Au coeur d'une histoire d'amour toxique vécue à l'ombre d'une centrale nucléaire, le personnage qu'il incarne dans Grand Central permet à Tahar Rahim d'offrir une autre facette de sa personnalité d'acteur.

Cela peut paraître un peu étrange, mais Tahar Rahim doit sa présence dans Grand Central à un réalisateur... chinois. C'est en effet en le voyant dans Love and Bruises, un film tourné en France par Lou Ye (Summer Palace), que la réalisatrice Rebecca Zlotowski (Belle épine) a enfin «vu» le personnage masculin de son film. Le scénario n'était même pas encore écrit.

«Quand elle m'a dit cela, j'étais super content, a déclaré l'acteur à La Presse lors d'un récent passage à Montréal. Le film de Lou Ye a été négligé, il est même un peu passé à la trappe. J'avais mis toutes mes tripes dedans. Et voilà qu'à notre première rencontre, Rebecca m'apprend qu'elle a eu le sentiment d'avoir trouvé son Gary en visionnant Love and Bruises. Ça fait vraiment plaisir!»

À cette étape, Grand Central n'existait pratiquement que dans l'esprit de la jeune auteure-cinéaste, révélée il y a trois ans grâce à Belle épine.

«Rebecca ne pouvait pas encore me présenter un scénario, mais, de la façon dont elle en parlait, on ne pouvait faire autrement que d'être fasciné, note l'acteur. Il s'agit en tout cas d'un sujet inédit. Elle aborde dans ce film des thèmes dont on n'entend jamais parler. En tant que spectateur, ça m'intéresse. J'ai envie de voir ça.»

Une centrale nucléaire

Dans Grand Central, Tahar Rahim incarne Gary, un jeune homme en rupture familiale qui, pour gagner sa croûte, accepte d'aller travailler dans une centrale nucléaire. Dans cet environnement très particulier, où le moindre faux pas peut avoir de graves conséquences, l'homme se retrouve au coeur d'un imbroglio sentimental le jour où il tombe amoureux de la compagne de l'un de ses collègues. Léa Seydoux, déjà vedette de Belle épine, prête ses traits à Karole, une jeune femme incandescente au charme de laquelle Gary succombe.

«Rebecca m'a fait part de son envie de trouver une autre manière de me représenter à l'écran, explique l'acteur. Quand elle m'a fait parvenir son scénario, certaines choses me paraissaient encore très floues. Au point où je ne croyais pas tenir le personnage. Je ne trouvais pas de réponses à mes questions, en tout cas. Rebecca m'a alors dit de ne pas m'en faire, que tout s'expliquerait au tournage.

«C'est vrai, poursuit-il. Une partie du film s'est mise à exister au moment où nous nous sommes retrouvés sur le plateau. Tout ce qui existait déjà entre les lignes du scénario prenait là une forme concrète. Rebecca le savait, bien sûr!»

Un amour né de l'ennui

Avant d'être révélé au monde il y a quatre ans grâce à Un prophète, le film exceptionnel de Jacques Audiard, Tahar Rahim a fait des études en cinéma à Montpellier. À l'époque, il avait même été le sujet de Tahar l'étudiant, un film réalisé par l'un de ses camarades, Cyril Mennegun (Louise Wimmer).

«Mon amour du cinéma est né de l'ennui, dit-il. À Belfort, où j'ai grandi, la salle de cinéma était mon refuge. C'était le seul endroit où je pouvais m'évader. Encore aujourd'hui, je ne me sens jamais mieux ailleurs que dans une salle de cinéma. Mais c'est à l'adolescence que le virus m'a vraiment atteint. Dans ma famille, on tenait toutefois à ce que je fasse des études. J'ai fait un bac en sciences, étudié les mathématiques, l'informatique, mais rien de tout cela ne me convenait. Quand j'ai annoncé à mon entourage mon désir d'être acteur, on m'a soutenu dans ma décision, à la condition que je poursuive des études quand même. Je suis allé étudier en cinéma!»

Même s'il fréquente régulièrement les salles obscures, Tahar Rahim s'est aussi construit une culture cinématographique en regardant des longs métrages à la télé.

«De tous les genres, précise-t-il. À l'époque de mon adolescence, il y avait encore de grands rendez-vous de cinéma à la télé. Avec la multiplication des chaînes, qui présentent tout et n'importe quoi, n'importe comment aussi, ce genre de rendez-vous n'existe plus. Si vous remarquez, les gens de plus de 30 ans ont tous une certaine cinéphilie. Cela a tendance à disparaître.»

L'actualité récente de l'acteur fut aussi marquée par deux tournages importants. Dans The Cut, premier film en langue anglaise du cinéaste allemand Fatih Akin (De l'autre côté), Tahar Rahim interprète un père de famille qui, pendant la Première Guerre mondiale, parcourt le monde afin de retrouver ses enfants disparus. On espère un lancement au prochain Festival de Cannes.

«Fatih est un frère pour moi, dit l'acteur. Dès notre première rencontre, j'ai su que ce serait un pote. Nous avons vécu quelque chose de très fort pendant six mois. Un peu comme si je devenais la projection de lui-même devant la caméra. C'est hyper rare.»

Tahar Rahim tourne par ailleurs actuellement Samba, nouvelle comédie d'Éric Toledano et Olivier Nakache, l'heureux tandem d'Intouchables. Omar Sy est évidemment de la partie. On note aussi dans ce film les présences de Charlotte Gainsbourg et Izia Higelin.

«C'est ma première comédie! lance fièrement l'acteur. Je ne peux trop en parler, mais je peux quand même dire que je joue le rôle du meilleur ami d'Omar. Et c'est un vrai plaisir!»

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Grand Central prend l'affiche le 6 décembre.

PHOTO FOURNIE PAR LA PRODUCTION

Tahar Rahim et Léa Seydoux se donnent la réplique dans Grand Central.