Sam Raimi a disparu du grand écran pendant quatre ans. Il revient avec Oz: The Great and Powerful, un antépisode au célèbre roman de L. Frank Baum devenu film culte. Rencontre avec un réalisateur réputé pour sa gentillesse, son respect des autres, son esprit de famille. Un prince, disent ses troupes. Un magicien, aussi.

«Sam Raimi, c'est un prince!» Ces mots viennent spontanément aux lèvres de Michelle Williams quand on lui parle de celui qui l'a dirigée dans Oz: The Great and Powerful, dans lequel elle incarne Glinda, la bonne sorcière du Sud. «Sam, je ferais n'importe quoi avec lui», ajoute James Franco au sujet du réalisateur pour qui il a incarné Harry Osborn/New Goblin dans la trilogie Spider-Man et, dans ce cas, l'énigmatique magicien d'Oz.

Le respect, l'esprit de famille, l'humour: lors de rencontres tenues à Los Angeles, ces mots revenaient constamment dans les propos des têtes d'affiche de cette production qui explore ce qui s'est passé avant The Wonderful Wizard of Oz et imagine des réponses à certaines questions - «qui est l'homme derrière le rideau?», «comment est-il arrivé là?» En effet, dans les 13 romans qui ont suivi son oeuvre la plus connue, L. Frank Baum n'y a jamais répondu.

Père de cinq enfants, Sam Raimi a immédiatement été séduit par cette idée d'un long métrage familial. On connaît son talent pour l'horreur, qu'il étale dans ses Evil Dead ou dans son dernier film avant celui-ci, Drag Me to Hell. C'était en 2009. Une éclipse de quatre ans a suivi. «Ce film-ci a pris du temps à se faire», a expliqué le réalisateur lors d'une entrevue accordée à La Presse. Il était posé, gentil, a pris le temps qu'il fallait malgré l'horaire préétabli, et arborait veston et cravate. Comme toujours. «C'est un signe de respect. Sur le plateau, pour les acteurs et toute l'équipe. En entrevue, pour les journalistes que je rencontre. C'est un des enseignements de mon père», a dit, en souriant, celui qui est le quatrième des cinq enfants d'une famille juive conservatrice établie au Michigan.

En fait, après Drag Me To Hell, Sam Raimi devait s'attaquer à un quatrième Spider-Man. «Mais je n'ai pas trouvé l'histoire qui me satisfaisait.» Un an et demi plus tard, il s'est penché sur le projet d'adaptation du jeu vidéo World of Warcraft, «mais le scénario tardait à venir et j'avais besoin de réaliser quelque chose». À ce moment est arrivé Oz: The Great and Powerful et sa cohorte de défis - ce qui n'était pas sans déplaire au réalisateur.

D'abord, le 3D, qu'il n'avait jamais utilisé et dont il n'est pas un grand amateur. «Je sors des projections avec un mal de tête.» Pour éviter que son film n'ait cet effet, il a étudié la technologie en compagnie de stéréographes, de spécialistes en effets spéciaux, de caméramans rompus au maniement des caméras 3D. Il a compris et a fait le maximum pour mettre son savoir tout neuf en application.

La création d'un monde

Venait ensuite l'entière création d'un monde. «J'ai appris avec Spider-Man à travailler avec des effets spéciaux et des écrans verts. Mais ces histoires se déroulaient à New York. Ici, nous avons dû créer un univers au complet. Il n'y a pas un brin d'herbe ou un insecte, au pays d'Oz, que vous trouverez dans un livre de botanique ou d'entomologie.» Il s'est donc entouré d'artistes pouvant imaginer et faire naître sous leurs doigts des paysages, des villes, des citadelles, une faune et une flore originales.

