 1998. «Je suis tombé sous le charme du scénario», dit Ken Kwapis, qui a eu recours aux services de chameaux (des vrais, qu'il nous montre en photos sur son cellulaire) pour transporter l'équipement de tournage.

Si Bill Bryson n'a pas été impliqué dans le tournage, il a néanmoins donné carte blanche à Kwapis, surtout connu pour avoir réalisé He's Just Not That Into You. «Bryson a vu le film lors d'une projection avec le grand public. Quand les projecteurs se sont allumés, il m'a dit qu'il était très heureux, quoiqu'un peu déconcerté!»

La réconciliation amicale entre Katz et Bryson est un thème qu'a particulièrement apprécié Ken Kwapis. «Katz est une tête brûlée et un ex-alcoolique, alors que Bryson est quelqu'un qui a beaucoup de succès, et les deux ont mutuellement des choses à s'apprendre.»

PHOTO FOURNIE PAR BROAD GREEN PICTURES/SÉVILLE

Ken Kwapis