Et, transpirant de tout cela, l'esprit du monde décrit par L. Frank Baum dans ses livres. L'esprit seulement, puisque l'histoire, originale, est signée Mitchell Kapner et David Lindsay-Abaire. «De toute façon, selon moi, faire un film à partir d'un livre exige de «tuer» le livre et de le recréer», explique le réalisateur. Il a toutefois tenu à faire, dans son oeuvre, plusieurs clins d'oeil à The Wizard of Oz, film classique réalisé en 1939 par Victor Fleming et mettant en vedette Judy Garland.

Ainsi, les deux oeuvres s'ouvrent en noir et blanc et le restent ainsi tant que l'action se déroule au Kansas. Puis, lorsqu'Oscar Diggs, dit Oz, emporté par la tornade, arrive à Oz, la couleur occupe un écran qui passe du format presque carré 1: 33.1 au large format 2.39: 1. Afin d'ajouter au processus immersif, le son monophonique se fait alors ambiophonique et la 3D, un peu plus poussée. La magie et la beauté du pays imaginaire explosent alors.

Il ne restait qu'à le peupler, notamment de personnages en images de synthèse - dont deux, très importants: Finley, le singe ailé (voix de Zach Braff), et China Girl, la poupée de porcelaine (voix de Joey King). Sam Raimi tenait à ce qu'ils possèdent le plus d'humanité possible. «Pour cela, Zach et Joey étaient sur le plateau pour répéter avec les autres comédiens. Puis, au moment d'enregistrer la scène, ils allaient dans une cabine pour jouer leur texte, mais ils étaient visuellement «reliés» aux acteurs et les acteurs à eux grâce à des caméras aussi petites que des téléphones cellulaires, placées au bout de perches, là où ils étaient censés se trouver dans l'espace.»

Le visage des «voix» à la place des fameuses balles de tennis. Cela a d'autant facilité la performance des James Franco, Michelle Williams, Mila Kunis et Rachel Weisz, présents en chair et en os. Unis derrière Sam Raimi pour faire «un film dont, c'était mon but, Walt Disney lui-même aurait été fier. Il contient un propos édifiant, s'adresse à la famille, n'est pas violent, présente des princesses Disney et des sorcières. Je pense qu'il aurait pu aimer», conclut le réalisateur. Avant de laisser tomber, en riant: «Ou détester.»

Le joker et ses dames

Pour incarner le carré de personnages en vedette dans Oz: The Great and Powerful un faux magicien (un joker, quoi!) et les trois dames qui l'entourent , Sam Raimi a cherché des acteurs «qui possédaient, au départ, en eux, l'essence du personnage qu'ils allaient jouer. L'art du casting, pour moi, se trouve là». Voici ce que ça a donné.

James Franco : Oz, l'immature

«James est quelqu'un de drôle, qui a du coeur et qui est en contact avec ses émotions. J'avais besoin de cela pour l'acteur qui interpréterait Oz, car le personnage a, lui aussi, du coeur... mais il ne le sait pas et pourrait, au départ, paraître désagréable et s'aliéner le public», explique Sam Raimi.

James Franco a donc sauté dans l'aventure et s'est glissé dans la peau d'Oscar Diggs. Un «briseur de coeurs, trop sûr de lui, en quête de grandeur plus que de bonté», résume l'acteur, qui a été séduit par le voyage intérieur que le personnage fera en suivant la route de briques jaunes.

«Je savais qu'avec Sam, nous allions créer un monde fantastique - après tout, c'est le pays d'Oz! - mais que nous ne nous contenterions pas d'en mettre plein la vue, qu'il y aurait un propos», ajoute-t-il. Pour l'occasion, il a par ailleurs appris des tours de magie. Ceux-ci «me rendraient très populaire dans les fêtes, dit-il en rigolant. Mais, comme toutes les choses que j'ai apprises pour des films - piloter un avion, me battre à l'épée... -, ça va faire partie de ces trucs que je mets au placard après le tournage».

Michelle Williams : Glinda, la pure

«Michelle a une âme pure et cela ne peut être truqué», affirme Sam Raimi au sujet de celle qui incarne Glinda, la bonne sorcière du Sud.

Si bonne que le personnage aurait pu être sans relief. «Nous avons beaucoup discuté de cela, Sam et moi, afin de trouver comment donner de l'ombre à cette perfection, pour éviter que Glinda soit ennuyante», explique Michelle Williams. Sans altérer la pureté et la bonté du personnage, l'actrice a cherché ce que pouvaient être les craintes et les faiblesses d'une fée.

«Elle joue Glinda, non pas comme Billie Burke dans The Wizard of Oz, qui savait tout, mais comme une Glinda plus jeune, peu sûre d'elle, qui croit que le magicien possède les réponses pour sauver le pays; et qui, quand elle se rend compte que ce n'est pas le cas, va devoir réagir et penser vite, fait Sam Raimi. Elle se lève et devient alors une héroïne.»

Un reflet de ce que le personnage est dans le film classique, qui se déroule plus tard, «et que j'ai vu tellement de fois!» «Plus récemment, avec ma fille», ajoute Michelle Williams, pour qui cette aventure à Oz est en fait une lettre d'amour à sa Matilda.

Rachel Weisz : Evanora, l'obscure

Lorsqu'Oz arrive à Oz, Evanora règne sur la Cité d'Émeraude. Mais elle a de plus grandes aspirations. «C'était une première, pour moi, de jouer la méchante, et j'avoue que ça a été un immense plaisir que d'être manipulatrice, menteuse, machiavélique et, en même temps, très glamour», dit en rigolant celle qui se considère comme une «fille t-shirt et jeans». «Les belles robes, c'est synonyme de tapis rouge. Et les tapis rouges sont des espaces... hors de la réalité», dit Rachel Weisz en souriant. Elle s'est d'ailleurs rendue à Los Angeles pour convaincre Sam Raimi qu'elle possédait le côté obscur d'un personnage comme on en voit trop peu au cinéma.

«Où sont passées les Joan Crawford et les Betty Davis? demande-t-elle. L'archétype de la méchante qu'elles incarnaient à l'écran a disparu! Aujourd'hui, les mauvaises femmes du cinéma doivent être folles, torturées, il faut qu'il y ait une explication à leur méchanceté, alors qu'il est si agréable de plonger dans un personnage qui n'a tout simplement pas de sens moral et qui en jouit», conclut celle dont le premier souvenir cinématographique est, justement, The Wizard of Oz... et la terreur que lui a inspiré la méchante sorcière de l'Ouest.

Mila Kunis : Theodora, la déchirure

«J'ai vu Mila dans Forgetting Sarah Marshall, où elle paraît innocente et joyeuse. Puis, je l'ai vue dans Black Swan, où elle affiche sa noirceur. J'ai su qu'elle avait ce qu'il fallait à Theodora», indique Sam Raimi.

Theodora est la soeur d'Evanora. Une sorcière, oui, mais qui n'a pas encore déterminé si elle servira le Bien ou le Mal. «Pour moi, c'est une fille très jeune et naïve, qui n'a jamais connu l'amour, qui le rencontre en la personne d'Oz, et qui a ensuite le coeur piétiné, brisé. Avec «l'aide» de sa soeur, elle va tenter de survivre en sombrant dans la colère et dans la rage», résume Mila Kunis qui, pour ce rôle, a dû travailler beaucoup à l'aide de harnais et de câbles. Afin de voler façon sorcière, s'entend. «J'avais peur au début, mais je me suis rendu compte rapidement que des gens étaient là pour veiller à ma sécurité. Ma responsabilité, à partir de là, était de donner le maximum de moi-même, harnachée et suspendue pendant 17 heures. Oui, j'en ai gardé des marques pendant un moment», pouffe-t-elle.

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Oz: The Great and Powerful (Ozlemagnifique) prend l'affiche le 8 mars.

Les frais de voyage ont été payés par Walt Disney Studios.

Photo: fournie par Disney

Michelle Williams